« Une cinquantaine de marques de montres vont disparaître »

Quel regard portez-vous sur la crise horlogère actuelle??La crise générale a commencé dès 2007 et nous n'avons rien vu venir dans l'horlogerie. Au contraire, nous avons fait des bénéfices superbes jusqu'au crash de novembre 2008, qui se prolonge aujourd'hui. On ne s'est pas rendu compte que les détaillants allaient, eux aussi, avoir besoin de crédit. Du coup, l'industrie horlogère subit un recul auquel elle n'était plus habituée, de 22 % en février. Mais le mois de mars devrait finir entre ? 10 % et ? 15 % et 2009 devrait être en croissance de 2 % à 4 %, en fonction des taux de changes. L'an dernier, j'ai eu 152 millions d'euros d'impact de change sur mes 4 milliards de chiffre d'affaires.Au fond, cette crise n'est-elle pas plus structurelle, liée à un excès de marketing??L'horlogerie est touchée aujourd'hui par le fait que le consommateur a peur, achète moins, et que les revendeurs n'ont plus assez d'argent pour acheter nos stocks. Mais il y aurait eu une crise de toute façon, car nous venons d'assister à une ruée vers l'or sans précédent. Toutes les marques ont voulu s'y mettre, même celles qui n'avaient aucune légitimité. Par exemple, le type qui fait mes costumes, Monsieur Zegna, m'a appelé l'an dernier pour se lancer à son tour dans la montre. Je l'en ai dissuadé, lui expliquant qu'il n'allait pas forcément y gagner vu qu'il n'avait aucune connaissance en production ou en distribution. Aujourd'hui, ce grand eldorado est fini et je pense qu'au moins une cinquantaine de marques vont disparaître dans les cinq prochaines années.N'y a-t-il pas un problème d'indépendance des marques vis-à-vis de votre groupe??Nous sommes en effet le plus grand producteur de mouvements de cette industrie. Tout le monde nous en achète, y compris Rolex pour le c?ur de ses montres et sa marque Tudor. Mais Rolex, Patek Philippe, Cartier? une dizaine de maisons au total, sont quand même devenues très indépendantes.Quels sont les points forts de Swatch face à cette crise??Je pense finir l'année 2009 pas trop mal. D'abord parce que nous avons 19 marques avec des montres de 20 euros à 10 millions d'euros pièce. Ensuite parce que nous produisons tout nous-mêmes grâce à 178 usines en Suisse, 2 en France, 2 en Allemagne et 3 en Italie. Notre distribution internationale est la plus forte de toute l'industrie horlogère avec un millier de boutiques en propre. Swatch est distribuée en propre à 40 % et les autres marques, comme Breguet ou Omega, entre 20 % et 25 %. Or, contrairement aux détaillants, ces boutiques continuent d'acheter aujourd'hui. Enfin, il paraît que je sais stimuler l'innovation chez mes collaborateurs. Je tente de maintenir la fantaisie de leur enfance, lorsqu'ils croyaient à Papa Noël et aux contes de fée. Pour l'innovation technologique, je ne prends pas des ingénieurs, trop carrés, mais des physiciens. C'est avec eux que je crée aujourd'hui la société Benelos, en partenariat avec la Deutsche Bank, qui a pour mission de créer une voiture encore plus écologique que l'électrique.Vous vous êtes fait un principe de ne pas débaucher de personnel??Ce n'est pas parce que nos bénéfices diminuent cette année que nous mourrons de faim. Je pourrais licencier 1.000 personnes sur mes 24.000 salariés et la Bourse me dirait bravo et achèterait mes actions. Mais je préfère garder mon personnel pour plus tard, même si ça me coûte de l'argent. C'est une erreur fondamentale de mettre l'argent avant tout. n Retrouvez l'intégralité de l'entretien sur www.latribuneetmoi.frCofondateur, président et administrateur délégué du conseil d'administration de Swatch Group.interview de Nicolas G. Hayek
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