L'impact du mode de gouvernance sur l'épargne retraite

La gestion collective, spécialement en épargne retraite, repose sur une délégation. Ainsi, un délégant épargnant confie ses fonds à une société de gestion spécialisée (compagnie d'assurances, fonds de pension...) avec comme seule et unique mission d'en optimiser le couple rendement-risque. Cette relation centrale mérite une analyse tant académique que sur la base des expériences étrangères.La théorie financière moderne est fondée sur l'objectif de maximisation de la richesse des actionnaires. La séparation entre propriété et direction permet à ceux-ci une allocation optimale du risque par la diversification de leur portefeuille. En 1976, Jensen & Meckling posent la pierre fondatrice de la théorie de l'agence en définissant "une relation d'agence comme un contrat par lequel une ou plusieurs personnes (le principal) engage une autre personne (l'agent) pour exécuter en son nom une tâche quelconque qui implique une délégation d'un certain pouvoir de décision d'agir". Ainsi, dès lors qu'il y a information imparfaite des agents et asymétrie d'information, les contrats seront incomplets et chaque partie au contrat, supposée rationnelle, va chercher à maximiser sa propre fonction d'utilité, celle-ci étant divergente de celle de l'autre partie. Le principal est donc conduit à exposer des coûts d'agence afin de contrôler son mandataire et d'éviter les risques d'opportunisme.Une relation contractuelle. Cette analyse fonde le concept de gouvernance d'entreprise dont une branche est centrée sur les relations entre les épargnants mandataires et leurs "mandants" dans le cadre d'une relation contractuelle formalisée et professionnelle de gestion d'actifs en vue de préparer sa retraite (fonds de pension). À ce titre, pour les fonds de pension étrangers, la gouvernance s'inscrit dans le cadre des instruments de protection de l'épargnant et de ses intérêts.La relation d'agence au sein d'un fonds de pension intègre : un promoteur (l'entreprise ou l'État), des salariés employés et une structure juridique, généralement un trust, qui assume une double mission, l'administration du plan (suivi des cotisations et des prestations) ainsi que la gestion financière des fonds. Cette dernière activité peut être déléguée à une entité spécialisée (banque, assurance, société de gestion...). En outre, l'existence de deux grandes catégories de fonds de pension, les fonds à cotisation définies (DC ou defined contribution plans) et les fonds à prestations définies (DB ou defined benefit plans), aura un impact sur les relations d'agence. Enfin, l'expérience britannique du misselling des fonds DB nous incite à la prudence et peut conduire les autorités de contrôle et la législation du pays à établir un cadre plus ou moins contraignant en matière de régulation.Nous avons retenu trois problématiques principales ayant été l'objet d'études académiques.Quelle est la représentation des salariés du plan à l'intérieur du système de gouvernance ? Deux pays sont souvent opposés. Au Royaume-Uni, le Pension Act de 1995 a instauré un ensemble de règles disparates liées à la consultation des salariés pour les décisions qui diminuent leurs droits (procédure du contracting out) et à la nomination des trustees souvent maîtrisée par les employeurs. La réforme de février 2004 (Pension Bill) instaure désormais une exigence de compétence pour les trustees et un meilleur équilibre salariés/employeur au sein des trusts. En Allemagne, la représentation des salariés s'effectue principalement par la participation de ceux-ci au sein de comités de surveillance ou de conseils des salariés sous une forme paritaire.Quel est le rôle de la gouvernance sur le choix entre fonds à contributions définies et fonds à cotisations définies ? On constate, dans les pays anglo-saxons, un glissement des fonds DB vers les fonds DC. Ce mouvement, accentué par le fort sous-provisionnement de nombreux fonds DB, a été l'objet d'une analyse en termes de théorie des contrats. Ainsi, dans le premier cas, le créancier résiduel titulaire du surplus ou du déficit sera le promoteur du plan et, dans le second cas, il s'agira des employés bénéficiaires. Ce point est important en termes de gouvernance, surtout dans le cas où les salariés doivent financer un éventuel déficit. L'indépendance des trustees s'avère être un élément majeur de résolution des conflits d'intérêts entre le promoteur du plan et les employés.Formation. Quel est l'impact des structures de gouvernance sur la performance financière des fonds de pension ? Useem et Mitchell (2000) ont étudié un échantillon de 291 plans de retraite publics aux USA. Ainsi, d'une part, le mode de gouvernance influence le contenu de la stratégie d'investissement et, d'autre part, le niveau de la performance financière dépend des éléments liés à cette stratégie d'investissement (gestion active, poids des actions et des obligations, investissements à l'étranger...).Élément central de la relation d'agence entre l'épargnant et son gestionnaire financier, la gouvernance de l'épargne retraite repose principalement sur l'exigence de compétence et d'indépendance des organes de représentation. Comme suggéré dans le rapport Myners (2001), leur formation est donc un axe prioritaire.Daniel Haguet, professeur, et Jean-François Lepetit, professeur associé à l'Edhec
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