Produire de l'hydrogène avec des éoliennes en mer, l'incroyable pari de Lhyfe au large du Croisic

Au large du Croisic, le site d’expérimentation Sem-Rev est devenu une référence pour tester les énergies marines renouvelables (EMR) en conditions réelles. A partir du printemps prochain, Lhyfe, producteur d'hydrogène vert, y testera un prototype de plateforme de production massive d’hydrogène en mer. Celle-ci a été inaugurée ce jeudi 22 septembre en présence du président de la république Emmanuel Macron, venu au détour de l’inauguration du premier parc éolien, au large de Saint-Nazaire.
La plateforme Sealhyfe a la capacité de produire jusqu’à 400 kg d’hydrogène vert renouvelable par jour, soit une
puissance de 1 MW.
La plateforme Sealhyfe a la capacité de produire jusqu’à 400 kg d’hydrogène vert renouvelable par jour, soit une puissance de 1 MW. (Crédits : Lhyfe)

Amarré dans le port de Saint-Nazaire, Sealhyfe, l'électrolyseur de Lhyge, le producteur d'hydrogène vert (grimpé sur la plateforme houlomotrice Wavegem conçue par la société nazairienne Geps Techno) rejoindra au printemps prochain le houleux et venteux site d'essais en mer Sem-Rev, situé à une vingtaine de kilomètres des côtes du Croisic.

Un espace d'un kilomètre carré, concédé par l'Etat, interdit à la navigation et doté depuis 2018 de l'éolienne flottante Floatgen, reliée à la terre, via un hub de connexion situé à trente mètres de profondeur. « L'objectif de cette opération est de valider la technologie de production d'hydrogène en offshore avant d'envisager des déploiements industriels à grande échelle à horizon 2024 », explique Thomas Créach, directeur technique de Lhyfe.

Au cours des six prochains mois, l'installation aujourd'hui « prête-à-produire », conçue avec l'expertise des Chantiers de l'Atlantique va être testée à quai. « On veut avoir un point de référence et de comparaison dans la gestion des problématiques de marinisation. Toutes les modifications de design et de composants vont être validés à quai avant d'envoyer la plateforme en offshore en mars ou avril, quand les conditions d'accès du site d'essais seront plus favorables », ajoute-t-il.

Un enjeu de compétitivité

Ce démonstrateur, connecté au site d'essais Sem Rev par un câble d'un kilomètre et demi, restera ensuite en mer durant un an, de manière à valider la fiabilité du process de production en condition réelle, sur une barge qui flotte, bouge... et transmettra l'ensemble des données au siège de Lhyfe à Bouin (85), qui pilotera lui-même la plateforme Sealhyfe. Une opération complexe dont les études pour le cheminement du câble ont été confiées au bureau d'études spécialisé dans le domaine des Energies Marines Renouvelables (EMR) Kraken Subsea Solutions.

« Potentiellement, les champs éoliens en mer sont 20 à 50 fois plus importants qu'à terre et offrent deux à trois fois moins d'intermittence », précise Thomas Créach, travaillant avec les Chantiers de l'Atlantique depuis un an et demi sur la marinisation du process de production, à savoir les moyens de protection de l'environnement salin, la gestion de l'électronique de puissance et l'optimisation des opérations de maintenance à distance pour éviter de se rendre sur site. « La corrosion, les chocs, les rafales de vents, des vagues de 14 mètres, le mouvement des câbles... Ça n'a rien à voir avec la production d'hydrogène à terre. Et c'est un vrai enjeu de compétitivité pour Lhyfe », reconnaît Bernard Alessandrini, coordinateur du site SEM-Rev.

« Montrer que c'est faisable et faisable tout de suite »

Cet apprentissage aura permis à Lhyfe d'appréhender les problématiques de l'offshore, de la pose du câble à l'obtention des permis, pour des opérations jusque-là non cadrées, jusqu'à la production d'hydrogène en mer. Une première mondiale.

« Nous avons mené un gros travail de fond avec les organismes étatiques. Ce qui va nous permettre, ensuite, d'aller plus vite sur les projets de taille industrielle », estime le directeur technique de Lhyfe, qui, avec les Chantiers de l'Atlantique, a développé un concept d'une plateforme de 100 MW, qui peut être fabriquée à Saint-Nazaire. « L'enjeu maintenant est de démontrer que c'est faisable et faisable tout de suite, de manière fiable et robuste même dans des conditions ultra sévères.»

Un enjeu financier de taille aussi pour des plateformes chiffrées à plusieurs centaines de millions d'euros. Sur un marché où l'on consomme encore 80 millions de tonnes d'hydrogène gris, destiné à être remplacé, Lhyfe se dit « convaincus que la voie de la production d'hydrogène renouvelable en mer est une solution parfaitement appropriée au déploiement massif de l'hydrogène ». Lors de son entrée en bourse en mai dernier, l'entreprise avait annoncé se fixer comme objectif une capacité installée totale de 55 Mégawatts d'ici 2024 à partir d'unités à terre uniquement ; de 200 MW en 2026, et d'un pipeline de projets de 5GW. « Nous voulons ajouter 3GW avec les projets offshore à l'horizon 2030-2035 », indique le directeur technique de Lhyfe, dont le modèle économique vise à investir et déployer les projets d'électrolyseurs en Europe.

Quelque 90 dossiers sont en cours. En ce sens, l'entreprise vient d'ouvrir une sixième filiale à Newcastle, dans le Nord du Royaume-Uni, pour accompagner son développement sur les marchés du Nord de l'Europe (Royaume-Uni, Allemagne, Pays-Bas, Belgique...). « En Europe, de nombreux pays ont doublé ou triplé leur ambition sur l'éolien offshore. En début d'année, Emmanuel Macron annonçait viser 40 GW en 2050 avec l'éolien en mer. En Ecosse, on est passé d'un objectif de 6GW en 2030 à des zones ouvertes à des offres de plus de 15GW », observe Thomas Créach.

Lire aussiLhyfe, cette start-up française qui se voit en géant mondial de l'hydrogène renouvelable

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ZOOM - La structuration des sites d'essais dans une fondation

Voulu par l'Ecole Centrale de Nantes il y a quinze ans pour tester les technologies EMR en conditions réelles, le site d'essais en mer Sem-Rev s'apprête à entrer dans une nouvelle ère alors que les quatre sites d'essais en mer français (Sem-Rev au Croisic, Paimpol-Bréhat exploité par EDF pour les hydroliennes, Sainte-Anne du Portzic géré par l'Ifremer pour des prototypes de faibles capacités et Seeneoh, à Bordeaux), pour des projets de centrales hydroliennes fluviales) devraient se réunir d'ici la fin de l'année au sein de la fondation Open-C (Offshore Power and Energy Network Center).

Basée à Nantes d'abord, dans les locaux de l'Ecole Centrale, celle-ci devrait déménager dans ses propres locaux d'ici la rentrée 2023. « Ce sera elle désormais qui structurera, pilotera et animera l'ensemble de la filière avec son propre effectif, transféré des sites d'essais ou de recrutements à venir ». Créée par dix membres fondateurs (Ecole Centrale, Ifremer, Technip, EDF, RTE... ), Open-C bénéficiera d'un budget de fonctionnement de 80 millions d'euros sur dix ans pour accompagner 300 à 400 millions d'euros de projets. Celle-ci pourrait aussi rapidement accueillir le site d'essais Mistral à Marseille et un autre site en cours de localisation permettant d'accueillir plusieurs installations de 10 à 20 MW, soit 50 à 100 MW.

Bridé depuis sa création à 3,5 MW par Enedis en raison du sous-dimensionnement des installations terrestres, le site Sem-Rev projette lui un investissement de 40 à 45 millions d'euros au cours des quatre prochaines années pour exploiter désormais pleinement les 10 MW du câble export déposé en 2012. Baptisé Sem-Rev 2.0, il permettra l'exploitation d'une deuxième éolienne dès l'été prochain et la création de sous-stations satellites qui offriront des prises de connexions en surface pour l'accueil de projets de moindre envergure, comme ceux de Lhyfe ou d'autres, autour du photovoltaïque flottant. Sem -Rev 2.0 devrait aussi s'accompagner d'un centre d'exposition sur les EMR et d'une pépinière d'entreprises dédiée à ce secteur.

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Commentaires 2
à écrit le 24/09/2022 à 3:14
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Curieux d'observer le résultat notamment la résistance à la corrosion de l'électrolyseur marin.

à écrit le 23/09/2022 à 20:56
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Ça c'est plus crédible que griller de l'énergie pour produire de l'hydrogène.

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