Le groupe Air France-KLM et ses deux filiales, Air France et KLM, feront partie des groupes de transport aérien qui survivront à la crise du Covid-19. Les Etats français et néerlandais, chacun actionnaire à 14% du groupe, vont les aider, en garantissant notamment des prêts bancaires d'un montant de plusieurs milliards d'euros qu'il aurait été impossible pour les deux compagnies d'obtenir sans leur appui. Les discussions portent également sur des prêts directs, si nécessaires. Il y a urgence. Même en tenant compte de mesures de prises en charge du chômage partiel, du report de charges et de cotisations sociales..., le groupe a besoin de liquidités d'ici au troisième trimestre, a précisé Anne-Couderc, la présidente d'Air France-KLM, lors d'une audition au Sénat ce mercredi.
Prêt garanti par l'Etat
La fragilité d'Air France et l'environnement catastrophique dans lequel baigne le transport aérien n'auraient jamais pu convaincre des banques de prêter de telles sommes. Les négociations sont en cours et leur issue dira si Air France a obtenu les quelque 8 milliards d'euros dont la compagnie estime avoir besoin. KLM de son côté compte bénéficier d'une somme autour de 2 milliards d'euros (certaines sources évoquent une fourchette comprise entre 2 et 3 milliards). Point positif pour Air France : selon nos informations, l'Etat français va garantir le prêt bancaire qu'il accordera à la compagnie française à hauteur de 90% et non à 70% comme cela était évoqué au début des négociations.
Même si une augmentation de capital sera nécessaire dans un second temps selon certains bons connaisseurs de l'entreprise ("il faudra commencer à en parler à l'automne", assure l'un d'eux), Air France-KLM et ses filiales ont de quoi passer la crise et affronter la reprise. Et peut-être financer aussi un peu la restructuration du groupe, essentiellement à Air France.
Car la direction d'Air France-KLM et d'Air France n'entend pas utiliser ce prêt pour attendre la reprise sans rien faire. "Il y a un engagement pour réaliser la transformation du groupe dans un modèle performant", explique un connaisseur du dossier.
Repenser le modèle
Si au début de la crise du Covid-19, Ben Smith, le directeur général d'Air France-KLM évoquait un "plan d'adaptation", il parle désormais d'un plan de reconstruction.
"Il va nous falloir aller très vite, reconstruire un groupe différent, dans une industrie du transport aérien profondément bouleversée (...). Ce qui est certain, c'est qu'il faudra repenser notre modèle", écrivait-il il y a une dizaine de jours dans un courrier envoyé aux salariés d'Air France que La Tribune s'est procuré.
En effet, comme Ben Smith l'indique l'évolution de la demande reste la grande inconnue:
"Nous ne savons pas comment vont être modifiées les habitudes de voyage de nos clients, à quel rythme ils vont recommencer à voyager", disait-il dans son courrier.
Il y a en effet un risque que la demande professionnelle et touristique soit moins forte en raison des contraintes sanitaires et de l'environnement économique. Aussi, le groupe va-t-il chercher à faire des économies et à augmenter sa compétitivité pour non seulement répondre à une demande qui sera peut-être moins rémunératrice, mais aussi pour pouvoir rembourser les prêts obtenus. Au regard des montants évoqués, les échéances seront en effet considérables.
Accélérer le plan
Un plan est en cours d'élaboration. Selon nos informations, l'idée générale est d'accélérer fortement le plan qui avait été présenté en novembre dernier aux investisseurs en le réaliser non pas en cinq ans comme prévu initialement, mais en deux ans ! Pour rappel, même sur cinq ans, ce plan était déjà terriblement ambitieux puisqu'il comptait faire passer la marge opérationnelle d'Air France de 1,7% à 7,5%!
L'enjeu principal se situe en France avec la restructuration maintes fois évoquée du réseau domestique, un foyer de pertes d'Air France depuis des années en raison de la concurrence du TGV et des low-cost et du coût du personnel en escale d'Air France. L'an dernier, cette activité a essuyé près de 200 millions d'euros de pertes d'exploitation.
La restructuration du réseau domestique pose évidemment la question de l'organisation de l'activité "point-à-point" assurée à la fois par Air France et HOP, la filiale régionale, laquelle voit son activité se réduire comme peau de chagrin. La question de l'avenir de HOP se pose donc. Passera-t-il par la fermeture complète ou d'une nouvelle réduction de son périmètre centrée sur la seule activité d'alimentation du hub de Roissy-Charles de Gaulle ? "Il y a d'autres options que la disparition, comme l'alimentation de Roissy", indique un bon connaisseur de l'entreprise. Au Sénat ce mercredi, Ben Smith a effectivement évoqué l'alimentation du hub de CDG, mais il a entretenu le doute sur le maintien de HOP à Orly (en évoquant la possibilité "d'utiliser d'autres outils d'Air France") et sur les lignes transversales (région-région). Tout est à l'étude, a-t-il dit, pour s'assurer "que les réseaux domestiques deviennent rentables le plus rapidement possible".
Quel que soit le scénario, les conséquences sociales risquent d'être lourdes non seulement chez HOP, mais aussi à Air France qui assure les services en aéroports de l'activité point-à-point.
"Il y aura un impact social", a admis Ben Smith.
Développement de Transavia.
En revanche, l'autre filiale d'Air France, la low-cost Transavia France, verra son activité augmenter. Notamment sur sa base principale d'Orly. Tout est sur la table, y compris le remplacement de tout ou partie de l'activité d'Air France (et de HOP) à Orly par Transavia. Pour rappel, Air France assure quelques destinations européennes, mais surtout domestiques avec La Navette.
Au Sénat, Ben Smith a discrètement donné une justification à l'étude de ce scénario.
"Nous prévoyons une activité des low-cost très forte en France. C'est pour cela que le être en position d'utiliser tous nos outils sont très important", a-t-il dit.
Si d'aventure Transavia devait être amenée à assurer des vols intérieurs, il faudrait un accord entre la direction et les pilotes d'Air France. En effet, dans les accords de périmètre de Transavia, celle-ci ne peut pas opérer de vols intérieurs. Vu que ce sont des pilotes d'Air France aux commandes des avions de Transavia, un tel schéma ne devrait pas être un sujet de discorde.
Transavia sous-traitant son personnel en escale, le développement de la compagnie low-cost poserait de facto la question de l'avenir du personnel d'Air France à Orly.
L'accélération du plan pose un autre problème. Alors que la pyramide des âges permettait initialement de régler le sureffectif d'Air France par des départs naturels, notamment dans les fonctions support, l'accélération du plan pourrait remettre en cause ce schéma.
Au final, de nouveaux plans de départs volontaires pourraient être déclenchés. Avec la difficulté de trouver des volontaires dans le contexte économique actuel.
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