CINÉMA D'ANIMATION + Deux primaires vus par un anti-Disney

Après un rodage en court et moyen métrage sur MTV, la série à succès du cinéma d'animation « Beavis et Butt-Head » fait irruption sur le grand écran. C'est la vitesse supérieure pour son créateur, Mike Judge, un ancien physicien travaillant pour l'aviation américaine, soudain pris d'états d'âme devant ces instruments de mort que sont les F 18. Passé du côté du cinéma, il impose un style heurté qui n'a rien à voir avec le dessin animé fluide et mièvre à la Walt Disney, découpant des images au graphisme brut telle qu'elles pourraient avoir été dessinées par des ados mal dégrossis. Ce que sont exactement ces deux « héros », affreux sales et méchants rappelant furieusement les « crados » qui, il y a une dizaine d'années, ont fait florès dans les préaux des écoles primaires. Antihéros « trash ». Primaires, Beavis et Butt-Head le sont au-delà de toute espérance, puceaux boutonneux et pas fiers de l'être, leur ambition se limitant à « se faire » enfin une première fille. La séduction n'est pas leur arme fatale, l'un plus laid que l'autre, ils profèrent un langage à peine articulé et, victimes de la méthode de lecture globale, sont incapables de lire une ligne. Pour ces indécrottables ignares, la compréhension de l'univers, le bien et le mal, se limite à deux notions, « c'est cool » et « ça craint ». Bref, tout le contraire des « chères têtes blondes » qui font la fierté des familles américaines, parfaites têtes à claques de la bande dessinée traditionnelle, sans parents et donc livrés à eux-mêmes, purs produits de la violence, antihéros « trash ». Problèmes de doublage. Pour tenir la distance du long métrage, exercice périlleux pour le cinéma d'animation toujours exposé à l'ennui, Mike Judge s'est interdit les effets spéciaux et a non sans finesse a transposé deux classiques du film américain : le polar et le road-movie. Reste le problème du doublage, les jeux de mots vaseux des deux nuls passant mal la rampe. Tout s'enclenche pour eux, lorsqu'on leur vole leur télé sans laquelle, c'est bien connu, la vie ne vaut vraiment pas la peine d'être vécue. En quête d'un autre poste qui pourrait leur fournir la dose quotidienne, ils échouent entre les mains d'un trafi- quant d'armes répondant au joli nom de « Muddy » (tout un programme !) qui à la suite d'un malentendu les prend pour des tueurs et moyennant un beau magot leur confie une mission top secret. Et voilà nos deux crados, en route pour Las Vegas, détenteurs d'un virus biologique capable d'anéantir la moitié de la planète, gratifiés sans le savoir du titre d'ennemis publics numéro un. Un fumet suspect. De pataquès en pataquès, ils traversent tous les Etats-Unis en bus et atterrissent à la Maison-Blanche où ils seront finalement décorés par le président Clinton en personne. Chemin faisant, l'Amérique en prend un sacré coup, le réalisateur n'épargnant personne. Sont particulièrement accommodés à la sauce vitriol, les flics aux méthodes d'éléphants dans des magasins de porcelaine et aux remèdes pire que le mal ou les profs néo-babacools, apôtres de la non-violence et du politically correct (l'un d'entre eux psalmodie la Complainte de mouette lesbienne de sa composition). Tout cela ne prêterait guère à conséquence et on rirait même volontiers de bon coeur si le film ne distillait un fumet suspect et s la dénonciation de la violence et de l'ignorance ne prenait les allures de la complaisance. Un virus inquiétant qui d'Assassins de Kassovitz à Ma 6 T va crack-er en passant par Doberman gagne, malgré les flops de fréquentation en salle, tout le cinéma. Noël Tinazzi
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