Un sommet des Sept noté B+

A Lyon, l'encre du communiqué final était à peine sèche que le verdict est tombé. Un « B+ » (4 sur 9 en quelque sorte) pour ce vingt-deuxième G7 : pas mal, mais aurait pu mieux faire. Un « B » pour la France qui se classe septième sur neuf, Union européenne et Russie comprises. Ce jugement est celui du groupe de recherche sur le G7 de l'université de Toronto (Canada*), une trentaine de jeunes chercheurs résidant dans plusieurs pays, dont vingt ont fait le déplacement à Lyon. A leur tête, le professeur John Kirton, expert canadien en relations internationales, dont la vocation pour l'auscultation du G7 est née avec celui de Toronto en 1988. Le groupe n'est pas riche mais efficace. Depuis le précédent sommet de Halifax, rien ne lui a échappé du travail des « sherpas » qui ont préparé celui de Lyon. Il a pu identifier les objectifs généraux du sommet et ceux de chacun des pays ou institutions représentés. A Lyon, les vingt chercheurs se sont répartis les centres d'intérêt : deux par pays, qui n'ont manqué aucun « briefing », deux par thème, comme le commerce international ou le développement. Le groupe de Toronto avait identifié dix objectifs centraux pour ce G7, dont cinq dans le domaine économique. « G7 » pas « G8 ». Le premier objectif était précisément d'en préserver le caractère économique, dans son cadre restreint propice à la franchise des débats. « Pour cela, affirme John Kirton, il fallait limiter la participation des Russes et empêcher Jacques Chirac de transformer le G7 en G8. » De ce point de vue, le sommet de Lyon est un succès pour le G7 et un échec pour la France. Mondialisation. Deuxième objectif : « Ce G7 devait délivrer un message fort selon lequel la mondialisation est une bonne tendance pour tout le monde. » Là encore, la France s'est distinguée. « Le premier projet proposé aux sherpas par celui de Jacques Chirac expliquait que la mondialisation est une mauvaise chose. Mais la France était seule sur cette position, puisque la mondialisation est un produit du G7, et le message positif l'a emporté. » Taux d'intérêt. Troisième objectif : « Il fallait affirmer que les taux d'intérêt ne doivent pas remonter, mais que l'éradication des déficits budgétaires doit se poursuivre. » Ces deux messages figurant dans le communiqué final expliquent la note A obtenue sur le thème macro-économique. Sanctions américaines. Le groupe salue aussi le résultat obtenu sur le quatrième objectif : « Il fallait dire non au bilatéralisme et aux lois extraterritoriales Helms-Burton et d'Amato, qui visent les entreprises étrangères investissant à Cuba, en Iran et en Libye. Il fallait que les Américains sachent que, s'ils n'arrêtent pas ce processus, il n'y aura pas d'accord multilatéral sur la protection des investissements directs à l'étranger ». Le contrat est rempli, puisque le communiqué final condamne le bilatéralisme. « Il vaut un A+ au chapitre du commerce international et fait tomber la note américaine à A- ». Développement. Enfin, au chapitre de l'aide au développement, l'objectif était de réduire la dette multilatérale des PVD, grâce à la vente d'une partie des réserves d'or du FMI. « La bonne direction a été prise où la première décision importante a été prise », se félicite John Kirton. La déclaration sur les moyens financiers de la Banque mondiale est à ses yeux un bon moyen de pression sur le Congrès américain, à qui revient la décision d'attribuer des fonds. Il regrette cependant que le compromis sur la dette des PVD vise seulement une liste de pays limitée et que le G7 se soit borné à mettre à l'étude la gestion des réserves d'or du FMI. La note moyenne obtenue par la France se ressent de ces jugements globaux. Sur la Russie, « c'est un échec total, la France s'est trompée ». Le G7 ne s'est pas mué en un G8. Même si Jacques Chirac a tenté de camoufler son échec en baptisant « réunion des 8 » la partie politique de la conférence, à laquelle Victor Tchernomyrdine participait. La France voulait faire de l'aide au développement le thème central du sommet. Le résultat est mitigé, en dépit d'avancées décisives. Sur les changes, en revanche, « Chirac a obtenu plus que ce que nous avions prévu ». Quant aux conclusions du G7 emploi de Lille, pour lesquelles Paris avait bataillé ferme, John Kirton considère qu'elles sont globalement reprises dans les conclusions de Lyon, où les Sept ont créé un forum permanent sur l'emploi au niveau ministériel. John Kirton a un vrai regret. A Lyon, selon lui, le G7 aurait dû annoncer un nouveau cycle de discussions multilatérales, après l'Uruguay Round. « Il aurait dû fixer une échéance, et se donner comme but d'éliminer toutes les barrières douanières dans le monde en l'an 2000, par exemple. La vraie mondialisation, ce serait cela. » Jean-François Couvrat, envoyé spécial à Lyon * Accès sur Internet : https://www.library.utoronto.ca/www/g7
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