ASIE + Taiwan récuse toute réunification mais rêve de coopération avec Pékin

Il était logique que, dès le chapitre de la rétrocession de Hong Kong refermé, les feux de l'actualité se tournent vers le prochain dossier brûlant : la réunification avec Taiwan. Or, il s'agit d'une tout autre affaire, comme l'ont indiqué jeudi le président de la République taiwanaise, Lee Teng-hui, et son Premier ministre, Lien Chan. « Ni les libertés individuelles, ni la culture propre des Taiwanais ne sont négociables », a lancé le président Lee, rejetant du même coup la formule « un pays, deux systèmes » derrière laquelle est censée se cacher l'autonomie - très incertaine - de Hong Kong. Voilà qui ne satisfera guère Pékin, en particulier le numéro un du Parti communiste, Jiang Zemin, qui s'était empressé d'engranger les dividendes de son voyage historique à Hong Kong en appelant mardi Taipei à « prendre des mesures concrètes » en vue d'une réunification du monde chinois. « Atout précieux. » Le changement de statut de Hong Kong influera-t-il sur les rapports sino-taiwanais ? L'entrevue, hier, du chef de l'exécutif de la nouvelle « Région administrative spéciale » (RAS), Tung Chee-hwa, avec un haut dignitaire taiwanais, Koo Chen-fu, semble aller dans ce sens, M. Koo ayant même déclaré que « la présence de Tung Chee-hwa était un atout précieux pour l'amélioration des relations bilatérales ». Il faut dire que le nouveau patron de Hong Kong, héritier du groupe de transports maritimes OOCL, n'est pas un inconnu dans l'île nationaliste : son père, CY Tung, était proche de Tchang Kai-chek lui-même, et la famille Tung possède toujours des investissements à Taiwan. Certains analystes à Taipei vont jusqu'à murmurer que les relations multiples de Tung Chee-hwa ont joué un rôle clé dans sa nomination. Si les premières années du nouveau statut étaient bénéfiques à Hong Kong, ce serait un avertissement pour les dirigeants taiwanais, alors poussés dans leurs retranchements. A bien des égards, la pression est déjà forte dans le domaine économique : les entreprises de Taiwan ont ainsi investi plus de 30 milliards de dollars en Chine dans l'électronique, le textile, l'agroalimentaire, les articles de sport et l'immobilier. Liens maritimes directs. Ces hommes d'affaires - parmi lesquels figurent de grands groupes industriels de l'île, comme Formosa Plastic, Evergreen, ou President - ne cachent pas leur agacement devant les réticences de leur gouvernement à autoriser des relations économiques directes avec la Chine. Le premier sujet de négociations devrait tourner autour des liens maritimes directs : Taiwan voudrait faire fonctionner son « centre de transbordement » de Kaohsiung, au sud de l'île, afin de contourner l'absence de liaison maritime directe. Mais, depuis deux ans, Pékin fait la sourde oreille en réaction à la visite de Lee Teng-hui aux Etats-Unis en 1995, puis à l'élection présidentielle au suffrage universel direct du même Lee Teng-hui en mars 1996. Quatre jours après la rétrocession de Hong Kong, et malgré le maintien de ses trois bureaux de représentation, devenus d'ailleurs fort discrets, les emblèmes nationalistes (drapeaux, journaux, etc.) ont disparu des rues de Hong Kong. Et désormais - qu'ils le veuillent ou non - les Taiwanais foulent le sol de la République populaire de Chine lorsqu'ils débarquent à l'aéroport international de Hong Kong. Philippe Le Corre, envoyé spécial à Taipei
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