Getir France, spécialiste de la livraison rapide de courses à domicile, placé en redressement judiciaire

Moins de deux ans après sa création, la filiale française du groupe turc Getir, spécialiste de la livraison rapide de courses à domicile, a été placée par le Tribunal de commerce de Paris en redressement judiciaire. Selon la CFDT, l'entreprise compte 900 salariés en France et ses deux autres marques, Gorillas France et Frichti, respectivement 500 et 400.
Getir France entendait rendre « le luxe de la livraison à domicile » accessible.
Getir France entendait rendre « le luxe de la livraison à domicile » accessible. (Crédits : Reuters)

[Article publié le mercredi 03 mai 2023 à 07h57 et mis à jour à 13h48] Getir n'aura pas réussi à s'imposer en France comme l'acteur de référence de la livraison rapide de courses à domicile. « Le Tribunal de commerce de Paris s'est prononcé aujourd'hui (2 mai) en faveur » du placement en redressement judiciaire de la société, a annoncé l'entreprise turque dans un communiqué mardi soir à l'AFP.

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Dans le détail, le tribunal « a accordé une période d'observation de 3 mois pour Getir France, Gorillas France, Frichti ». Selon l'entreprise, cette décision « doit donner aux trois filiales de Getir en France le temps nécessaire pour trouver un modèle durable pour opérer dans le pays ».

Getir est présent dans 9 pays (Turquie, Allemagne, Royaume-Uni, Pays-Bas, Etats-Unis, Italie, Portugal, Espagne et France) et dans 7 villes  françaises (Paris, Lille, Lyon, Marseille, Aix-en-Provence, Montpellier, Grenoble).

Flink bientôt racheté ?

Quid des salariés du groupe ? Selon la CFDT, Getir compte 900 salariés en France, Gorillas en dénombre 500, et Frichti en compte 400. Dans les faits, l'entreprise avait demandé, le 20 avril, à être placé sous ce statut. Cette procédure « n'affectera pas les clients puisqu'ils pourront continuer à utiliser les services de Getir  comme d'habitude », assurait l'entreprise affirmant « que son objectif (...) avec ce redressement judiciaire est de créer un modèle durable à long terme en France ».

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La CGT avait estimé, quant à elle, que cette demande de placement en redressement judiciaire par Getir était une stratégie visant à « faire payer les salaires par l'AGS (régime de garantie des salaires, NDLR) et suspendre provisoirement le paiement des dettes et des créanciers ». Selon le syndicat, l'entreprise a « une trésorerie importante »  et « dispose encore des moyens permettant de financer la réorganisation de la (société en) France ».

Ce redressement judiciaire intervient alors que le quotidien économique britannique Financial Times affirme, sur la foi de sources ayant connaissance du dossier, que des discussions sont en cours concernant un rachat par Getir de son concurrent Flink. Interrogé par l'AFP, Getir n'a pas souhaité faire de commentaire mardi soir. Si l'opération aboutissait, cela ferait de Getir l'unique acteur du secteur encore présent en France, observe mardi le média spécialisé dans la distribution LSA.

De l'arrivée en fanfare à la déconfiture

Quoiqu'il en soit, le contraste est saisissant entre cette annonce et l'arrivée en fanfare de Getir dans le pays mi-2021. L'entreprise turque revendiquait alors son statut de précurseur du « quick commerce », soit la livraison ultra rapide à domicile - ou sur le lieu de travail - d'un panier de courses que les clients ne seraient pas en mesure d'aller chercher dans le supermarché le plus proche.

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Getir France entendait rendre « le luxe de la livraison à domicile » accessible, expliquait à l'époque à l'AFP son fondateur, Nazim Salur. La société est soutenue par des fonds d'investissement de renom : les californiens Sequoia Capital et Silver Lake, ou encore Mubadala Investment Company, un fonds d'investissement souverain de l'émirat d'Abu Dhabi. Deux ans plus tard, l'endettement total était d'environ 17,6 millions d'euros à finmars 2023 , selon une note interne à l'entreprise que l'AFP s'est procurée. Getir France y explique avoir fait les fruits « d'un environnement contextuel défavorable » avec notamment l'inflation et un « niveau élevé des loyers et un nombre de baux très importants ».

Les « dark stores » dans le collimateur du gouvernement

S'il a entretemps croqué son concurrent Gorillas fin 2022 - lequel avait précédemment racheté le français Frichti, présent depuis plusieurs années dans le pays - Getir a aussi dû faire face à une levée de boucliers de certaines métropoles. Ces dernières craignent d'être réduites à l'état de « villes-entrepôts » par ces nouveaux acteurs, voire critiquent le développement de « l'économie de la flemme ».

En France, le gouvernement a ouvert fin mars la voie à une régulation par les mairies de l'implantation de ces acteurs en ville. Les « dark stores » sont désormais considérés comme des entrepôts, et non des commerces, une décision ouvrant la voie à la régulation de cette activité par les mairies.

Ces locaux où sont stockés des produits livrés en quelques minutes après avoir été commandés sur internet via des plateformes comme Getir pourront donc désormais être contraints de fermer si le Plan local d'urbanisme (PLU) interdit ce type d'activité à leur adresse. Une victoire pour les communes, au lendemain d'une décision du Conseil d'État allant dans le même sens.

« Avec Olivier Klein (ministre délégué à la Ville et au Logement, NDLR), nous nous étions engagés à ce que les mairies aient la possibilité d'approuver ou non l'implantation de « dark stores » dans leur commune. C'est désormais chose faite », se félicitait alors sur Twitter Olivia Grégoire, ministre déléguée au Commerce.

Getir indiquait alors espérer « que ce décret [lui] permettra de poursuivre l'expansion de [ses] activités afin de répondre à la demande croissante des consommateurs ». La mairie de Paris avait déjà remporté une victoire devant le Conseil d'État contre les « dark stores », face à Frichti et Gorillas. La plus haute juridiction administrative lui a donné raison, estimant que les  surfaces exploitées par ces deux entreprises étaient bien des entrepôts au sens du code de l'urbanisme et du plan local d'urbanisme (PLU) parisien dont la capitale a la maîtrise.

Le quick commerce dans le viseur des parlementaires

Des parlementaires ont appelé mercredi à encadrer davantage les plateformes du quick commerce, en matière de gestion des déchets, vente d'alcool et droit du travail, dans un secteur où « jusqu'à 70% des travailleurs sont en situation irrégulière ». « Les plateformes se montrent trop passives » face à ce phénomène des travailleurs en situation irrégulière, ont estimé les deux co-rapporteures Maud Gatel (Dem) et Anaïs Sabatini (RN), qui ont demandé « un renfort des sanctions » des sociétés fautives, lors de la présentation d'une mission d'information à l'Assemblée nationale.

Le quick commerce a émergé à la faveur de l'épidémie de Covid-19 et des confinements, et propose en quelques minutes la livraison de produits du quotidien à domicile. En France, il représentait 12% des achats alimentaires livrés à domicile en 2021, un marché « modeste », ont souligné les deux députées. A l'horizon 2030, il pourrait atteindre un chiffre d'affaires de 438 millions d'euros, selon elles.

(Avec AFP)

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