Modernisation de l'Aéroport Lille-Lesquin  : où en est le projet  ?

ENQUÊTE. Même si la crise sanitaire a mis à l'arrêt le trafic aérien, l'aéroport de Lille-Lesquin poursuit son projet de modernisation prévu d'ici 2024, avec doublement de ses capacités et une extension du terminal existant. Après une première consultation publique, un premier avis de l'Autorité environnementale vient de tomber.
Si tout se déroule comme prévu, le chantier l'aéroport de Lille-Lesquin devrait démarrer l'année prochaine. Extension vers l'Ouest de l'aérogare, espaces arrivées et départs différenciés, parkings étendus et mises aux normes sont au programme.
Si tout se déroule comme prévu, le chantier l'aéroport de Lille-Lesquin devrait démarrer l'année prochaine. Extension vers l'Ouest de l'aérogare, espaces arrivées et départs différenciés, parkings étendus et mises aux normes sont au programme. (Crédits : ENIA Architectes)

Il y a encore beaucoup à faire! C'est en substance le message contenu dans le premier avis de l'Autorité environnementale, émis sur le projet de modernisation de Lille-Lesquin. L'organe étatique, compétent en matière d'environnement, a répondu, comme à son habitude, de façon très pointue aux multiples questions du maitre d'ouvrage. De la protection de l'air à l'eau, en passant par les sols, le climat, la biodiversité mais également le bruit, ce premier cadrage préalable à l'étude d'impact été revu dans les moindres détails.

Christophe Coulon, président du SMALIM (Syndicat mixte des aéroports de Lille et de Merville, composé de la Région Hauts-de-France, de la Métropole Européenne de Lille (MEL) et de la Communauté de communes Flandre Lys) et vice-président du conseil régional des Hauts-de-France, ne se montre pas inquiet outre mesure sur les nombreux points à revoir listés dans ce document: « Ce rapport est très bon, il est critique et exigeant : nous avons soumis une méthodologie de travail en motivant nos choix et en retour, l'Autorité environnementale nous a aidés à y voir plus clair sur notre manière de procéder ».

Opportunité du projet

Car même si certains constats de l'Autorité sont sans appel, l'élu se félicite avant tout que l'opportunité intrinsèque du projet ne soit pas remise en cause, ce qui aurait été autrement plus catastrophique : « Globalement, l'Autorité nous demande de nous projeter plus dans le futur, le bien-fondé de la modernisation n'est absolument pas remis en cause ».

Ce n'est pas exactement le point de vue de Stéphane Baly, challenger de Martine Aubry lors des dernières élections municipales à Lille, élu à la métropole et membre du conseil économique, social et environnemental régional sur les questions de transport et de mobilité. « Aujourd'hui, le trafic de l'aéroport de Lesquin est constitué à 70% de liaisons intérieures, concurrençant directement les trains à grande vitesse. Doubler le trafic de cet aéroport ne ferait que renforcer la concurrence entre aérien et ferroviaire, sachant que le plan climat de la métropole doit être adopté d'ici quinze jours », explique celui qui est par ailleurs membre du conseil d'administration de Virage Energie, association écologiste, spécialisée dans la prospective énergétique et sociétale et surtout opposée au projet de modernisation de l'aéroport.

Modèle économique

« Nous pouvons nous interroger également sur le modèle économique, sachant que de nombreux aéroports régionaux en Europe sont au bord de la faillite », conclut l'élu. Et d'ajouter que le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique pourrait aussi interdire « les services réguliers de transport aérien (...) sur toute liaison également assurée par voie ferrée, sans correspondance et en moins de deux heures trente ».

En tant que porte-parole de Stéphane Coulon ne présente pas les choses sous le même jour : « La Métropole Européenne de Lille et la Région a toujours composé avec le train. Toutes les opportunités de business ne sont pas concurrencées par le fer, notamment vers l'Afrique du Nord ou la Pologne. Les contacts avec les compagnies aériennes sont toujours très enthousiastes ».

Pour rappel, en 2019, l'aéroport de Lesquin, situé à une dizaine de kilomètres des gares du centre de Lille et du TGV, a accueilli 2,1 millions de passagers (contre 1,5 million en 2014), sachant que l'aérogare sature à partir de 2,6 millions. Les élus métropolitains ont donc voté la modernisation des installations, d'un part pour répondre à la réglementation mais également pour proposer de nouvelles destinations. Dans l'espoir d'attirer une clientèle des Hauts-de-France et du sud de la Belgique, plus habituée à se rendre aux aéroports de Charles de Gaulle, de Charleroi voire de Bruxelles-Zaventem.

100 millions d'euros

Le coût global des investissements à réaliser est aujourd'hui évalué à 100,9 millions d'euros HT, dont 13,4 millions de mise en conformité. Le projet est entièrement financé par le délégataire de la concession, à savoir Aéroport de Lille SAS (composé d'Eiffage Concessions et d'Aéroport-Marseille-Provence)*. « Le problème, et le rapport de l'Autorité le souligne, c'est que l'on mélange ce qui relève de la mise en sécurité et du nouvel aménagement : c'est un choix politique de la région de faire payer au concédant ce qui doit être à la charge du propriétaire », souligne Stéphane Baly.

En attendant le dépôt de permis de construire (prévu initialement au cours de ce premier trimestre) et l'enquête publique qui démarrera en septembre (une première concertation volontaire ayant été menée en fin d'année dernière), il reste du pain sur la planche pour les experts. Premier élément pointé, la présence de champs captants alimentant la nappe phréatique, qui « représentent une ressource irremplaçable pour l'agglomération lilloise », note le rapport. Ce qui implique donc que les eaux de ruissellement puissent être correctement interceptées et traitées, dans un cadre « routinier comme accidentel ». En clair, il faut pouvoir réagir, par exemple, à un déversement d'hydrocarbures.

L'environnement en jeu

Autre point soulevé, la campagne de mesures de la qualité de l'air présentée date de... 2007 ! « Il est attendu que l'état initial de l'étude d'impact repose sur des données plus récentes sur un sujet aussi important », précise l'Autorité environnementale, la qualité de l'air dans la métropole lilloise étant un sujet particulièrement préoccupant. « Les retombées de polluants dans un territoire habité et agricole sont très vraisemblables », souligne l'avis, qui émet même une hypothèse de... « scénarios d'exposition par ingestion » !

Concernant la faune, le dossier présenté n'évoque que le « péril animalier », à savoir la collision des oiseaux avec les avions alors que l'Autorité environnementale demande de prendre en compte les victimes « collatérales », dues entre autres à la destruction des habitats naturels. Il est également demandé une étude sur la flore existante et sur l'impact de la pollution lumineuse. « Nous n'avions pas vu à quel point le sujet des pollutions lumineuses était important, c'est un volet à côté duquel nous sommes passés, admet Christophe Coulon. L'Autorité environnementale a donc corrigé notre méthode, afin que nous puissions étudier sérieusement les choses ».

Sur le bruit, le maitre d'ouvrage comptait utiliser les huit stations de mesure du bruit installées dans les communes voisines. Or l'Autorité environnementale estime « peu probable que les stations existantes permettent de modéliser le bruit des transports terrestres (routiers et ferroviaires) car elles sont éloignées des infrastructures correspondantes », demandant au passage une étude plus précise sur les vibrations. Qui devrait durer pas loin d'un an.

Prochaines étapes

Alors que le dépôt du permis de construire doit être déposé cette année, pour un démarrage des travaux l'année prochaine. « Nous maîtrisons le cœur du permis de construire à 90%, il reste 10% de variables qui nécessiteront un complément d'études, certaines devant durer pendant un an. Le complément demandé va nous demander plus de moyens afin de ne pas prendre un an de retard », avance Christophe Coulon.

Si tout se déroule comme prévu, le chantier devrait démarrer l'année prochaine. Extension vers l'Ouest de l'aérogare, espaces arrivées et départs différenciés, parkings étendus et mises aux normes sont au programme. Surtout, Christophe Coulon, président du SMALIM (Syndicat mixte des aéroports de Lille et de Merville) a rappelé, lors de la concertation préalable, que « l'aéroport de Lille rend un service public : il a pour obligation d'accueillir les compagnies qui le souhaitent dès lors qu'elles ont les droits de trafic », ajoutant que l'aéroport de Lille n'a jamais eu une politique de développement basée sur les subventions publiques. « Malgré la pandémie, tout le monde croit à Lille. Lesquin sera la vitrine de ce que devront être les aéroports régionaux 3.0 ».

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* En juillet 2019, le syndicat mixte des aéroports de Lille et Merville n'avait pas renouvelé la concession de la SOGAREL (Société de gestion de l'aéroport de la région de Lille), alors composée de la CCI Grand Lille, Véolia (34 %) et la société des autoroutes du Nord et de l'Est de la France (5 %).

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Commentaires 2
à écrit le 04/02/2021 à 14:24
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Aéroport inutile (comme beaucoup d'autres en France) qu'il faut fermer !

le 09/02/2021 à 9:02
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Habitant la métropole lilloise je peux vous dire que cet aéroport nous sauve la mise pour l'accès au sud de la france. Lille nice et lille marseille sont les 2 lignes les plus rentables de france! A 1h20 de Là l'aeroport de Charleroi trust 60% des vo...

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