Prêt bancaire garanti par l'Etat, recapitalisation, voire nationalisation, "tout est possible, tout est envisageable, tout est prêt", déclarait la semaine dernière le ministre de l'économie Bruno Le Maire au sujet de l'aide "massive" qu'apporterait l'Etat à Air France et par conséquent à sa maison-mère Air France-KLM dont il détient, comme l'Etat néerlandais, 14% du capital.
Rejetée par le directeur général du groupe Ben Smith, la nationalisation semble une réponse en dernier recours, et le prêt bancaire garanti par l'Etat reste le schéma de travail privilégié. Son montant fait l'objet de négociations serrées. Selon des sources internes à Air France-KLM, le groupe aérien demande plus que les six milliards d'euros évoqués dans la presse la semaine dernière et les négociations avec l'Etat et les banques portent sur une aide "autour de dix milliards d'euros", dont près de 8 milliards pour Air France.
Six milliards d'euros, le montant minimum
Le montant de 6 milliards d'euros de prêts bancaires garantis par l'Etat français et néerlandais (répartis à hauteur de 4 milliards par Air France garantis par Paris et 2 milliards d'euros pour KLM garantis par La Haye), constitue un montant minimum. Il correspond à l'un des critères fixé par Bruxelles pour calculer le montant d'un prêt garanti par les Etats : 25% du chiffre d'affaires annuel 2019 de l'entreprise garantis au maximum à 90%.
Aussi importante soit-elle, la somme de six milliards d'euros est deux fois moins importante que celles évoquées dans d'autres pays pour soutenir des groupes de taille équivalente (Lufthansa), voire plus petite (Singapore Airlines), et risque "d'être un peu juste", selon une source interne. Elle pourrait éventuellement suffire dans un scénario de reprise relativement soutenue dès le mois de juillet comme le groupe l'espérait encore récemment, mais ce schéma optimiste n'est plus partagé par grand monde aujourd'hui. Air France-KLM perd 25 millions d'euros par jour et dispose de liquidités (six milliards d'euros il y a un mois) pour tenir jusqu'en septembre.
"Si l'activité ne reprend pas cet été, les six milliards sont carrément insuffisants", explique une source interne.
Car au-delà de la crise à court terme, ils ne permettront pas d'affronter une reprise qui s'annonce très lente et progressive. Vendredi, lors d'une visioconférence avec des pilotes d'Air France, Ben Smith, le directeur général d'Air France-KLM, a indiqué ne pas s'attendre à retrouver le niveau de trafic de 2019 avant deux ans au minimum.
Pour passer les mois de crise, assurer la reprise voire financer également un peu de la restructuration, le groupe travaille donc sur un soutien se situant autour de 10 milliards d'euros", assure à La Tribune un connaisseur du dossier, en précisant qu'il n'est pas prévu une évolution du montant de l'aide de KLM (autour de deux milliards d'euros). Ce qui revient à dire que la part d'aides demandés pour Air France s'élève à 8 milliards d'euros environ.
Ce montant semble compatible avec les règles européennes. Dans son texte publié le 20 mars au journal officiel de l'UE sur "l'encadrement des aides d'Etat temporaires visant à soutenir l'économie dans le cadre du Covid-19", la Commission indique en effet que "dans des cas dûment justifiés et sur la base d'une auto-certification, par le bénéficiaire, de ses besoins de liquidités, le montant du prêt peut-être majoré afin de couvrir les besoins de liquidités pendant les 18 mois suivant la date de l'octroi dans le cas des PME et pendant les 12 mois suivant la date de l'octroi dans le cas des grandes entreprises".
Les banques sont réticentes
Reste à voir l'issue des négociations avec les banques et l'Etat français. Si le gouvernement semble avoir la volonté de faire le maximum, les banques sont beaucoup plus frileuses. "C'est plus compliqué, elles gèrent leur risque", confie un proche du dossier. Comme l'a indiqué vendredi Ben Smith à des pilotes, les banques sont réticentes à prêter avec une garantie de l'Etat à 70%. Même à 90%, d'ailleurs, en raison de l'ampleur de la crise sur le transport aérien, de l'histoire sociale d'Air France et de la performance économique d'Air France avant la crise. Selon Ben Smith, "il est très difficile pour l'Etat de nous soutenir au niveau dont nous avons besoin". "Il est donc loin d'être évident que le groupe obtienne davantage que six milliards d'euros, qui reste déjà une somme exceptionnelle", explique un connaisseur.
Pour autant, les besoins d'Air France peuvent également être assurés par le fonds d'affectation spéciale placé sous l'autorité de l'Agence des participations de l'Etat (APE). Vendredi, Bruno Le Maire, a indiqué que l'Etat français était prêt à consacrer 20 milliards d'euros à l'aide à des entreprises publiques ou privées mises en difficulté par la crise liée à l'épidémie de coronavirus.
"Nous avons décidé d'abonder ce fonds, de mettre 20 milliards sur ce compte d'affectation spéciale, justement pour pouvoir soutenir, en capital, toutes les entreprises qui pourraient en avoir besoin, publiques ou privées", a-t-il dit. "Et concernant Air France, nous nous tenons prêts, (...) sans doute rapidement, à intervenir pour soutenir Air France et faire en sorte que ce qui est un fleuron industriel français (...) puisse être soutenu le moment venu et se redresser rapidement.
Les annonces pourraient en effet intervenir cette semaine.
Interrogés ni Air France-KLM ni Bercy n'ont fait de commentaire.
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