Les voeux les plus doux

Alors que dans la vie courante, on peste tous contre cette coutume stupide qui nous contraint à offrir des voeux mécaniques à tout ce qui bouge à chaque début d'année, au sommet de l'Etat, cette période artificiellement chaleureuse semble ravir tout un chacun. Il faut les voir, nos excellences, nos dignitaires et tout ce que le gratin de l'Etat compte de petits, moyens et grands gradés, se presser, entre le 2 et le 5 janvier, dans les salons surchauffés de l'Elysée. Ils prennent tous la mine blasée de qui est là « parce qu'il le faut bien » mais pas un seul ne manquerait la supposée corvée pour tout l'or du monde. Longtemps, les spectateurs professionnels que sont les journalistes préposés au compte rendu de ces propos répétitifs et rarement inspirés, se sont interrogés sur les raisons d'un tel engouement. Et cette année, enfin, l'évidence s'est imposée : en quelques heures, par le simple miracle du Verbe présidentiel. Les corps constitués, les forces vives de la nation, les membres du gouvernement et des assemblées ont fait provision d'amour, d'estime et de considération, toutes denrées fort rares par les temps qui courent. C'est en effet le contraste entre ce que l'on a entendu dans le pays à propos de nos élites le mois passé, et les propos louangeurs dont elles ont été couvertes ces derniers jours, qui a fait tilt. Le président a ainsi affirmé sans rire à son gouvernement, plutôt dubitatif, que celui-ci avait « trouvé son style et son homogénéité » et, surtout, efficacement contribué « au renforcement de la cohésion sociale ». Aux parlementaires étonnés, il a promis « encore plus de pouvoirs », aux militaires démoralisés, « une répartition plus cohérente des moyens », et aux membres du Conseil d'Etat, épatés que, justement, l'Etat se doit d'« être grand ». Du coup, requinqué, un ministre claironnait à la sortie que « le président nous a redonné le moral ». La preuve ? Alain Juppé, encore tout pâle, n'a pas craint de proclamer devant témoins son propre « bonheur d'être au gouvernement ». Ne souriez pas. Tous les enfants bien élevés le savent : les voeux les meilleurs ne sont pas toujours les plus sincères. KATHLEEN EVIN
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