"Le cycle de Doha est au point mort"

Y a-t-il menace d'échec du cycle de Doha ?- Je crains que le cycle soit au point mort. Cela ne veut pas dire qu'il ne peut pas être relancé à n'importe quel moment. Mais si l'Europe ne peut pas déposer sur la table une offre additionnelle en matière agricole, alors il faut peut-être mettre le cycle au ralenti et le reprendre après Hong Kong.Les négociateurs s'accusent mutuellement de l'enlisement des négociations. La responsabilité n'est-elle pas partagée ?- L'UE a des exigences extraordinaires et cela nous mène au blocage. Peter Mandelson a formulé une demande qui équivaut à une réduction de 75 % des droits sur les importations de biens industriels pour le Brésil. Pour l'Argentine, la réduction atteint même, je crois, 78 %. C'est un traitement spécial et différencié à l'envers... En matière de services, l'UE veut fixer des objectifs quantitatifs de libéralisation. Mais cette approche n'est pas conforme au mandat prévu par le cycle de Doha. Celui-ci stipule que le moyen principal de libéralisation des services s'effectue au travers d'échanges d'offres et de demandes entre pays membres.La dernière offre européenne en matière agricole a été qualifiée de "sérieuse" par le directeur général de l'OMC, Pascal Lamy. Qu'en pensez-vous ?- Nous avons analysé les offres européennes. Ce que nous propose l'Europe correspond en fait à une baisse de 39 % en moyenne de ses tarifs sur les importations de produits agricoles, et non pas de 46 % comme on le prétend. La demande élaborée il y a quelques semaines par le G 20 [Ndlr : pays émergents dont le Brésil, l'Inde, la Chine...]et qui avait été jugée raisonnable par beaucoup de pays, postulait une réduction de 54 % de baisse des droits en moyenne pour l'Europe. Bien moins que les 75 % réclamés par les États-Unis.Ne trouvez-vous pas que l'agriculture occupe trop de place dans les négociations ?- Il me semble que la semaine dernière le Brésil a fait un geste dans le domaine des biens industriels. Nous avons proposé de réduire nos tarifs consolidés [Ndlr : déclarés à l'OMC] sur les importations de biens industriels de 50 % en moyenne. Une telle diminution aurait un véritable impact sur les tarifs que nous appliquons effectivement et entraverait notre politique industrielle. Savez-vous que nos tarifs réels sur les importations de biens industriels s'élèvent à seulement 11 % ? Mais l'Europe n'a pas réagi à nos propositions. C'est comme si les négociateurs européens n'avaient pas entendu.Quel intérêt l'Europe aurait-elle à provoquer un échec du cycle de Doha ?- J'en suis réduit à des spéculations. Est-ce que l'Europe veut provoquer une crise, veut-elle laisser les négociations en l'état, tout cela est-il lié à la situation à l'intérieur de l'Union. En tout cas, la clé des négociations est entre les mains des Européens. J'ai parlé avec le Premier ministre britannique, Tony Blair, je crois pouvoir dire qu'il est favorable à une offre additionnelle de l'Europe en matière agricole.Les États-Unis jouent-ils un jeu plus franc s'agissant de leurs crédits à l'exportation, l'aide alimentaire ?- Les États-Unis doivent bien sûr respecter l'idée de parallélisme entre les efforts que consentira l'Europe et ceux qu'ils consentiront eux-mêmes sur les points que vous soulevez. Mais ils ont fait un mouvement en matière de soutiens internes aux agriculteurs. Ce n'est pas suffisant mais ils ont laissé entendre que, si les pays ouvrent leur marché agricole, ils seront prêts à réduire de nouveau ces soutiens.Propos recueillis par L. Ch.
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