Les investisseurs institutionnels affichent leurs convictions

La crise a été plus efficace que n'importe quelle stratégie marketing. Elle a démontré aux investisseurs que le manque de responsabilités et d'éthique au niveau de la gouvernance d'entreprise avait des conséquences dramatiques sur l'économie », constate Jean-François Descaves, président de Financière de Champlain, société de gestion spécialisée dans l'investissement socialement responsable (ISR). Les récents scandales financiers plaident ainsi en faveur de l'ISR et plus particulièrement des fonds d'investissement sélectionnant les entreprises en fonction de leur engagement social et de leur moralité en matière de gouvernance. À tel point que la dimension environnementale semble être reléguée au second plan, notamment chez la plupart des investisseurs institutionnels. critères de gouvernanceEt l'enjeu est de taille car, si les institutionnels consacrent une part encore réduite de leur portefeuille à l'ISR ? entre 0 % et 5 % pour la grande majorité d'entre eux ?, ils représentent néanmoins les deux tiers du marché français estimé, selon Novéthic, à 22,1 milliards d'euros à fin 2007. Or ils affirment de plus en plus leurs convictions en matière d'ISR et cela en dépit d'un nouveau débat entre experts et professionnels portant sur la performance des fonds.« Les institutionnels français sont très sensibles aux critères sociaux car il s'agit essentiellement de caisses de retraite du monde paritaire et de nombreux établissements ayant une mission sociale. À l'inverse, les fonds de pension anglais, qui sont des émanations d'entreprises privées, ne perçoivent pas toujours la dimension sociale de l'ISR comme une priorit頻, explique Samuel Raoul, consultant en investissements chez Bfinance. Cela dit, les Français font preuve d'un intérêt de plus en plus grand pour les critères de gouvernance (voir graphique). « Pour un investisseur institutionnel, il est plus facile de trouver en interne un consensus autour d'une politique ISR privilégiant les critères de gouvernance que d'essayer de s'entendre sur des critères sociaux et environnementaux. Ces derniers suscitent beaucoup plus de débats », précise Jean-Marie Catala, directeur du développement de Groupama Asset Management. Les critères de gouvernance sont aussi appréciés pour leur plus grande lisibilité. « En matière de gouvernance, nous pouvons appliquer les mêmes références (présence d'un code de déontologie, comité d'audit et de rémunération, gestion des conflits d'intérêts?) à toutes les entreprises, ce qui est moins le cas pour les critères sociaux et encore moins vrais pour les critères environnementaux », ajoute Jean-Marie Catala. Les enjeux liés à l'environnement sont très différents selon que l'entreprise appartient au secteur bancaire ou au secteur pétrolier.Enfin, certains investisseurs privilégient les critères de gouvernance, persuadés qu'ils font la différence en matière de performance. À l'origine, l'ISR s'est développé en France avec une approche « best-in-class » qui promettait une performance supérieure à la gestion classique. Cette approche, qui vise à retenir dans chaque secteur d'activité les entreprises ayant la conduite la plus irréprochable quels que soient les critères ESG (environnement, social et de gouvernance), a déçu de nombreux investisseurs. « Le ?best-in-class?, l'ISR le moins engagé, conduit à sélectionner la plupart des grandes capitalisations composant les principaux indices boursiers. C'est la raison pour laquelle les fonds best-in-class » affichent généralement une performance très proche des indices, indique Jean-François Descaves. En revanche, on peut viser une surperformance en appliquant une politique plus sélective en matière d'ISR et en élargissant l'univers d'investissement aux valeurs moyennes. » Ce n'est pas l'avis des chercheurs de l'Edhec. Dans une étude publiée en décembre dernier, ils montrent que, quel que soit le type d'ISR pratiqué, la surperformance de ces fonds sur le long terme n'est pas observée. « Quand certains fonds thématiques enregistrent une surperformance, il s'agit d'observations sur une courte période qui ne sont pas significatives », déclare Noël Amenc, professeur de finance et directeur de la recherche à l'Edhec Business School.investissement moralDerrière ce débat sur la performance se cache le risque d'un acte de vente inadapté comme cela a pu être le cas avec le « best-in-class ». L'investissement doit être avant tout motivé par le rôle moral, social et/ou environnemental que l'investisseur souhaite jouer dans la société. Or il est plus facile et moins coûteux pour une société de gestion non spécialisée dans l'ISR de vendre ce type de produit en vantant uniquement sa performance. « Les sociétés de gestion qui adoptent cette stratégie marketing prennent le risque de détourner à terme les investisseurs de l'ISR, car ceux-ci n'auront pas investi dans cette catégorie de gestion pour les bonnes raisons. Le cas récent des fonds diversifiés ou alternatifs vendus avec le mauvais argument de la performance absolue est emblématique de ce risque », ajoute Noël Amenc.Mais ne pas mettre en avant l'argument de la performance suppose que les sociétés de gestion aient en interne des compétences nécessaires (équipe d'analystes extra-financiers, gérants spécialisés?) pour développer une gestion ISR fondée sur de vraies convictions. Or cela représente un coût que toutes ne sont pas encore prêtes à payer. n
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