Pénitence

Bien qu'on la dise en voie de déchristianisation, ceux qui la gouvernent n'oublient jamais que la France a été la fille aînée de l'église. Aussi les monarques républicains qui ont pris la succession de nos quarante rois très catholiques ont-ils gardé, outre un goût prononcé pour les fastes du pouvoir, l'habitude, une fois l'an, de s'infliger, comme eux, pénitence en place publique. Mais, modernité oblige, là où les descendants de saint Louis allaient, couverts de bure grossière, laver humblement les pieds des miséreux, nos présidents très cathodiques s'astreignent, eux, à une épreuve autrement plus difficile : le discours traditionnel de voeux pour la nouvelle année. La pénitence est d'autant plus rude qu'aucun artifice ne peut l'adoucir. Qu'il choisisse d'être pris en sandwich entre quelques mesures de la « Marseillaise » ou d'un menuet de Lulli, assis derrière un bureau doré ou devant une cheminée tarabiscotée, avec Madame ou sans, bref ou interminable, lyrique ou sobre, souriant ou crispé, l'orateur le plus doué ainsi mal traité ne peut que révéler, aux yeux de tous, ce qu'il préfère habituellement dissimuler : son éloignement cosmique de la réalité vécue par ses administrés, son agacement face à ceux qui osent contester la justesse de sa politique et sa certitude roide que « les espoirs que son élection a fait naître » sont tout de même plus importants que « les doutes que cette crise a pu éveiller chez certains ». Tout condamné n'a, dit-on, que vingt-quatre heures pour maudire ses juges. Les citoyens, eux, disposent d'un quart d'heure tous les 365 jours, pour regarder leur président jusque z'au fond des yeux. Le respect des traditions a ses limites. Reconnaissons enfin que c'est beaucoup trop dur. Pour lui. Et pour nous. KATHLEEN EVIN
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.