Japon : la baisse du yen provoque un effet « boomerang »

Pendant longtemps, la baisse parallèle des excédents nippons et du yen a constitué une bonne nouvelle. Cette époque est révolue. La publication, hier, des chiffres de la balance des comptes courants pour le mois de mai (- 46,4 % par rapport à mai 1995, à 361 milliards de yens, soit à peine 17 milliards de francs) et le nouvel accès de faiblesse de la devise nippone face au dollar (111 yens pour un billet vert) ont confirmé les inquiétudes des industriels, ménages et économistes sur l'archipel. Pour la première fois depuis vingt-neuf mois en effet, le yen a franchi, la semaine dernière, les 110 yens pour un dollar. Depuis le 19 avril 1995, où le dollar avait touché le plafond des 79.75 yens, la devise américaine a grimpé de 37 % ! Ce mouvement remet en cause la rentabilité des sites de production délocalisés massivement en Asie et aux Etats-Unis par les grandes entreprises japonaises depuis 1993 et qui représentent aujourd'hui 60 % des importations du pays. Kyushu Matsushita Electric a même annoncé le rapatriement d'une ligne de production de fax de Malaisie, pour s'adapter au mouvement sur les marchés des changes. La plupart des économistes pensent cependant que le mouvement de délocalisation va se ralentir et que l'augmentation des approvisionnements en pièces et composants étrangers s'en trouvera affectée. Deuxième inquiétude : l'inflation importée. L'indice des prix des produits importés a grimpé de 1,3 % en janvier dernier (par rapport au même mois de l'année précédente), 2,1 % en février, 5,4 % en mars et 12,7 % en avril ! L'indice des prix de gros suit la même tendance. Les compagnies d'électricité et de gaz ont relevé leurs tarifs au début du mois, tandis que les importateurs de voitures américaines ou produits alimentaires et produits de luxe français s'adaptent à la nouvelle donne. « Il y a effectivement un réajustement de nos prix pour rester au même niveau que les prix internationaux », confie un responsable d'une entreprise hexagonale de vins et spiritueux. Plus grave, cette faiblesse persistante du yen et, partant, ce risque d'inflation pourraient inciter la Banque du Japon à abandonner sa politique monétaire accommodante et relever ses taux d'intérêt plus tôt que prévu. Une crainte évoquée hier par les opérateurs pour expliquer le net recul de l'indice Nikkei à la Bourse de Tokyo : - 1,38 %, à 21.924,94 points, pour la première fois sous la barre symbolique des 22.000 points depuis quatre semaines. Une telle hausse des taux pourrait mettre un terme à la récente mais fragile embellie que connaît le Japon. Plus globalement, c'est tout le processus de réforme de l'industrie japonaise, enclenché sous la pression d'un yen fort, qui se trouve remis en cause. « Réduire les effectifs était possible au Japon à 85 yens pour un dollar, parce qu'il y avait consensus pour éliminer les pratiques traditionnelles (emploi à vie...). Ça ne l'est pas nécessairement à 105 yens ou 110 yens pour un dollar », expliquait récemment Richard Koo, l'économiste en chef du Nomura Research Institute. Xavier Lambert, à Tokyo
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