BTP : les travaux publics veulent verdir l’élection présidentielle

A l'approche de l'élection présidentielle, la puissante Fédération nationale des travaux publics interpellera le 24 février les candidats sur son empreinte carbone. Avec les think tank Carbon4, Utopies et l'OFCE, elle vient d'élaborer deux scénarios de décarbonation du secteur, estimés entre 16 et 30 milliards d'euros par an. Deux questions demeurent toutefois : qui va payer et qui osera « simplifier les normes entassées depuis des décennies » ? Explications.
César Armand
(Crédits : iStock)

C'était il y a cinq ans, quasiment jour pour jour. En pleine campagne présidentielle de 2017, la Fédération nationale des travaux publics (FNTP, 8.000 adhérents, 300.000 salariés, 40 milliards d'euros de chiffre d'affaires en France, 32 milliards à l'étranger) demandait une programmation des investissements de l'Etat dans les transports. Elle l'a obtenue dans le projet de loi d'orientation des mobilités promulgué en décembre 2019. Elle exigeait un conseil d'orientation des infrastructures. Patron de la FNTP depuis 2013, Bruno Cavagné, en est le premier vice-président.

Aujourd'hui, le secteur des canalisations, des rails, des routes, des ponts et des voies ferrés, qui pèse 2% du PIB, devrait toucher 1,9 milliard d'euros d'ici à fin 2022 dans le cadre de France Relance. Mais les travaux publics auront surtout besoin d'entre 250 et 450 fois plus pour accomplir leur mue environnementale. Ils doivent en effet diminuer de 40% leur empreinte carbone d'ici à 2030 et atteindre le zéro carbone en 2050.

Les infrastructures pèsent 53,5% des émissions de gaz à effet de serre

Après avoir adopté, le plus souvent, des positions défensives, notamment sur le dispositif fiscal sur le gazole non routier (GNR), la fédération des TP a mandaté le cabinet de conseil Carbon4, l'agence d'accompagnement au développement durable Utopies ainsi que l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Il en ressort que l'acte de construire représente 3,5% des émissions de gaz à effet de serre (GES) françaises. Pire, l'empreinte carbone liée aux flux d'énergie et de personnes qui utilisent les infrastructures pèse plus de 50% des GES.

"Si on ne traite pas la problématique des infrastructures, on ne réglera pas l'empreinte carbone de la moitié du pays", insiste Bruno Cavagné, président de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP).

Deux scénarios entre 16,2 et 29,9 milliards d'euros par an

Les trois équipes d'experts ont élaboré deux scénarios. Le premier est fondé sur la sobriété, c'est-à-dire la limitation des usages, des consommations et le développement des circuits courts et de la mobilité durable. Il coûterait 16,2 milliards d'euros par an d'ici à 2050, soit 486 milliards d'euros au total. La seconde hypothèse, basée sur les technologies, fait, elle, le pari de l'innovation, de l'hydrogène et de l'électrification massive des routes et de la métropolisation. Cette dernière reviendrait à 29,9 milliards d'euros par an, soit 897 milliards d'euros au cours des trente prochaines années.

"La transition écologique est quand même inflationniste ! Il y a des sommes considérables à mettre en jeu", poursuit le président de la FNTP, Bruno Cavagné.

Qui va payer ?

De ces montant évalués se pose la question : qui va payer la facture ? Les collectivités qui représentent 45% des marchés des travaux publics, dont 33% les communes et les intercommunalités ?  Les promoteurs immobiliers qui pèsent 35% de leur carnet de commande ? Les grands opérateurs (25%) type EDF, Enedis, SNCF... ? Auditionnés par la fédération le 24 février, les candidats Yannick Jadot, Anne Hidalgo, Marine Le Pen, Valérie Pécresse, et peut-être Eric Zemmour ainsi qu'Emmanuel Macron, mais pas Jean-Luc Mélenchon et Fabien Roussel indisponibles, devront se prononcer sur "ces choix de société".

"Le futur président de la République devra avoir une réflexion sur la fiscalité des entreprises et des collectivités pour donner plus de visibilité ", estime Bruno Cavagné, interrogé par La Tribune.
"Est-ce au contribuable ou à l'usager de payer ? Sur 40, 80 ou 100 ans ? A titre personnel, je pense qu'il faut étaler le plus possible", ajoute le président de la Fédération nationale des travaux publics.

"Simplifier les normes entassées depuis des décennies"

Ce dernier considère par exemple qu'il faut maintenir les autoroutes dans le giron privé "parce qu'il y aura des investissements et des financements dont Bercy ne pourra pas récupérer l'argent". De la même façon qu'il se fait l'avocat des partenariats-publics-privés, "probablement une solution pour aller vite".

La FNTP n'en reste pas là et s'apprête à former ses PME - 80% de ses adhérents - à ces enjeux et à installer un comité de suivi. Ce dernier sera présidé par l'ancien ministre de l'Environnement Brice Lalonde et composé de 14 membres, dont 7 indépendants. De la même manière qu'elle plaide pour un rallongement des délais de remboursement des prêts garantis par l'Etat (PGE) et demande déjà au prochain exécutif de raccourcir les recours et "de simplifier les normes entassées depuis les décennies". Vaste chantier...

César Armand

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Commentaire 1
à écrit le 23/02/2022 à 9:29
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En interdisant le transport par camion ils n'auraient rien à faire et il n'y aurait aucun investissement pour faire grimper leur impacte écologique vu que les camions anéantissent nos routes que l'on doit refaire régulièrement à cause d'eux imposant ...

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