Soja, huile de palme, café, boeuf… Bruxelles veut interdire des produits venant de zones déforestées

La Commission européenne a publié mercredi son projet de nouveau règlement pour enrayer la "déforestation importée". Il prévoit l'interdiction d'importer dans l'Union européenne six produits lorsqu'ils contribuent à la déforestation: le soja, l'huile de palme, le cacao, le café, le bœuf et le bois.
Giulietta Gamberini
Très attendu, le projet de règlement a été globalement salué par les  défenseurs de l'environnement, qui pointent toutefois des insuffisances.
Très attendu, le projet de règlement a été globalement salué par les défenseurs de l'environnement, qui pointent toutefois des insuffisances. (Crédits : Hans)

La voie que l'Union européenne entend emprunter afin d'interdire la commercialisation dans le marché unique de produits issus du défrichement et de la dégradation des forêts a enfin été dévoilée. Mercredi 17 novembre, la Commission a publié son projet de nouveau règlement pour enrayer la "déforestation importée", initiative nécessaire "pour faire du pacte vert pour l'Europe une réalité".

Lire: Quand boire un café en Europe contribue à la déforestation : Bruxelles veut cesser la "déforestation importée"

Le projet prévoit l'interdiction d'importer dans l'Union européenne six produits lorsqu'ils contribuent à la déforestation: le soja, l'huile de palme, le cacao, le café, le bœuf et le bois -ainsi que de certains produits dérivés comme le cuire et l'ameublement. Elle introduit une notion de "devoir de vigilance" obligeant les entreprises à s'assurer que leurs produits vendus en Europe ne proviennent pas de zones où, pour les fabriquer, les forêts ont été dégradées ou entièrement détruites, même lorsque la déforestation y est autorisée.

 31,9 millions de tonnes de carbone évitées chaque année

Concrètement, les entreprises importatrices seraient ainsi tenues de collecter les données précises du lieu de production, afin de s'assurer que les matières  commercialisées en Europe ne sont pas issues de terres déboisées après décembre 2020, et n'enfreignent pas les règles du pays producteur, explique l'AFP. La Commission compte notamment classer les régions du monde selon le risque de déforestation, et exiger une vérification simplifiée de la part des entreprises pour les zones à faible risque, renforcée pour celles soumises à une déforestation intensive. Une base de donnée réunissant les déclarations des importateurs et accessible par les Etats membres permettrait de vérifier le respect des règles, sanctionné par des amendes proportionnelles aux dommages environnementaux.

Selon Bruxelles, une telle réglementation permettrait d'éviter l'émission d'au moins 31,9 millions de tonnes d'émissions carbone dans l'atmosphère chaque année, rapporte l'AFP. Selon une étude publiée par le WWF en avril, les importations de l'Union européenne, qui constituent 16% de la déforestation liée au commerce mondial, ont représenté entre 2005 et 2017, 1.807 millions de tonnes de CO2, "ce qui équivaut à 40% des émissions annuelles globales de l'Union européenne"... sans compter leur impact dévastateur sur la biodiversité.

Le bœuf et pas le poulet?

Très attendu, le projet de règlement a été globalement salué par les  défenseurs de l'environnement.

"Le risque était grand de voir aboutir une proposition basée sur des labels non contraignants. Devant l'urgence, la Commission a choisi la voie qui lui était proposée par le Parlement européen : une législation contraignante reposant sur le devoir de vigilance, qui impose aux acteurs économiques souhaitant placer des produits sur le marché européen de veiller à ce que ces derniers ne causent pas de déforestation dans le monde. C'est un choix responsable que nous saluons", observe notamment dans un communiqué la députée européenne écologiste Marie Toussaint, co-fondatrice de l'association Notre affaire à tous.

Les ONG pointent toutefois des insuffisances, portant tout d'abord sur la liste des produits interdits.

"Si les règles s'appliquent au bœuf, elles doivent s'appliquer pour le poulet, si elles s'appliquent au soja et au café, elles doivent s'appliquer pour le caoutchouc, le maïs, le sucre, etc", note ainsi dans un communiqué le WWF.

Cette liste restreinte, correspondant selon l'UE aux "produits pour lesquels les Européens contribuent le plus à la déforestation, où l'on peut intervenir le plus efficacement",  risque toutefois de "créer un système où il serait suffisant de récolter un produit plutôt qu'un autre pour contourner la législation", souligne Marie Toussaint.

Un risque de détournement

Les écosystèmes protégés par la législation ne sont pas non plus suffisamment étendus pour les ONG.  Il ne faut pas prendre le risque de protéger l'Amazonie au dépens de la savane du Cerrado, au Mexique, d'où l'UE importe une grande partie de son soja, explique par exemple le WWF.

"L'UE compte nombre de programmes visant à préserver zones humides et tourbières, c'est le sujet de la COP15 (sur la biodiversité)" lancée en octobre, réplique toutefois  le commissaire à l'Environnement, Virginijus Sinkevicius, cité par l'AFP.

Les ONG s'inquiètent aussi de la simplification des démarches pour les produits venant de zones à "faible risque", impliquant le danger que des matières venant d'autres pays y transitent afin de pénétrer le marché unique.

"Nous sommes en faveur du système de devoir de vigilance qui serait mis en place, mais il est essentiel qu'il soit appliqué à tous les pays, même ceux considérés à faible risque par cette nouvelle législation", plaide Marie Toussaint.

Le projet est enfin critiqué pour son oubli des droits des peuples autochtones, dont la survie est menacée par la déforestation, ainsi que des banques et des investisseurs qui contribuent à soutenir financièrement la destruction des forêts. Les ONG demandent notamment que ces derniers soient aussi soumis à un devoir de vigilance. Elles soulignent enfin la nécessité d'arrêter la ratification de l'accord commercial entre l'UE et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay), jugé incompatible avec la déforestation massive en Amazonie.

Les yeux sont donc rivés vers le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne, qui doivent désormais à leur tour examiner le texte, et qui pourront en rehausser -mais aussi baisser- l'ambition.

 "Le gouvernement français aura une responsabilité particulière puisque c'est la France qui occupera la présidence de l'UE à partir de janvier 2022 et qui présidera les débats sur cette législation", rappelle le WWF.

Giulietta Gamberini

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Commentaires 2
à écrit le 18/11/2021 à 7:22
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Une jolie usine a gaz bien inapplicable qui va juste créer de bons bullshits job de déclarants et de contrôleurs.

à écrit le 17/11/2021 à 20:04
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"et le bois" Ça va être chaud pour se fournir en bois venant de zones non déforestées.

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