Michael Lind : " Le discours sur le libre-échange est un grand mensonge "

Longtemps considéré comme un faucon néoconservateur, Michael Lind est désormais qualifié de " colombe de l'après-guerre froide ". Il n'a de cesse de réclamer moins d'unilatéralisme dans la politique étrangère américaine et fait partie des contempteurs les plus féroces de George W. Bush. Il vient de publier The American Way of Strategy (Oxford University) qui ouvre une réflexion sur la politique étrangère américaine dans un contexte de monde multipolaire et mercantiliste.Vous faites partie des voix qui, aux États-Unis, critiquent le libre-échangisme. Les bienfaits de la libéralisation du commerce international ne feraient-ils pas consensus ?Qui croit vraiment aux vertus de l'abrogation totale des barrières douanières ? Il y a les Britanniques parce qu'ils espèrent que cela va leur redonner la puissance perdue après la fin de leur empire. Ajoutez une partie du personnel politique américain qui croit dur comme fer que le libre-échangisme garantit l'essor des États-Unis sans oublier certains petits pays qui ne vivent que de leurs exportations. Ma position est simple : même au XXIe siècle, il n'y aura pas de grande puissance sans industrie. Croyez-vous sérieusement que les États-Unis vont continuer à laisser filer leur industrie à l'étranger ? Ou que les Européens accepteront que tout ce qui touche par exemple à leur industrie spatiale se retrouve entre les mains de pays concurrents ?C'est une vision sous le prisme de la Défense...J'ai beaucoup travaillé pour la sécurité nationale américaine. Et comme de nombreux responsables du Pentagone, j'ai vu de manière concrète les dégâts infligés par la mondialisation à des pans entiers de l'industrie américaine. De plus, le discours sur le libre-échangisme cache un grand mensonge. Chaque pays proclame en faire son but mais s'active en coulisse pour essayer d'en atténuer les effets par le biais notamment de subventions déguisées ou de barrières implicites comme les normes techniques.Faut-il donc revenir au protectionnisme ?Plutôt que de répéter les mêmes antiennes à propos des bienfaits du libre-échangisme, convenons qu'une dose de protectionnisme est nécessaire pour le bien de toutes les grandes puissances économiques. C'est la seule condition pour éviter les guerres commerciales. Prenons un exemple. Les États-Unis pourraient accepter que l'Europe décide qu'une part de son marché aéronautique est réservée à Airbus, le reste étant ouvert à la compétition. Cela éviterait les coups bas et les gesticulations diplomatiques. Il existe un " concert de puissances " dont les membres doivent s'asseoir autour d'une table pour repenser le commerce mondial et sortir de cette espèce d'idéologie libre-échangiste portée par l'OMC. La Chine, l'Inde, la Russie, la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne et les États-Unis sont nécessairement appelés à s'entendre sur ce qui est mis en compétition et sur ce qui doit rester protégé.Cela aiderait-il à résorber les tensions avec la Chine ?Les conditions de l'adhésion de la Chine à l'OMC sont très discutables. Il aurait fallu aller plus loin dans les négociations et délimiter les chasses gardées de chaque partie. Contrairement au Japon qui a toujours veillé à protéger son marché intérieur, la Chine n'est finalement qu'une grande maquilladora. Cette obsession de l'exportation l'amène à user de tous les moyens pour se garantir sa part de marché dans le commerce mondial.
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