Le 10 novembre dernier, le voilier-cargo Grain de Sail a quitté les quais de Saint-Malo pour voguer vers l'Amérique. Pour sa troisième Transatlantique, il embarque à son bord près de 10.000 bouteilles de vin bio. Après New York où il déchargera les bouteilles, le cargo prendra la direction de la République dominicaine rempli de matériel médical. Son retour en France est fixé à dans trois mois avec une cargaison de cacao et de café.
Pionnier du transport maritime décarboné et de l'import-export durable, l'entreprise morlaisienne, qui associe une activité de transformation et de commercialisation de café et de chocolat bio d'Amérique centrale à un armement décarboné, fourmille de projets. Sa croissance nécessite la construction d'un navire Grain de Sail II. Long de 52 mètres il pourra transporter jusqu'à 350 tonnes de marchandises contre 50 tonnes pour le navire existant.
Le projet Grain de Sail, tout comme celui de la compagnie Towt à Douarnenez, qui achemine les marchandises d'une quarantaine d'entreprises dont les livebox d'Orange et les Champagnes Mumm, en affrétant des voiliers traditionnels, servent aujourd'hui d'exemple à d'autres initiatives qui au départ pouvaient passer pour farfelues.
Elles sont aujourd'hui mises en avant par la Région Bretagne, convaincue que le fret à la voile représente un marché émergent prometteur et qu'il offre une réponse à la décarbonation du transport maritime (fret et passagers).
Le jour où Grain de Sail a hissé ses voiles, le Conseil régional a d'ailleurs annoncé à Lorient (Morbihan), en présence d'une trentaine d'entreprises, le lancement d'une filière de transport maritime propulsé par le vent.
28 millions de chiffre d'affaires et 155 emplois
Cette stratégie est étayée par une étude prospective de l'agence économique Bretagne Développement Innovation (BDI) qui a fait apparaître les différents atouts de la région.
156 entreprises bretonnes, dans l'industrie de la construction navale, de la voile de compétition et des composites, de l'aéronautique ou des énergies marines, ont ainsi été identifiées pour constituer le noyau dur de cette filière naissante, dont le poids économique représente actuellement 28 millions d'euros et 155 emplois.
Majoritairement situées entre Brest et Vannes avec un épicentre à Lorient, 61 d'entre elles développent déjà une activité commerciale dans ce nouveau marché du transport qui utilise des bateaux équipés de voiles rigides ou de kites, note BDI, et 95 autres s'y intéressent fortement.
« 80 entreprises sont positionnées sur la fabrication d'éléments ou de sous-ensembles de systèmes à propulsion par le vent et 61 sur l'architecture, l'ingénierie ou la modélisation de systèmes à propulsion par le vent, qui sont deux domaines de compétences importants », écrit l'agence. Elle dénombre aussi déjà 19 entreprises positionnées en tant qu'armateurs et neuf affréteurs.
« Les résultats de cette étude confirment une forte accélération de ce nouveau marché avec des projets matures aux enjeux importants », s'est félicité à Lorient Loïg Chesnais-Girard, président de la Région.
« L'objectif est de poser les bases de la feuille de route régionale de la nouvelle filière propulsion par le vent courant du 1er semestre 2022. Elle viendra aussi renforcer le chantier Mobilité décarbonée engagé dans le cadre de la Breizh Cop et la stratégie régionale recherche et innovation Économie Maritime pour une croissance bleue - Navire du futur ».
Trajets au long cours, hauturier et cabotage
Selon BDI, la propulsion par le vent est le principal mode de propulsion des projets de 64% des entreprises interrogées. L'hydrogène, l'électrique et le GNL se positionnant en complément.
Ces projets concernent principalement des cargos et des navires à passagers destinés à des trajets au long cours, hauturier et au cabotage.
Diversifiant son activité, le chantier naval CDK Technologies, réputé dans le secteur de la course océanique, fait ainsi partie du consortium industriel breton, avec Multiplast, AvelRobotics et SMM Technologies, engagé sur le projet Solid Sail / AeolDrive des chantiers de l'Atlantique.
Cette solution de propulsion vélique, constituée de trois mâts qui culmineront à plus de 80 mètres de haut, est destinée à de grands navires de 200 mètres de long. Une première commande d'un prototype de tronçon test de 33 mètres a été livrée l'été dernier. En fonction des premiers essais, une seconde commande d'un mât de 73 mètres pesant environ 23 tonnes pourrait être passée en 2022.
Concernant le transport de véhicules, MerForte, le bureau d'études et d'architecture navale créé par Michel Desjoyeaux à Port-la-Forêt, assure pour sa part la vérification de la performance du gréement du projet Neoline, un roulier à voiles de 136 mètres doté d'une voilure totale de 4.200 m2 sur des doubles gréements inclinables. La mise en service d'une ligne pilote entre Saint-Nazaire et Halifax (Canada) est prévue en 2022.
Dans le domaine du numérique, ADD Technologies à Lorient a développé un système de propulsion innovant sur le principe de la voile-aile. Envisagée à l'origine pour la voile de compétition, cette technologie vise maintenant le fret maritime à voile.
« Le secteur du transport maritime doit obligatoirement trouver de nouvelles solutions appelant des ruptures technologiques de ses modes de propulsion car la réduction de la vitesse des navires et des teneurs en soufre des carburants marins ainsi que le développement de carburants alternatifs (GNL, hydrogène, biocarburants) ne suffisent pas », relève BDI.
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