La Normandie, creuset de l’économie post-carbone

Place forte de la chimie, de l’énergie et de l’automobile, la Normandie se convertit progressivement à l’économie post-carbone au prix d’une mutation profonde de son appareil productif. Le thème sera au centre des débats du premier opus de la tournée Transformons la France, co-organisée par "La Tribune" et Régions de France qui se tient ce jeudi à Rouen. L’occasion d’un tour d’horizon.
(Crédits : La Tribune Events)

L'Ancien Monde n'a pas dit son dernier mot. Ces jours-ci, les raffineries normandes de TotalEnergies et d'Esso-ExxonMobil se sont rappelées au bon souvenir des automobilistes français. Depuis deux semaines, leur blocage occupe la Une de l'actualité et émaille toutes les conversations. Ce n'est pourtant pas là que se joue l'avenir de la première région manufacturière de l'Hexagone, « la seule dont la valeur ajoutée industrielle tutoie celle de l'Allemagne en proportion de sa population », a coutume de rappeler Hervé Morin, président de la Région. La seule aussi dont les émissions de CO2 flirtent avec les 11 tonnes par an et par habitant (à comparer à la moyenne française, inférieure à 7 tonnes), du fait précisément de son imprégnation industrielle.

L'électrification en marche

Aujourd'hui, c'est au contraire l'économie post-carbone qui concentre les investissements, à commencer par la production d'énergie. À l'instar du continent européen, "l'émirat pétrolier de la Basse Seine" est appelé à devenir de plus en plus « électrique ». Il en prend le chemin. On pense bien entendu au raccordement au réseau du troisième réacteur de la centrale de Flamanville, espéré en 2023, et à la construction sur le site de la centrale de Penly, en Seine-Maritime, de la première des six paires d'EPR promises par Emmanuel Macron - à un horizon de plus en plus proche. Mais il faut aussi citer l'éolien offshore (enfin) en phase de décollage.

Avec quatre parcs approuvés, un cinquième à l'étude et deux usines de fabrication de pales et de nacelles, le littoral régional très venté profite à plein de la course à l'or bleu. Grâce au puissant courant du raz Blanchard, Il pourrait également tirer parti des deux projets de fermes hydroliennes portés au large du Contentin par le français Hydroquest et l'écossais Simec Atlantis Energy. Lesquels sommeillent dans l'attente d'arbitrages favorables du gouvernement sur le tarif de rachat du mégawatt. C'est grâce à ces futures sources d'énergie abondantes que le complexe industriel de Port-Jérôme-sur-Seine a toutes les chances d'abriter la plus puissante unité européenne de production d'hydrogène décarboné par électrolyse d'Air Liquide dont la première pierre devrait être posée l'an prochain.

La chimie fait son aggiornamento

Dans la chimie aussi, l'ouverture de la chasse au CO2 est ouverte. Skytech, pépite française du plastique recyclé, vient d'inaugurer une unité de transformation à Gaillon (Eure) en usant d'une technologie novatrice. De son côté, l'américain Eastman se prépare à investir 1 milliard d'euros dans une usine de recyclage du PET au voisinage du Havre. Non loin de là, le britannique Plastic Energy, allié à ExxonMobil mettra en route, en 2023, une installation de production de polymères à partir de déchets plastiques à Gravenchon (Seine-Maritime).

Un peu plus au sud, à Serquigny (Eure), Arkema accélère le développement de ses bioplastiques produits à partir d'huile de ricin. Dans l'agro-industrie, les liniculteurs normands (40% de la production mondiale) bataillent pour imposer la fibre de lin en remplacement de la fibre de verre, issue du pétrole. Et la liste n'est pas exhaustive.

L'automobile négocie le virage

La transformation est encore plus visible dans l'industrie du transport. Près de Rouen à Cléon, la principale usine mécanique de Renault abandonne peu à peu la motorisation thermique pour basculer vers l'électrique. Elle fabriquera en 2030 l'entièreté de la gamme des e-moteurs de la marque au losange. Sa voisine de Sandouville, spécialisée dans les véhicules utilitaires, s'est vue confier l'assemblage du nouveau Trafic électrique du groupe. À Cormelles-le-Royal, près de Caen, Stellantis adapte ses lignes pour fournir les pièces mécaniques qui équipent les voitures à brancher. Dans le transport lourd, l'usine  Renault Trucks, propriété de Volvo, de Blainville-Crevon (Calvados) monte en puissance dans la fabrication de camions électriques qu'elle produit, désormais, à raison de sept par jour.

Reste à espérer que cette conversion radicale de l'appareil productif normand ne se trouve pas contrariée par les crises que traverse l'Europe. La hausse du coût des matières premières, la flambée des prix de l'énergie mais aussi les difficultés d'approvisionnement et la pénurie de main-d'œuvre - criante dans le nucléaire - plongent, en effet, les industriels dans un épais brouillard. S'ajoute à ces difficultés, le déficit de foncier notamment dans la vallée de Seine, le secteur le plus recherché. Avec le risque que certains investissements favorables à la décarbonation ne soient retardés, voire abandonnés.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.