Grève des taxis : le conflit expliqué en 10 points

Loi Thévenoud, maraude (électronique), chauffeurs professionnels... La Tribune rappelle quelques clefs nécessaires à la compréhension du débat.
Mounia Van de Casteele
La majorité de ces chauffeurs sont des indépendants. Qu'il s'agisse d'Uber, de Marcel Chauffeur, de Le Cab ou encore de G7 ou Taxis Bleus, les plateformes parlent de "chauffeurs partenaires". Ceux-ci ne sont pas salariés mais travaillent à leur compte. Seuls les chauffeurs occasionnels de l'application mobile française Heetch sont des particuliers, comme l'étaient ceux du service UberPop, qu'Uber a suspendu l'été dernier.

Six mois après la violente grève des taxis qui demandaient aux pouvoirs publics d'interdire le service UberPop, les taxis manifestent à nouveau, demandant cette fois à l'Etat de faire respecter l'application de la loi Thévenoud. Pour comprendre le conflit, La Tribune recense quelques points à avoir en tête.

- Que dit la loi Thévenoud ?

La loi dite Thévenoud impose notamment aux VTC de retourner à leur "base" entre deux courses. Elle leur interdit la "maraude" ainsi que la "maraude électronique".

Depuis le 1er octobre 2014, les taxis doivent être équipés d'un terminal adéquat et ont l'obligation d'accepter tout paiement effectué en carte bancaire.

- La licence est délivrée gratuitement par l'Etat

La licence est une autorisation de stationnement (ADS), qui confère plusieurs droits aux taxis. Parmi lesquels le fait de stationner sur la voie publique, le fait de circuler librement et de prendre des passagers "à la volée", sur la voie publique (la maraude). les taxis peuvent également emprunter les voies de bus ainsi que certaines voies rapides sur l'autoroute.

A la base, la licence est délivrée gratuitement par l'Etat. Mais le temps d'attente est extrêmement long à cause du nombre limité de taxis (le numerus clausus) - décidé par les pouvoirs publics - ayant le droit d'être en circulation. Aussi l'Etat a-t-il autorisé les détenteurs de licences à les revendre sur un marché secondaire de gré à gré. Conformément à la loi de l'offre et de la demande, le prix des licences a explosé, atteignant jusqu'à 400.000 euros à Nice début 2014 et environ 240.000 euros à Paris avant de commencer à diminuer.

- Avant, les réservations étaient réservées aux VTC, et la rue (la maraude) aux taxis

Comme le rappelle le chercheur Richard Darbéra, qui a beaucoup étudié la question, les réservations étaient auparavant réservées à la grande remise. Entre deux courses, chaque remisier rentrait à son garage, en attendant le prochain appel d'un client. La profession cohabitait ainsi pacifiquement avec les taxis, dont le marché se bornait à la voie publique et aux courses immédiates.

- Les taxis ont obtenu le droit de prendre des réservations téléphoniques

Puis, avec l'arrivée du téléphone, les taxis ont obtenu l'avantage de conserver le monopole de la maraude tout en ayant la possibilité de prendre des réservations par téléphone.

Ils ont depuis, semble-t-il, la possibilité de jouer à armes égales avec les VTC grâce aux nouvelles technologies et à la généralisation des smartphones.

- Les VTC et la question de la maraude électronique

Oui mais face aux succès des plateformes de réservation comme Uber, les taxis ont demandé aux pouvoirs publics d'intervenir, faisant jouer leur "désavantage compétitif" lié au prix exorbitant de leurs licences, afin de conserver le monopole des commandes immédiates.

D'où la question de la définition de l'immédiateté, induite par la numérisation de l'offre. Les pouvoirs publics ont finalement décidé que la "maraude électronique" devait être réservée aux taxis, et que celle-ci se définissait par le fait d'informer le client à la fois de la géolocalisation d'un véhicule et de sa disponibilité.

- Nouveau bras de fer : entre les plateformes et certains chauffeurs professionnels d'un côté, et les chauffeurs de taxi et certains de VTC de l'autre

Et pour cause, les taxis veulent conserver le monopole de la maraude. Certains chauffeurs VTC, à l'instar de ceux représentés par le syndicat SCP/VTC sont d'ailleurs en totale adéquation avec un tel discours. Ils dénoncent en effet la maraude électronique pratiquée par les plateformes, et ces dernières de manière globale, qui sont, selon le syndicat, à l'origine de la paupérisation de la profession.

Le bras de fer n'est ainsi plus entre taxis et VTC mais entre les plateformes et quelques chauffeurs professionnels d'un côté, et certains chauffeurs de VTC et les taxis de l'autre...

Lire aussi : les chauffeurs veulent un numerus clausus, pas les plateformes

- Les taxis ne font presque plus de maraude

 Oui mais voilà. Certaines études statistiques, à l'instar de celle de l'institut 6-t, tendent  à montrer que les taxis seraient principalement en réservation (70%), et en station (20%). La maraude ne représenterait ainsi que 10% de leur activité...

Ce qui corrobore d'ailleurs l'enquête de Dominique Nora dans L'Obs, qui démontrait que le système actuel profitait en réalité à un seul acteur : le groupe G7 (dont l'actionnaire majoritaire est également celui qui détient les Taxis Bleus), qui n'avait par conséquent aucun intérêt à ce que la donne change.

- Les différents statuts des chauffeurs professionnels

Les chauffeurs professionnels sont soit taxis (ont obtenu une licence ou la louent), soit VTC (ils ont passé les 250 heures de formation), soit capacitaires (les chauffeurs ayant le statut de capacitaire, en vertu de la loi Loti (Loi d'Orientation du Transport Intérieur), ont passé l'examen pour).

Seuls les chauffeurs occasionnels de l'application mobile française Heetch sont des particuliers, comme l'étaient ceux du service UberPop, qu'Uber a suspendu l'été dernier.

Lire aussi : Qui veut la peau de Heetch ?

Rappelons au passage que la majorité de ces chauffeurs sont des indépendants. Qu'il s'agisse d'Uber, de Marcel Chauffeur, de Le Cab ou encore de G7 ou Taxis Bleus, les plateformes parlent de "chauffeurs partenaires". Ceux-ci ne sont pas salariés mais travaillent à leur compte.

- La loi Loti permettait initialement le transport d'un passager unique

Comme le rappelle Yves Weisselberger , président de la FFTPR et fondateur de SnapCar, dans L'Obs, les chauffeurs capacitaires avaient à la base la possibilité de ne transporter qu'un seul passager:

La loi LOTI (Loi d'Orientation du Transport Intérieur) offre un second statut : le chauffeur "capacitaire". En théorie dédié au transport de groupe jusqu'à neuf personnes. Depuis toujours, ces chauffeurs ont également accès au transport individuel de personnes et ont été souvent utilisés par exemple par la Grande Remise (Voitures avec Chauffeurs de luxe). Un décret fort opportun daté du 31 Décembre 2014 - tout le monde n'était pas au ski - introduit un seuil minimal à deux passagers.

Celui-ci précise ainsi :

VI.-Le décret du 16 août 1985 susvisé est ainsi modifié : 1° A l'article 1er, le membre de phrase : « il n'est pas applicable aux transports effectués par les taxis, à l'exception de ceux effectués par des entreprises de taxis exerçant une activité de transport public routier de personnes dans les conditions prévues au 5 de l'article 7 du présent décret ainsi que par les voitures de petite remise, les voitures de tourisme avec chauffeur, » est remplacé par le membre de phrase : « il n'est applicable ni aux transports effectués par les véhicules de transport public particulier de personnes, ni aux transports effectués par » ; 2° L'article 32 est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Un groupe au sens du présent article est composé d'au moins deux personnes. » ;

- Les taxis peuvent aussi rouler en tant que VTC

Depuis quelques semaines, une décision de justice a élargi le champ de compétences des taxis en leur permettant de devenir aussi VTC.

A l'annonce d'une telle nouvelle, la plateforme Uber a aussitôt proposé aux taxis de la rejoindre.

Lire aussi : Pourquoi Uber ouvre sa plateforme aux taxis

- Le gouvernement sèche sur la question de la formation des VTC

Actuellement l'immatriculation des chauffeurs VTC est bloquée. Le gouvernement a réuni les différents acteurs du secteur afin de savoir s'il serait ou non judicieux de supprimer la formation de 250 heures imposée jusqu'alors et de la remplacer par un examen, comme cela se fait pour les taxis et capacitaires. Les deux principaux acteurs du taxi (Taxis Bleus et G7) estiment qu'un examen avec un tronc commun serait une bonne solution, qui sera du reste provisoire, avant la refonte de celui des Taxis programmée pour 2017. La majorité des VTC abonde dans ce sens. En revanche, la question du nombre de sessions d'examens reste entière. D'ailleurs le gouvernement n'a pas encore réussi à prendre sa décision. Les plateformes type Uber souhaiteraient qu'elles soient illimitées ou le plus nombreuses possible, contrairement à certains VTC, notamment ceux représentés par le syndicat SCP/VTC qui voudraient établir un certain numerus clausus en n'en instaurant que trois par an.

- Les solutions proposées pour régler le problème

Pour l'heure, certaines plateformes ont suggéré au gouvernement de créer un fonds de transition, via une taxe sur chaque course. Concrètement, comme le rappelait Heetch lundi à l'occasion d'un point presse, cette "taxe de transition numérique" (1% du montant de chaque réservation (centrale de taxi, VTC ou ride-sharing)) serait applicable à toutes les plateformes de réservation pour compenser le changement numérique que subissent les taxis.

Lire aussi : Travis Kalanick (Uber) à Emmanuel Macron : "les fabricants de voitures ont-ils payé pour la disparition des chevaux ?"

Mounia Van de Casteele

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Commentaires 2
à écrit le 26/01/2016 à 16:59
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Bon résumé de la situation et de sa complexité. Il ne manque qu'une chose: la partie caché de l'iceberg mais chut (dans la société de l'hypocrisie juridique de la preuve!) :le black. tout le monde le sait mais le fisc ferme les yeux (on se demande po...

à écrit le 26/01/2016 à 15:37
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Finalement c'est quoi tout se remue-ménage, des salariés, des indépendants, des éleveurs en colère parce qu'ils se rendent compte que NOS politiques sont hors sol un peu comme Mme N.V.Belkacem qui ne pipe mot quand C+ donne la parole à un illuminé qu...

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