Deville fait feu de tout bois

Henri de Quatrebarbes Depuis 2008, le directeur général de Deville, s'emploie à redonner des couleurs à l'entreprise de Charleville-Mézières, en préservant le site de production des bords de Meuse. Une mutation technologique qui a transformé l'entreprise et ses produits.
Henri de Quatrebarbes, directeur général de Deville / DR

Question : comment faire vivre une entreprise de 150 salariés dans le domaine de l'équipement du foyer, en maintenant toute sa base industrielle en France, et en tentant de jouer sur l'innovation et la technologie ? Cette question, Henri de Quatrebarbes se l'est posée dès qu'il est entré dans l'usine Deville à Charleville-Mézières, en 2008, alors qu'il venait d'en être nommé directeur général. Deville, entreprise fondée en 1854, pionnière de la fabrication d'appareils de chauffage, leader des poêles à mazout dans les années 1950 avec la célèbre « flamme bleue », entrée par hasard dans la famille Taittinger dont elle fut dans les années 1960-1970, l'un des fleurons et un généreux pourvoyeur de dividendes. L'entreprise était alors forte de 1 000 ouvriers et d'une usine située en bord de Meuse, au c?ur de Charleville, dont il ne faut jamais oublier qu'elle a été créée le 6 mai 1606 par Charles de Gonzague, duc de Nevers et de Rethel, sur une terre appartenant au Saint-Empire romain germanique, et donc indépendante des règles économiques du royaume de France...

La vérité oblige à dire que Deville avait assez mal commencé les années 2000 à la suite de décisions managériales hasardeuses. Il faudra l'arrivée en 2006 d'un nouvel actionnaire, Laurent Elbaz, pour que l'entreprise commence à reprendre confiance. Mais le coup est passé près... à son arrivée à la direction générale de l'entreprise, Henri de Quatre-barbes, qui a ?uvré auparavant chez Sagem et chez Daum, part d'un constat : Deville est une marque qui est restée ancrée dans l'univers des consommateurs français. Il faut profiter de la vague montante du chauffage au bois pour la relancer autour de produits nouveaux, d'une gamme en grande partie remaniée et modernisée, en privilégiant le haut de gamme, puisque c'est dans ce genre de produits que le site industriel français a une chance de se développer. « Ce défi de fabriquer français, de préserver ce site de production de Charleville, est à la fois très intéressant et en même temps assez complexe » dit Henri de Quatrebarbes. « Dans ce genre de situation, la puissance de la marque, la capacité d'innovation constituent des armes déterminantes. C'est la stratégie que nous avons mise en place, et qui commence à donner des résultats. » Deville vient donc de lancer une nouvelle marque haut de gamme, « Deville Concept », afin de lutter à armes égales avec les fabrications d'Europe du nord et de Scandinavie. L'effort de recherche-développement a été orienté vers des produits de plus en plus performants en matière de rejets, et sur de nouveaux systèmes de combustion. Deville bénéficie aussi d'un changement majeur du marché des appareils de chauffage. Jusqu'au début des années 2000, le poêle à bois est le parent pauvre. Il s'en vend très peu en France, car la tradition y est de brûler le bois dans une cheminée, contrairement aux pratiques en Allemagne ou en Suède où l'utilisation du bois dans les appareils de chauffage est une longue tradition. Depuis le milieu des années 2000, le paysage a changé. Le bois devient de plus en plus populaire, en même temps que le design des appareils de chauffage se modernise. Il se vendra en France cette année environ 40 000 poêles à bois, et ce chiffre devrait passer à 100 000 dans les deux ou trois ans qui viennent.

Deville a donc mis au point une gamme d'appareils à bois de conception et de design complètement nouveaux, fabriqués à Charleville, et prépare le lancement d'appareils fonctionnant avec des granulés, un système de chauffage peut-être moins convivial que la bûche qui flambe dans le foyer, mais qui s'adapte mieux à une gestion dans la durée du chauffage avec possibilité de programmer et de contrôler à distance les appareils. Ce renouvellement de la gamme s'est accompagné d'une restructuration en profondeur de l'organisation industrielle, concentrée aujourd'hui sur 20 000 mètres carrés d'usine, ce qui a nécessité d'importants investissements, notamment dans le domaine de la découpe des tôles et de la peinture. Mais Henri de Quatrebarbes travaille aussi beaucoup sur le marketing et la mise en valeur de la gamme. Une boutique devrait bientôt ouvrir à côté des ateliers de Charleville. L'année 2011 fut donc celle de la réorganisation. L'année 2012 sera celle du déploiement de la nouvelle gamme. Commence se présente l'avenir ? Avec un chiffre d'affaires d'une trentaine de millions d'euros, Deville est la plus petite des quatre entreprises françaises qui produisent des appareils de chauffage. Elle a retrouvé une vision stratégique, un outil industriel, une gamme de produit.
Mais, comme toutes les sociétés de ce type, elle reste fragile et doit en permanence chercher à consolider ses fonds propres. Mais une marche a été franchie. La petite flamme bleue continue de brûler chez Deville, et c'est bien l'essentiel.

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Repères :

1979-1989 : Henri de Quatre-barbes occupe différentes fonctions chez Paribas, dans les activités de financement et de marchés.
1989-1996 : Directeur des services financiers de Sagem.1989-2005 : Président du directoire de Daum.
2005-2008 : Conseil en stratégie.
Depuis 2008 : Directeur général délégué de Deville.

Commentaire 1
à écrit le 06/08/2012 à 1:17
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Le marche des poeles a bois etait estime a 200 000/250 000 pieces par an en 2006 par l'Ademe

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