Polluants chimiques : une grande détox au menu des ministres européens

Une conférence ministérielle est organisée ces 11 et 12 mai à Paris sur les dangers pour la nature et pour l'homme des polluants chimiques. Elle doit permettre de débattre des contours d'un changement de stratégie majeur de l'Union européenne.
Giulietta Gamberini
La conférence doit aussi permettre d'avancer sur l'enjeu crucial d'une amélioration des connaissances en matière de pollution due aux produits chimiques.
La conférence doit aussi permettre d'avancer sur l'enjeu crucial d'une amélioration des connaissances en matière de pollution due aux produits chimiques. (Crédits : Reuters)

Deux jours de discussions ont réuni ministres, décideurs politiques, mais aussi experts scientifiques, industriels et représentants de la société civile. Sous l'impulsion de la présidence française de l'Union européenne (UE), une conférence ministérielle est organisée ces 11 et 12 mai à Paris autour d'un phénomène aussi sérieux qu'encore mal connu : la pollution causée par les produits chimiques, et les dangers qui en découlent pour la nature et pour l'homme.

Quasiment tous les Etats membres de l'UE seront représentés lors de cette réunion informelle, dont une dizaine par des ministres. Les Nations Unies, et notamment l'Organisation mondiale de la santé (OMS), seront également présentes. L'objectif: "tracer le chemin" de l'Union en la matière, avant la fin de la présidence française, le 30 juin, mais aussi construire "une stratégie d'influence dépassant l'UE", explique le gouvernement français.

Un changement radical de stratégie par l'UE

Cette conférence intervient après la parution, en janvier, d'une étude pointant le dépassement par l'humanité d'une cinquième limite planétaire, celle des polluants environnementaux (après le changement climatique, l'érosion de la biodiversité, les perturbations globales du cycle de l'azote et du phosphore et les changements d'utilisation des sols). Elle intervient aussi au lendemain de la publication par la Commission européenne, le 25 avril, d'une feuille de route visant à établir un calendrier de retrait des substances  "les plus nocives pour la santé humaine et l'environnement", qui pour son ambition inquiète grandement les industriels européens. Elle découle de l'"ambition zéro pollution pour un environnement sans produits toxiques" inscrite en 2019 dans le Pacte vert européen, puis de la "Stratégie de l'UE pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques vers un environnement exempt de substances toxiques", publiée en 2020 par la Commission.

Cette stratégie introduit un changement radical de l'approche jusqu'à présent appliquée en Europe: au lieu d'évaluer les produits chimiques un par un et de les retirer du marché une fois prouvé qu'ils génèrent un "risque inacceptable", elle propose d'interdire en amont les groupes les plus nocifs voire d'en prévenir la production. Sa mise en oeuvre demande la révision -prévue pour 2025-2027- du principal texte en la matière, le règlement Reach de 2008, ainsi que des lois sur les produits. Selon une recherche financée par l'organisme européen de l'industrie chimique CEFIC, publiée le 2 décembre 2021, quelque 12.000 substances pourraient être concernées, avec un impact sur 28% du chiffre d'affaires de la chimie européenne.

Des milliers de composés chimiques déjà visés

La feuille de route publiée en avril introduit toutefois une première déclinaison de cette approche renversée, déjà applicable sous la législation actuelle. Elle propose pour la première fois la restriction de "groupes de produits chimiques en tant que règle, plutôt qu'en tant qu'exception", et applique un "principe dit de 'référence croisée', où toutes les substances d'une famille sont considérées comme dangereuses comme le membre le plus dangereux de la famille", explique l'ONG European Environmental Bureau (EEB).

"La feuille de route couvre des milliers de composés chimiques, auxquels le public est largement exposé et qui sont tous connus pour être très dangereux (PVC, PFAS, retardateurs de flamme, bisphénols etc., NDLR). Les ONG considèrent la feuille de route comme le premier test sérieux de la stratégie chimique de la Commission", ajoute l'ONG, même si ces propositions de restrictions devront subir une lourde procédure d'approbation, qui durera au moins jusqu'en 2025 et sera exposée aux tentatives d'influence de l'industrie chimique européenne.

Un Giec des produits chimiques au programme

La conférence ministérielle organisée cette semaine doit être l'occasion de débattre de  nombreuses questions qui restent encore en suspens dans le cadre de la nouvelle approche de la Commission. C'est le cas, par exemple, du sens de la notion d'"usage essentiel", justifiant, à certaines conditions, des dérogations, explique le ministère français de la transition écologique.

Mais la conférence doit aussi permettre d'avancer sur l'enjeu crucial d'une amélioration des connaissances en matière de pollution due aux produits chimiques. Vendredi, sera ainsi lancé Parc, un partenariat entre laboratoires de recherche européens pour l'évaluation des risques liés aux produits chimiques. Doté de 400 millions d'euros -venant pour moitié de l'UE et pour moitié des Etats membres-, il sera dirigé par la France via l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses).

La secrétaire d'Etat auprès de la ministre de la Transition écologique chargée de la Biodiversité, Bérangère Abba, compte aussi "mettre en ordre de bataille ses homologues européens" autour de la création d'un Groupe d'experts international (Giec) sur les produits chimiques, dont la création a été actée lors de la 5e Assemblée des Nations unies pour l'environnement début mars, à Nairobi (Kenya). L'objectif est de parvenir à une position commune européenne, notamment sur le type de compétences recherchées. L'objectif est qu'il soit opérationnel en 2024.

Giulietta Gamberini

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Commentaire 1
à écrit le 11/05/2022 à 17:34
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Sur 500 nouvelles formules chimiques sorties chaque année par l'industrie même pas 10% sont contrôlées par les autorités européennes donc déjà si ils voulaient qu'on les croit soient ils vérifieraient tout et de préférence les personnages non corromp...

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