La Fed précipite les entreprises dans les bras du marché obligataire

En deux semaines, les entreprises européennes ont levé près de 29 milliards de dollars sur le marché obligataire. Elles anticipent la hausse des taux qui devrait résulter du durcissement attendu de la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine.
Christine Lejoux
Depuis que la Fed a laissé entendre, le 23 mai, qu'elle s'apprêtait à réduire ses injections de liquidités dans l'économie américaine, le taux des emprunts d'Etat américains à 10 ans est passé de 1,63% à 2,81%.

Le marché de la dette obligataire d'entreprise, aujourd'hui, c'est un peu comme le métro à l'heure de pointe, quand les passagers se bousculent pour monter dans la rame, de crainte que les portes ne se referment sur eux. Le 17 septembre, le premier brasseur mondial, AB InBev, a annoncé le lancement de deux émissions obligataires, pour des montants de 750 millions d'euros et de 500 millions de livres sterling, afin de financer "ses besoins généraux."

Une semaine plutôt, c'est le constructeur automobile PSA Peugeot Citroën qui avait levé 600 millions d'euros sur le marché obligataire, précédé, le 27 août, par l'opérateur de téléphonie Orange et son émission de 1,5 milliard. Ou bien encore par le géant de l'agro-alimentaire Nestlé, qui s'était offert le luxe de lancer une première émission obligataire de 500 millions de dollars, le 3 septembre, suivie d'une seconde, de 500 millions d'euros, dès le lendemain.

Les entreprises européennes ont levé 29 milliards sur le marché obligataire

 Cette liste n'est pas exhaustive : peuvent s'y ajouter les noms de Volkswagen, d'Enel, de BP, de Telefonica, etc… Au total, les entreprises européennes ont levé près de 29 milliards de dollars sur le marché obligataire, au cours des deux seules semaines du 26 août et du 2 septembre, d'après le cabinet Dealogic. Et cette course folle n'est pas près de s'arrêter, selon l'agence d'évaluation financière Standard & Poor's (S&P), qui pronostique "un mois de septembre bien occupé", sur le marché obligataire européen.

Si les entreprises multiplient les émissions d'obligations, depuis quelques semaines, c'est parce qu'elles redoutent un prochain renchérissement de ce mode de financement. En effet, les taux auxquels elles émettent leurs obligations sont en partie indexés sur ceux des emprunts d'Etat, lesquels devraient poursuivre leur remontée au cours des prochains mois.

La faute à la Réserve fédérale américaine (Fed), censée annoncer ce mercredi 18 septembre une réduction de ses injections massives de liquidités dans l'économie américaine, ce qui constituerait une première depuis cinq ans.

La Fed achète chaque mois pour 85 milliards de dollars d'obligations américaines

 Pour mémoire, dans le cadre du troisième volet de sa politique d'assouplissement quantitatif, engagée dans la foulée de la crise financière de 2008, la Fed achète chaque mois pour 85 milliards de dollars d'obligations américaines (souveraines et foncières). Des achats qui permettent de soutenir les cours desdites obligations et, partant, de maintenir leurs taux bas, les rendements des obligations évoluant en sens inverse des prix de ces dernières.

 Or "le consensus des économistes table sur une réduction de 10 à 15 milliards de ces injections mensuelles (de liquidités)", indique Daniel Gravier, directeur général de la société de courtage XTB France. Réduction qui entraînera logiquement une baisse des prix des obligations et, mécaniquement, une remontée de leurs taux.

La Société générale prédit un taux à 10 ans américain à 3,25%, fin 2013

Il a d'ailleurs suffi que le président de la Fed, Ben Bernanke, évoque le 23 mai un éventuel ralentissement du programme de soutien de la banque centrale à l'économie américaine pour que le taux des emprunts d'Etats américains grimpe de 1,63% fin mai à 2,81% aujourd'hui. Dans le sillage des taux américains, ceux de l'Allemagne et de la France sont respectivement passés, dans le même temps, de 1,17% à 1,86%, et de 1,71% à 2,56%.

 Une hausse qui n'en est qu'à ses débuts : pour la fin 2013, les stratégistes de marchés de la Société générale prédisent un taux à 10 ans américain à 3,25%, et un taux à 10 ans allemand à 2,10%. L'époque de l'argent facile semble bel et bien révolue, pour les entreprises. Et pour les Etats.

 

 

 

 

Christine Lejoux

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