Les ventes d’œufs de poules en cage augmentent, celles des œufs bio baissent

Alors que les ventes d’œufs des poules en cage baissaient depuis le début de l’année et que celles des œufs bio augmentaient, les chiffres du mois d’août montrent l'inverse. Faut-il y voir les conséquences de l’inflation et de la baisse du pouvoir d’achat ? Les prochains mois diront si la se confirme. Pour la filière, la production et la consommation d'œufs « alternatifs », particulièrement développées en France, continueront de croître, malgré la hausse de leurs prix. A partir de 2025, les œufs de poules élevées en cage pourraient être destinés seulement à l'exportation. Explications.
Giulietta Gamberini
Depuis 2016, la quasi-totalité de la grande distribution, ainsi qu'une partie de la restauration hors foyer et l'industrie, se sont engagées sur la fin des œufs de poules en cage dès 2025.
Depuis 2016, la quasi-totalité de la grande distribution, ainsi qu'une partie de la restauration hors foyer et l'industrie, se sont engagées sur la fin des œufs de poules en cage dès 2025. (Crédits : Wolfgang Rattay)

Le chiffre a surpris la filière. En août 2022, par rapport à août 2021, dans la grande distribution, les ventes d'œufs en cage ont crû de 9,7% selon l'institut d'études Kantar cité par le Comité national de promotion de l'œuf (CNPO).

C'est bien moins que les ventes d'œufs « alternatifs », pondus par des poules élevées au sol ou en plein air. Les œufs de poules élevées au sol sont en augmentation de 37,1%, mais c'est plus que celles d'œufs de poules élevées en plein air, qui n'ont progressé que de 8,7%, et à contre-courant des performances des œufs bio, dont les achats ont même baissé de 4,1%. Un signal qui, dans un contexte d'incertitude quant à l'évolution du comportement des consommateurs, pourrait inquiéter.

Ces œufs « alternatifs » constituent en effet de plus en plus l'épine dorsale de la production française, laquelle, afin de s'adapter à une demande citoyenne de respect du bien-être animal, se tourne vers l'élevage hors cage. La part de ce dernier dans les modes d'élevage de poules pondeuses dépasse les 50%, une part supérieure à l'objectif fixé par la filière en 2016. En 2021 en effet, 24,4% étaient produits en plein air, 20,6% au sol, 15,7% en bio et 6,4% en label rouge, pour un total de 67% d'élevages « alternatifs ». Ce qui représente aussi une particularité par rapport aux autres pays de l'UE, où la moyenne est de 58%. Depuis 2013, les effectifs de poules en cage baissent en conséquence de 9% par an, alors que les autres augmentent: en particuliers ceux des poules élevées au sol, en hausse  moyenne de 15%, la transformation des bâtiments des élevages en cage en élevages au sol étant la plus facile.

Les œufs « alternatifs » très majoritaires en magasins

Le CNPO, l'association interprofessionnelle, reste néanmoins serein.

« Nous sommes certes face à une période conjoncturelle difficile. Mais elle ne devrait pas impliquer une remise en cause des fondamentaux du marché, avec un retour massif des œufs de poules élevées en cage », estime son secrétaire général, Maxime Chaumet.

Si l'on compare les premières 32 semaines de 2022 avec la même période en 2019, la consommation d'œufs de poules en cage a en effet baissé de 30,8%. Celle d'œufs bio, en revanche, a crû de 4% et celle d'œufs de poules élevées en plein air de 19%. La consommation d'œufs de poules élevées au sol, les moins chers des œufs « alternatifs », a même été multipliée par trois. En 2022 les œufs « alternatifs » représentent ainsi toujours trois quarts des œufs vendus en magasin.

Les œufs de poules en cage moins touchés par l'inflation de l'alimentation animale

Certes, l'engouement pour les œufs, notamment bio, constaté au début de la crise sanitaire, qui avait requis un développement de leur production, « est tombé à plat », admet le CNPO. Comme la majorité des produits agricoles bio. Sur environ 8 millions d'œufs bio, plus d'un million serait ainsi vendu aujourd'hui au prix inférieur du plein air, estime l'interprofession.

Par ailleurs, en termes de coûts de production, l'inflation risque de pénaliser davantage les œufs « alternatifs », reconnaît encore le CNPO. Pour les œufs, l'alimentation des poules pondeuses représente en effet plus de 60% de l'ensemble des coûts de production.

Or,  la production d'œufs par kilo d'aliments des poules en cage est bien supérieure, explique Maxime Chaumet. Selon lui, l'envolée des prix de l'énergie pèse davantage sur les élevages en cage et aura quand même moins d'impact sur l'élevage au sol ou en plein air. Quant aux œufs bio, l'entrée en vigueur depuis début 2022 d'un nouveau cahier des charges accroît encore davantage les coûts de production, souligne Maxime Chaumet.

Une relation non linéaire entre coûts de production et prix en rayon

Mais comment cette hausse des coûts de production de la filière, depuis longtemps indexés dans les contrats avec les premiers acheteurs, se traduiront en prix en rayons, reste difficile à prévoir.

« La relation n'est pas linéaire : cela dépendra de la politique de marges de chaque enseigne de la grande distribution », explique Maxime Chaumet.

Ainsi, pendant les premières 32 semaines de 2022 par rapport à la même période de 2021, les prix des œufs bio - certes supérieurs au départ - ont augmenté bien moins que ceux des œufs en cage : de 2,8% contre 7,8%, selon l'Iri. L'écart de prix s'est donc réduit.

D'autres facteurs favorisent en outre toujours les œufs « alternatifs » selon le CNPO. En premier lieu, les engagements pris depuis 2016 par la quasi-totalité de la grande distribution, ainsi que par une partie de la restauration hors foyer et aussi par l'industrie, sur la fin des œufs de poules en cage dès 2025.

« A partir de cette date, l'élevage en cage sera donc surtout destiné aux exportations, qui représentent 15% du marché global », estime Maxime Chaumet, pour qui la production continuera donc de baisser.

 Plus chers, mais jusqu'où ?

La baisse de la production européenne due à la grippe aviaire, de 3%, tout en contribuant à l'inflation des prix des œufs, va en outre paradoxalement protéger les œufs « alternatifs » français de l'éventuelle concurrence d'œufs de poules élevées en cage à l'étranger. D'autant plus que la France est le premier producteur de l'UE, dont elle représente 15% de la production. Le CNPO promeut d'ailleurs le label « Œufs de France » dans la grande distribution, où 100% des œufs vendus sont déjà français,  comme dans la restauration hors foyer et l'industrie.

Enfin, pour 84% des Français, l'œuf reste la protéine la moins chère du marché, ce qui en période inflationniste l'avantage par rapport à d'autres protéines animales. Sereine, la filière reconnaît s'interroger.

« Jusqu'à quel niveau les prix des œufs alternatifs, et notamment des œufs bio, pourront-ils augmenter sans impacter les choix des ménages? », s'interroge Maxime Chaumet.

Giulietta Gamberini

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Commentaires 3
à écrit le 10/10/2022 à 11:00
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Quelle hypocrisie ! Cà ne concerne que les oeufs vendus directement au consommateur. pas ceux destinés à l'industrie agro-alimentaire. La majeure partie de l'élevage en batterie continuera donc comme avant. Et toujours plus concentré et massif : ...

à écrit le 08/10/2022 à 19:16
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Une hausse de 50 % du prix des oeufs marque distributeur passant de 10 à 15 centimes l'oeuf, tu m'étonnes que la filière pense au bien être des poussins mâles broyés vivants dont le gazage au CO2 devait représenter une hausse de 1 centime par oeuf...

le 09/10/2022 à 10:34
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Les œufs "bio" vendus en grande surface n'ont de bio qu'un cahier des charges "pondu" exclusivement pour les besoins de la grande distribution.

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