Le sportif « zappeur » frappé d'une boulimie d'achats

Allez jouer dehors ! » Le slogan de la dernière campagne publicitaire de Salomon pour ses chaussures de randonnée reflète assez bien l'état d'esprit qui entoure les attentes des consommateurs en matière de sports et de loisirs d'été. Quelle que soit la discipline, pourvu qu'il y ait sinon l'ivresse du moins le plaisir. Il y a six mois, une enquête sur les nouveaux sports de glisses d'hiver consacrait l'avènement d'un consommateur en quête de sensations, un sportif « zappant » d'une discipline à l'autre. Ce qui est vrai pour le snowboard ou le ski parabolique se vérifie également pour la randonnée, le canyoning, l'escalade, les patins en ligne ou le vélo tout-terrain (VTT)... Fusion avec la nature. Tous les sports de plein air, regroupés sous le terme générique d'« outdoor », sont en pleine explosion. Aujourd'hui, 36 millions de Français déclarent pratiquer un sport lié à la nature, soit un marché potentiel de plusieurs centaines de millions de francs par an. Ils sont 31 millions à pratiquer la randonnée (dont 15 millions de façon active, voire intensive), 13 millions à s'adonner au VTT (dont 6,5 millions régulièrement) et enfin 5,5 millions à pratiquer des sports d'eaux vives comme le canoë, le kayak, le rafting ou encore le canyoning, selon une étude réalisée l'année dernière par BVA pour le compte de Labosport, un cabinet de consultant dirigé par Gilles Dumas. Moins épris de compétition et de performances, le consommateur de sport pur et dur est en passe de disparaître. Au profit d'une pratique multisport, plus conviviale, qui s'inscrit dans un véritable mode de vie. C'est ce que Robert Rochefort, directeur du Credoc, nomme la « rassurance » : la consommation se base sur la recherche d'un rapport de confiance, l'émergence et le succès de telles disciplines s'expliquant par le fait qu'elles exaltent la recherche de fusion avec la nature. Ainsi donc, l'anonyme veut pouvoir s'adonner successivement au golf, à la randonnée ou au VTT. Si possible en dehors de tous cadres institutionnels, du type fédérations ou clubs de sport. Et, le cas échéant, en optant pour des équipements multifonctions, multisports. « Dans l'outdoor, une chaussure de randonnée, traditionnelle et rigide ne trouve plus de clients. En revanche, une chaussure légère et souple dotée d'une bonne accroche permettra au consommateur de "trekker" en montagne, de traverser les ruisseaux en raf, de gambader sur le sable et les cailloux ou d'enfourcher son VTT », affirme-t-on chez Salomon. Ce lyrisme sur le thème du « Libère-toi », « Eclate-toi » est à rapprocher du « Just Do It » de Nike. Les différences entre la course (le running) et la marche s'estompent. Le but ultime demeure un sentiment de bien-être et de liberté. Résultat : le phénomène prend partout de l'ampleur. En cinq ans, aux Etats-Unis, la randonnée est passée du 21e au 4e rang des activités sportives, tout comme l'escalade qui a bondi du 36e au 8e rang pendant la même période. Les géants des sports d'hiver ne s'y sont pas trompés. Ils investissent tous, sur fond de diversifications, sur les sports d'été. Salomon, le leader mondial du ski (fixations et ski de fond) réalise déjà la moitié de son chiffre d'affaires dans les sports d'été. Le constructeur d'Annecy est aujourd'hui présent dans le cycle haut de gamme avec le rachat de l'italien Mavic, dans le golf avec la reprise de l'américain Taylor Made, mais aussi dans le patin en ligne, marché sur lequel le groupe retrouve ses concurrents Rossignol et Technica. Quant au secteur de la randonnée qui a fait un bond en avant de 65 % cette année, le filon semble pour les responsables de Salomon « inépuisable ». Les géants du « running » ne sont pas en reste. Nike et Reebok se lancent à leur tour dans l'outdoor. Le premier prévoit dans le courant de l'année 1998 la sortie d'une nouvelle gamme de chaussures de randonnée et de patins en ligne. Le second mise sur une ligne de vêtements et de chaussures outdoor, en s'appuyant sur sa marque Rockport. Enfin, d'autres comme Benetton Sportsystem ont littéralement « explosé » sous les commandes de « rollers », le sport vedette de l'année. A la suite du rachat de la marque Rollerblade, l'entreprise italienne s'accapare 80 % du marché hexagonal du patin en ligne. Engouement sans limites ? Finalement, si les sports d'hiver et les sports d'été progressent selon les mêmes ressorts, du plaisir avant tout, au niveau industriel, cette segmentation s'efface. Les adeptes des sports d'hiver, quel que soit l'engouement pour les nouvelles glisses, ne sont pas amenés à se développer indéfiniment. Loin s'en faut. Le succès du snowboard a en effet entraîné un transfert de consommation au détriment du ski alpin traditionnel, plus qu'il n'a créé de nouveaux adeptes des sports d'hiver. En revanche, l'explosion des sports d'été, portée par la mode de « l'outdoor », semble sans limite. Pour la bonne raison que cet engouement traduit un retour à l'authenticité, à des valeurs liées davantage à un mode de vie. Bruno Arabian et Géraldine Meignan
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