Chine-Taiwan : le « jumbo-projet » qui dérange

Pour le gouvernement taiwanais, il devient chaque mois un peu plus difficile de s'opposer aux liens d'affaires de ses entreprises avec la Chine. Au dernier recensement de Taipei, 25.000 firmes taiwanaises seraient implantées en Chine pour un investissement global de 24 milliards de dollars. Mais il s'agit pour l'essentiel d'entreprises de taille petite ou moyenne. Tout cela risque de changer avec Formosa Plastics, le premier groupe industriel taiwanais (chiffre d'affaires toutes filiales confondues en 1995 : 50 milliards de francs, bénéfice : 6,4 milliards), numéro un mondial du PVC, dont le charismatique patron, Wang Yung-Ching, caresse depuis des années le projet d'une gigantesque centrale électrique dans la province de Fujian, qui fait face à l'île de Taiwan. Les six générateurs thermiques prévus devraient coûter la somme colossale de 15 milliards de francs, soit vingt fois plus que le plus gros investissement taiwanais jamais réalisé en Chine. Les milieux politiques, cependant, estiment qu'un tel investissement mettrait en danger l'équilibre économique existant entre Taiwan et la Chine, car Formosa Plastics a la réputation d'entraî- ner dans son sillage des entreprises de taille moindre qui ont entière confiance dans la stra- tégie de son fondateur. En cas de crise - et la dernière date de mars, lors des essais militaires chinois dans le détroit -, quelles seraient les garanties contre une nationalisation des usines taiwanaises ? Une implantation d'usine récemment annoncée En attendant, le 2 juillet, Formosa Plastics a effectué une entrée par la petite porte : sa filiale Nan Ya Plastics a annoncé un investissement de 70 millions de francs en Chine, pour l'implantation d'une usine de cuir artificiel. Le projet a été annoncé par la Commission des investissements du gouvernement, en même temps que sept autres investissements taiwanais en Chine. A l'évidence, il s'agit plutôt d'une question de « face » (notion essentielle dans le monde chinois), car le groupe Formosa n'a pas besoin du feu vert de Taipei lorsqu'il décide de s'implanter quelque part. Mécontent des propositions de son gouvernement, Wang Yung-Ching s'était rendu secrètement à Pékin, en 1990, pour y rencontrer les hauts dirigeants du régime afin de négocier la construction d'un énorme « naphta-craqueur » dans le Fujian. Sous la pression, Taipei avait finalement autorisé la mise en place de ce complexe pétrochimique... à l'est de l'île. Un scénario identique paraît bien improbable cette fois-ci. Car, depuis un an, le tout-puissant Wang discute à nouveau avec les autorités chinoises, et tout porte à croire que le projet est bien avancé. En mai, il a été reçu à dîner par le vice-Premier ministre chinois, Zhu Rongji, et Pékin lui aurait promis l'« assistance nécessaire ». La nouvelle du projet a été révélée dans la presse taiwa- naise. Afin de rassurer Taiwan, Formosa Plastics propose de laisser 40 % du projet à des partenaires étrangers... Philippe Le Corre, à Hong Kong
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