La croissance mondiale prise dans l'écheveau sino-américain

La rencontre ne pouvait pas mieux tomber. Henry Paulson, secrétaire américain au Trésor, se rendra demain à Pékin pour rencontrer les autorités chinoises dans le cadre du dialogue économique stratégique sino-américain. Ces rendez-vous biannuels de haut niveau ont été conçus pour couvrir un spectre large de questions économiques. Mais ils sont en fait l'occasion pour Washington d'exercer une pression sur la Chine dont la monnaie, le yuan, est bien trop faible aux yeux des Américains et creuse dangereusement le déficit commercial des États-Unis vis-à-vis de la Chine (256 milliards de dollars en 2007). Autant dire que la dévaluation récente sera certainement un sujet de conversation. Jusqu'ici, l'insistance américaine n'avait pas été vaine. Depuis juillet 2005, la banque centrale chinoise a laissé le yuan s'apprécier de plus de 20 % par rapport au billet vert. Et en dépit de la glissade toute récente de la devise chinoise, David McCormick, le sous-secrétaire au Trésor, veut rester serein. « Nous n'avons aucune indication de la part de la Chine signifiant qu'elle serait moins engagée dans cette direction », a-t-il affirmé.Depuis le début de la décennie, les liens sino-américains n'ont cessé de se resserrer commercialement et financièrement pour aboutir à une inextricable interdépendance entre deux puissances pourtant rivales. Au plan commercial, la Chine inonde le marché américain de ses produits. Au plan financier, elle recycle ses excédents (elle dispose de 1.900 milliards de dollars de réserves) sur les marchés financiers américains, ce qui a permis de financer la croissance de l'Oncle Sam. La Chine vient du reste de supplanter le Japon comme premier détenteur de bons du Trésor américain. Cette interdépendance a abouti à un double déséquilibre que certains économistes jugent explosif. Et la crise menace d'introduire un grain de sable fatal dans cette horlogerie.spirale négativeLes maîtres de l'empire du Milieu, qui tirent leur fragile légitimité politique de leur seule capacité à enrichir leur peuple, sont tétanisés par le ralentissement des exportations et font de la relance de la croissance leur priorité numéro un. Ils ont annoncé un substantiel plan de soutien à l'économie (586 milliards de dollars) mi-novembre. Des grands commentateurs anglo-saxons tels que Fareed Zakaria ou Niall Ferguson estiment que ces futures dépenses publiques chinoises à usage domestique rendront beaucoup plus difficile l'achat de bons du Trésor américain dont Washington a besoin pour financer ses propres mesures de relance.Pis, si les exportations chinoises ralentissent trop fortement, Pékin sera privé de nouvelles rentrées de billets vert. Il pourrait donc être tenté de revendre les actifs libellés en dollars qu'il détient et projeter la devise américaine dans une spirale négative. Mais à ce scénario noir d'autres économistes tels que Michael Pettis, de l'université de Pékin, opposent justement la solidarité économique de fait tricotée entre les États-Unis et la Chine. Pour lui, la banque centrale chinoise n'a aucun intérêt à vendre des actifs en dollars contre des yuans, sauf à provoquer une hausse de la valeur de sa monnaie et à risquer l'effondrement de ses exportations. « À court terme, estime Michael Pettis, la relance budgétaire américaine permet d'atténuer le ralentissement des économies américaine et mondiale, et elle va offrir un point d'appui au plan de soutien de la Chine. » En revanche, sur le long terme, il sera « plus sain » pour la Chine de chercher à rééquilibrer son modèle de croissance en misant moins sur les exportations et davantage sur la consommation intérieure, objectif qu'elle disait poursuivre jusqu'à il y a peu. Mais pour que cette thèse vertueuse ait une chance de l'emporter, le dialogue stratégique sino-américain sera décisif. Pékin en est conscient qui, fin novembre, a souhaité que Barack Obama le perpétue. Laurent Chemineau++BSD ++SupprimerBalise NePas supprimer n signature++BSF ++
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