Crise du bio : « La demande disparaît, au moment où on arrive à l'autosuffisance »

INTERVIEW. Dans un entretien accordé à La Tribune, la directrice de l'Agence bio, Laure Verdeau, analyse les points de blocage dans la demande en produits bio et les leviers à mettre en place dans le futur. Elle revient également sur la situation des agriculteurs en cette période de crise.
Moins d'un million d'euros est alloué à l'Agence bio pour la transition alimentaire, loin derrière la transition énergétique.
Moins d'un million d'euros est alloué à l'Agence bio pour la transition alimentaire, loin derrière la transition énergétique. (Crédits : DR)

C'est l'une des déclarations fortes de cette fin d'année. Le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, a annoncé début décembre 5 millions d'euros supplémentaires au fond d'avenir bio géré par l'Agence bio destinés aux agriculteurs, et 750.000 euros pour une campagne de communication pour vanter les bienfaits des produits issus de l'agriculture biologique. Des aides qui serviront à pallier le manque à gagner de la filière, en recul de 5%, selon le spécialiste de l'analyse de données de consommation IRI.

Et 2023 pourrait encore être une année noire pour le bio puisque l'inflation devrait continuer à augmenter et toucher de plein fouet les ménages français dans leur consommation. Pour comprendre cette situation, Laure Verdeau, directrice de l'Agence bio, un groupement d'intérêt public pour la promotion de l'agriculture biologique en France, fait le point.

LA TRIBUNE - Quelle est la situation du bio actuellement ?

LAURE VERDEAU - Cela prend beaucoup de temps de remonter tous les chiffres du bio parce que nous devons reprendre les résultats des grandes surfaces bien sûr mais aussi des indépendants, des fermes, des restaurations... En l'état actuel des choses, on sait qu'il y a eu une baisse. Cette baisse a été soutenue en grande et moyenne surfaces (GMS) et elle est forte en distribution spécialisée.

A quoi est due cette baisse de la consommation ?

Aujourd'hui, on assiste à un Big Bang du marché bio. Jusqu'ici il n'y avait pas assez de produits pour toute la demande de bio. Désormais, la France est la première nation productrice en Europe avec 2,8 millions d'hectares alloués à l'agriculture biologique. Nous pourrions faire « cocorico » mais au moment où on arrive à l'autosuffisance, la demande disparait. C'est avant tout un effet psychologique de la perception du bio comme produit cher. C'est embêtant parce que ce n'est pas vrai, il y n'y a pas qu'un prix du bio, il y a plusieurs prix selon les circuits de vente. Pour réduire les coûts liés à l'alimentaire, il faut jouer sur six leviers : gaspiller moins, cuisiner plus de produits bruts, acheter de saison, acheter en vrac, acheter en direct et varier ses protéines. Ce qui nous alerte encore plus est le fait qu'il y ait plus d'un Français sur deux qui estime ne pas être assez informé sur le bio. Pour être une démocratie alimentaire et que les gens votent avec leur porte-monnaie et leur chariot, il faut qu'ils soient informés. L'autre raison est liée à la période post-Covid : les gens veulent s'acheter des billets d'avion et de train parce qu'ils ont été séquestrés deux ans à cause de l'épidémie. Dès 2021, on a eu des changements de consommation colossaux. Cette année, il y a la crainte du pouvoir d'achat alors que l'inflation sur le bio est plus faible que celle sur les produits conventionnels. Là, si on veut passer à la vitesse supérieure dans la demande, il faut que les citoyens qui ne connaissent pas le bio soient sensibilisés.

Comment mieux informer les consommateurs justement ?

Il faut rappeler ce qu'est le bio dans un premier temps. C'est un diplôme d'Etat. Les gens qui me disent qu'ils mangent presque bio, ça n'existe pas. Vous ne vous faites pas opérer par un presque chirurgien ou défendre par un presque avocat. Dans le bio, il n'y a pas de chimie de synthèse, les contrôles sont effectués par des systèmes indépendants et le bien-être animal est assuré car les animaux ont un accès à de l'espace, de la lumière... Il y a des labels publics certifiés par l'Etat et de l'autre des allégations marketing. Si on veut faire une transition alimentaire comme pour la transition énergétique actuellement avec les cols roulés et la baisse du chauffage, il faut des messages grands publics.

Quelle est la situation des agriculteurs en cette période de crise ?

Elle est dramatique parce que si nous n'achetons pas la production des agriculteurs bio, ils risquent de se « déconvertir ». Leur premier réflexe est de déclasser en conventionnel. C'est surtout la filière porc qui est touchée, les autres agriculteurs bio parviennent pour le moment à maintenir le cap en trouvant de nouveaux débouchés. Ils arrêtent de penser aux GMS et s'orientent vers les circuits courts. Ce mode de vente pèse 11% en bio contre 2% en général. Les autres débouchés visés sont l'artisanat mais aussi les restaurations collectives avec la loi EGALIM qui demande 20% de bio dans les cantines. Aujourd'hui nous ne sommes qu'à 6%, cela représente un enjeu colossal de 1,4 milliard d'euros. Le dernier levier pour les ventes en bio concerne la restauration commerciale qui utilise moins de 2% de bio. La gastronomie et le glyphosate ne sont pas censés faire bon ménage. Il faut former les chefs à la transition alimentaire. L'autre risque c'est aussi pour la nouvelle génération qui souhaite s'installer en bio, il ne faudrait pas que le manque de demande les freine dans leur choix.

Quel est votre regard sur l'année 2023 ?

Le futur du bio sera ce qu'on en fera. Il relève à la fois des initiatives individuelles et encore plus des politiques publiques. L'Ademe a appris aux Français à trier et à éteindre les lumières, il y a 20 ans on ne pensait pas qu'on aurait quatre poubelles chez nous. Si on veut changer les usages, c'est sur du long terme, c'est de l'investissement public et c'est une volonté individuelle. Il faut assurer à nos agriculteurs qu'on est derrière eux quand ils s'engagent dans une agriculture qui est positive pour nous tous et faire en sorte que l'on garde notre leadership européen.

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Commentaires 23
à écrit le 15/06/2023 à 12:48
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Le bio c'est prendre les clients pour des bonnes poires. Chez moi il y a une boutique vrac la Mesure qui a ouvert, cest supposé bio et sans emballage ms quand on regarde ca vient du Canada ou de Californie. Donc comment vérifier? Et en + le sans emba...

à écrit le 03/01/2023 à 3:42
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Le bio est une grosse escroquerie on ne va pas pleurer l'écroulement de ce marché 🤣

à écrit le 02/01/2023 à 21:50
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Les idéalistes finissent leur cris d'adolescence, apparemment. Ils réalisent que le bio c'est comme le reste : ça va, ça vient. Cahin, caha, quoi !

à écrit le 02/01/2023 à 18:48
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Bio l’escroquerie démasquée la nouvelle la voiture électrique

à écrit le 01/01/2023 à 15:03
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La même quantité de cuivre en 2021. La visions peut être différent d une personne a une autre mais tout les sols sont vivants mais d un équilibre bien différent. C est raconté des salades ce que vous nous dites vous vous promenez en regardant sans c...

à écrit le 01/01/2023 à 13:07
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Il n'y a que dans une "politique de l'offre", reconnaissable a ses éternelles publicités que l'on s'inquiète de la baisse d'une demande, mais pas des réels besoins ! Bonne année 2023 ! ;-)

à écrit le 01/01/2023 à 11:30
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Après avoir supprimé les aides au bio et ruiné les français, voilà le pompier pyromane gvtal qui tente une nouvelle manoeuvre pour nous dire, c' est la demande qui fléchit mais c' est pas moi le responsable. Je peux met...

à écrit le 01/01/2023 à 9:15
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elle devrait relire PF Drucker; les biobobos decouvrent ce qu'est un client et comment ca fonctionne? le business des bonnes ames, ca ne dure qu'un temps, et encore ' quand ca va'; le retour a la realite est en general fulgurant et tout le monde ' s'...

à écrit le 01/01/2023 à 1:40
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J'ai toujours pensé que c'était une arnaque, un truc de bobos parisiens, d'intello gauchos, un phénomène de mode quoi. Les français ouvrent enfin les yeux, il etait temps !!! La voiture électrique idem, quant au réchauffement climatique..... j'ai 80 ...

à écrit le 31/12/2022 à 16:55
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On parle chiffre ? Rendement moyen national en blé bio 27 qx/ha. Rendement moyen national en blé conventionel 71 qx/ha . Dans un monde 100% bio , à qui reviendra la décision de désigner ceux qui mangeront à leur faim ...et ceux qui devront les...

le 01/01/2023 à 11:34
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Votre raisonnement permet de bouffer du glyphosate et d ' accélérer votre cancer en bouffant des produits boostés qui ne contiennent rien sinon des intrants et des pesticides. La solution ? Dégoudronner d' urgence, sauter les jachèr...

le 01/01/2023 à 14:52
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Justement, le rendement du conventionnel n'est pas soutenable à cause de la pollution des sols et des nappes phréatiques: le rendement sur le long terme du "conventionnel" est zero puisque on a fini les sols à polluer.

le 02/01/2023 à 9:52
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les bobos boufferont les autres creveront

à écrit le 31/12/2022 à 15:54
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Faites moins confiance au bio qu'au local, car celui ci n'a pas besoin de publicité ! ;-)

à écrit le 31/12/2022 à 13:51
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Le "vrai" Bio est court-circuite par une foultitude de labels parrainés par la FNSEA. L'agriculture dite "raisonnée " est un ersatz du bio. Il n'y a qu'a regarder le calibre des produits. En gros une arnaque. Autant bouffer du "conventionnel".

à écrit le 31/12/2022 à 13:23
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Lors d'une lecture de rapports sur le sujet, ces rapports expliquaient qu'il était difficile de revenir à une agriculture raisonnée de la fin du 18eme siècle. Les raisons en étaient : la diminution des bras dans le monde agricole et sans surproductio...

à écrit le 31/12/2022 à 12:35
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Bonjour, Personnellement, je crois que les valeurs de ce types d'action revient a une cotation plus réaliste... Ensuite, l'arrivée de nouveaux investisseurs et le licenciement de miliers de personnes, ne donne pas envie d'investir sur des produits au...

à écrit le 31/12/2022 à 12:05
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Adepte du bio et de mon jardin cultivé, je me permets toutefois ces questions: 1/ du «  bio » marocain/espagnol / péruvien cultivé sous bâches plastiques dont le cahier des charges est bien moins exigeant qu en France - certains pesticides en Espagn...

à écrit le 31/12/2022 à 11:25
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Le Bio est dans une impasse: impossibilité de démontrer un gain « santé » pour le consommateur, plus cher, ne permettant pas à nos agriculteurs de gagner correctement leurs vies, et surtout anti-Tech, puisqu’il ne permet pas de profiter des innovatio...

le 31/12/2022 à 13:00
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Je suis producteur de fruits à pépins j était un des premiers à être hve et nous avons vite vue que certain producteur était hve que pour satisfaire les acheteurs et pas de démarche écologique... J ai mis 10 ans a arrivé a produire bio et de qualité...

le 31/12/2022 à 13:05
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Je suis producteur de fruits à pépins j était un des premiers à être hve et nous avons vite vue que certain producteur était hve que pour satisfaire les acheteurs et pas de démarche écologique... J ai mis 10 ans a arrivé a produire bio et de qualité...

le 31/12/2022 à 13:56
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Il ne faut pas croire que l agriculture du19e siecle etait parfaite, des sels de metaux lourds...

le 31/12/2022 à 13:57
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@BH Faire mieux ? Certes, comment? En faisant du "vrai" bio...et quelques milligrammes de sulfate de cuivre au M2 ne seront jamais aussi nocifs que les milliers de tonnes d'engrais chimiques et de pesticides répandus par l'agriculture industrielle.

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