Allemagne : les syndicats refusent la «flexibilité patronale»

LES PRINCIPAUX syndicats allemands n'ont pas tardé hier à rejeter, quelques heures seulement après sa formulation publique, la proposition du patron des patrons, Klaus Murmann (BDA), d'instituer un nouveau système salarial « flexible » outre-Rhin. Qualifiée d'« aussi obsolète que réactionnaire » par IG Metall, l'offre de Klaus Murmann consistait à substituer aux traditionnels accords salariaux de branche un nouveau système baptisé « à trois colonnes » : à un salaire minimal garanti, inférieur à l'actuel salaire minimal de branche, viendraient s'ajouter des primes indexées sur les revenus de l'entreprise et une part individuelle laissée à l'appréciation de l'employeur et mesurant la performance du salarié. Un système qui viendrait effacer des décennies d'un dialogue social cher aux syndicats allemands qui, à chaque printemps, au nom du principe inaltérable de « l'autonomie tarifaire », négocient avec les fédérations patronales de branche les conventions collectives : outre les augmentations salariales, qui courent en général sur un an, mais parfois au-delà comme on l'a vu l'an dernier dans le secteur de la métallurgie (accord sur deux ans), les conventions signées entre les partenaires sociaux fixent également le temps de travail, la durée des congés et les conditions générales de l'activité. En 1997, les syndicats modéreront leurs revendications salariales Un système qui a fait ses preuves et que le gouvernement respectait jusqu'alors scrupuleusement, mais qui a aussi montré ses limites l'an dernier, toujours dans la métallurgie, à l'occasion du dernier « round salarial » sanctionné par deux semaines de grève. En mars 1995, après plusieurs années d'austérité il est vrai, IG Metall avait ainsi obtenu des augmentations salariales importantes (3,4 % en mai, 3,6 % en novembre), dénoncées depuis comme exorbitantes tant par la Bundesbank que par le patronat, qui y voient une des causes de la faiblesse de la reprise économique et de la stagnation du chômage à un niveau trop élevé. Si, aujourd'hui, les syndicats sont prêts à mesurer leurs revendications, ils tiennent cependant à conserver leur rôle dans le jeu social. C'était le sens d'ailleurs des propositions d'IG Metall, début novembre, visant à lancer un « pacte pour l'emploi » conjuguant modération salariale et embauches. Klaus Zwickel, président du syndicat de la métallurgie, n'a ainsi pas hésité à proposer pour 1997 que les hausses de salaires ne dépassent pas l'inflation à condition toutefois que les employeurs s'engagent à créer 300.000 emplois sur trois ans. Depuis, la DGB (la confédération des syndicats) lui a emboîté le pas, faisant de la compensation des heures supplémen- taires en congés additionnels son cheval de bataille pour cette année, toujours dans le but d'obtenir de nouvelles embauches. Et, hier encore, Herbert Mai, président d'ÖTV (syndicat de la fonction publique), s'est dit prêt à modérer, dans les mêmes termes que Klaus Zwickel, ses revendications salariales dès cette année et à négocier sur la réduction du temps de travail, en échange de créations d'emplois. Un souci partagé par tous à l'heure où Berhard Jagoda, président de l'Office fédéral du travail, prédit que le nombre de chômeurs pourrait dépasser les 4 millions d'ici à fin janvier, soit le niveau historique atteint déjà entre septembre 1993 et février 1994, en plein ralentissement économique. Outre-Rhin, on faisait remarquer hier que Klaus Murmann s'était signalé, en novembre, en rejetant a priori les propositions du « pacte pour l'emploi » de Klaus Zwickel. « En fait, remarque un observateur du jeu social allemand, la proposition de Murmann apparaît comme une tentative de reprendre la main face aux offres d'IG Metall, qui sont plutôt bien accueillies, y compris dans les sphères gouvernementales. » ALAIN BARON
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