« Près d'un tiers de notre dette est liée à nos ambitions RSE » (Antoine Metzger, NGE)

GRAND ENTRETIEN. A la veille du forum de la Fédération nationale des travaux publics sur la transition écologique et l'élection présidentielle, le 4ème groupe de BTP français, qui fête ses 20 ans cette année, veut continuer à croître tout en réduisant ses émissions de gaz à effet de serre de 4% par an. Dans une interview accordée à La Tribune, son président Antoine Metzger annonce que NGE consacrera, notamment, 20% d'investissements supplémentaires en 2022 pour accélérer la modernisation de son parc matériel.
César Armand
Antoine Metzger est président de NGE depuis 2014.
Antoine Metzger est président de NGE depuis 2014. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE- La Fédération nationale des travaux publics auditionnera ce 24 février les candidats à l'élection présidentielle sur le thème « Investir la transition écologique ». Qu'en attendez-vous ?

ANTOINE METZGER- Nous savons tous que la France doit baisser ses émissions de gaz à effet de serre de 40% à horizon 2030 pour atteindre la neutralité carbone en 2050. En ce qui concerne les infrastructures, il faut néanmoins faire la différence entre ce qui est émis pendant les phases de construction et ce qui est lié aux usages (tout ce qui utilise les infrastructures, l'automobile, les trains...,NDLR). Sans surprise, les chantiers, représentent 3,5% des émissions de gaz à effet de serre, les usages 50%.

Comment inverser la tendance ?

Ne tirons pas sur l'ambulance ! Construire, rénover les infrastructures et les préparer aux futurs usages sont devenus nos priorités. Si nous voulons que demain il y ait davantage de voitures électriques sur les autoroutes, cela suppose de les concevoir et de les alimenter intelligemment. Électrifier les grands axes, développer le vélo, le ferroviaire, l'hydrogène, il faut faire tout cela ! On n'attrape pas des mouches avec du vinaigre et il faut des investissements.

De quel ordre ? La FNTP chiffre la facture de la neutralité carbone entre 500 et 900 milliards d'euros d'ici à 2050, selon que le scénario soit fondé sur la sobriété ou les technologies.

Ces chiffres peuvent faire peur. Mais si vous les divisez par trente, vous les ramenez entre 16,2 et 29,9 milliards d'euros, et au regard des dépenses de l'Etat favorables au climat de 37 milliards d'euros dans le budget 2021, cela ne paraît pas si énorme.

Qui va payer ? NGE ? Bouygues Eiffage Vinci ?

Dans son analyse, la FNTP a bien présenté les choses. Elle prêche peut-être pour sa paroisse en orientant ses préconisations, mais rappelle que pour tenir les engagements de 2030, il faudra encore construire des infrastructures pour répondre aux usages et ne pas laisser les infrastructures se délabrer. Certes, cela émet des gaz à effet de serre supplémentaires, mais ne rien faire, cela en émet encore plus et coûte encore plus cher.

Il y a un an, vous aviez un carnet de commande de 3,987 milliards d'euros et un chiffre d'affaires 2020 de 2,402 milliards (-3,8% par rapport à 2019). Où en êtes-vous aujourd'hui et quel montant seriez-vous prêt à mettre sur la table ?

A la différence de Bouygues, Eiffage et Vinci, nous ne sommes pas une société cotée, mais une ETI - je préfère ce terme à celui de grand groupe - avec plus de 70% de l'actionnariat détenu par des salariés. Nous ne communiquerons pas sur nos résultats de 2021 avant avril prochain, mais nos prévisions prouvent que la croissance - à deux chiffres - est de retour. Et nous allons continuer à croître tout en réduisant nos émissions de gaz à effet de serre : je vous assure que c'est motivant pour les équipes qui se mobilisent au quotidien pour trouver localement avec leurs clients les meilleures équations.

Au moment où les trois majors annonçaient des cibles à horizon 2030, vous évoquiez, fin août 2020, une baisse, d'ici à fin 2021, de 8% des émissions de gaz à effet de serre de votre parc automobile et de 10% de la consommation d'eau potable sur site. Ces objectifs ont-ils été atteints ?

A la trajectoire imposée par l'Union européenne de baisser de 40% nos émissions à horizon 2030, nous avons toujours adopté une vraie particularité chez NGE : en se fixant un objectif annuel phare de - 4% d'émission de GES, nous mobilisons toutes les équipes dès à présent et dans la durée. Le changement, c'est maintenant, et non le 31 décembre 2029.

Vous avez procédé fin 2021 au refinancement de votre dette sur la base notamment d'un emprunt à impact. Cela conforte-t-il votre feuille de route RSE ?

C'est bien plus que cela. En réalisant en France la première émission d'obligations Euro PP à impact qui ont la particularité d'être cotées sur un marché réglementé, nous lions près d'un tiers de notre dette à nos ambitions RSE majeures. Nous nous fixons publiquement une obligation d'accélération puisque le taux des obligations varie en fonction de l'atteinte d'objectifs annuels sur trois critères (féminisation de l'encadrement de chantier, réduction de l'accidentologie, baisse des émissions de GES). C'est comme si votre banquier modulait votre crédit immobilier en fonction du tri de vos poubelles et venait vérifier.

Et justement, qu'en est-il ?

Nous concentrons nos efforts sur nos engagements annuels qui sont très ambitieux. A l'heure qu'il est, nous avons identifié plus de la moitié de l'effort à fournir. Cela passe par la réduction de nos émissions directes de gaz à effet de serre qui s'opérera principalement par des actions sur notre parc matériel : nous consacrerons 20% d'investissements supplémentaires en 2022 pour accélérer sa modernisation car les machines neuves consomment 30% de moins qu'il y a dix ans. En parallèle, nous devons réduire notre taux de ralenti, c'est-à-dire ces temps morts où les moteurs tournent pour rien. En trois ans, nous avons réduit nos ralentis de 5%.

Avez-vous pris d'autres initiatives ?

Nous expérimentons le HV0100, un carburant fourni par TotalEnergies pensé pour baisser de 50% nos émissions de gaz à effet de serre. A contrario, passer tous nos engins aux biocarburants supposerait de changer tous les moteurs...

Qu'en est-il pour le scope 2, c'est-à-dire les émissions liées aux consommations d'énergie ?

C'est un peu plus compliqué. Outre notre division bâtiment et une autre liée au génie civil, notre métier principal consiste à construire des voies de chemin de fer et des routes. Ainsi, le jour où les maîtres d'ouvrage prendront conscience que nous pouvons construire avec des matériaux recyclés pour le même niveau de qualité, nous aurons l'effet de levier le plus fort pour nos métiers. Plutôt que de produire des déchets et d'acheminer des nouveaux matériaux sur des distances et des transports conséquents et inutiles, créons des plateformes de revalorisation à proximité des métropoles et des ouvrages à construire. Cela ira plus vite que les coups de baguette magique !

Quelle place pour l'innovation ? Il y a presque deux ans, vous revendiquiez l'exclusivité de l'utilisation du béton fibré à ultra haute performance pour la construction du Grand Paris Express et la mise au point d'une machine qui détecte les polluants dans le sol avant de les expédier au bon endroit.

Nous participons aux innovations de différentes filières pour que le rêve de 2030 devienne une réalité. Par exemple, nous sommes très engagés sur le développement de l'hydrogène vert pour lequel il faudra créer des centrales et développer les usages. Nous avons répondu en ce sens à des appels à projet de France Relance et de l'Agence pour la transition écologique (Ademe). Dans le Tarn du côté d'Albi, nous allons ainsi mettre en place des unités de production et de distribution de la même manière que nous voulons faire en sorte que cette énergie soit disponible pour un nombre toujours plus important de véhicules. L'idée est de s'engager dans cette filière pour être au cœur d'une innovation structurelle.

Quid des bornes de recharge électrique que vous développez déjà via votre filiale NGE Connect ? Les concessionnaires autoroutiers ont l'obligation d'équiper 100% des aires d'ici à fin 2022. Comment avancez-vous dans ce domaine ?

Comme tous les concessionnaires, nos concessions actuelles et futures feront la part belle aux bornes, et nous irons plus loin sur les usages notamment avec un tarif préférentiel de circulation pour les véhicules verts. Entre l'équipement de nos bureaux, de nos ateliers, de nos collaborateurs et de nos plateformes, nous avons un excellent terrain de jeu. Par ailleurs, nous nous focalisons sur la biodiversité. Comme tous les Français qui habitent à la campagne, je suis effaré par l'évolution de la situation. Il faut vraiment faire quelque chose ! Toutes les initiatives sont à encourager : nous sommes par exemple très engagés dans la lutte contre les plantes invasives.

Si vous avez parcouru la moitié du chemin, qu'en est-il alors, pour reprendre votre expression, de l'autre moitié de l'effort à fournir ?

La collectivité des cerveaux de NGE est en train d'y réfléchir. La solution réside en partie dans l'élargissement de la motivation des jeunes collaborateurs que nous embauchons. Cela ne s'organise pas comme un défi interne, mais nous faisons appel à la mobilisation de toutes et de tous. Et ce en allant au bout de nos bonnes idées en déclinant le plus bas possible, du siège aux régions, des régions aux agences et des agences à chaque chantier. Nous avons la force collective pour agir et être au rendez-vous en 2030.

Lire aussi 2 mnL'actionnariat du groupe NGE chamboulé avec l'entrée du fonds Montefiore au capital

César Armand

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Commentaires 2
à écrit le 23/02/2022 à 12:40
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Que veut dire "travaux public" si ce n'est a l'avantage des usagers et non des actionnaires!

à écrit le 23/02/2022 à 9:55
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Mieux, plus de la moitié est due à Sarkozy et Macron à savoir ces gens plébiscités par les marchés financiers pour... ben pour nous endetter.

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