Le ralentissement mondial prive d'air l'économie nippone

Le Japon ne peut pas avoir d'excédent commercial si le reste du monde n'enregistre pas un déficit commercial » : cet axiome faussement simple rappelé par l'économiste Richard Katz résume tout le dilemme du Japon aujourd'hui. Suivant le modèle mercantiliste qui a fait sa fortune, la croissance de l'archipel est plus que jamais dépendante de ses exportations. Celles-ci représentent 5 % du PIB nippon, mais 80 % de la croissance de ce même PIB depuis un an. La demande intérieure, en particulier la consommation, n'est pas assez forte pour soutenir l'économie. Les salaires, qui stagnent, voire baissent, et l'épargne, non rémunérée, empêchent les ménages de délier les cordons de leur bourse.Or les déficits commerciaux qui, en Occident, traduisaient l'appétit des autres pays industrialisés pour les produits japonais, sont en train de se résorber rapidement. Le mythique déficit commercial américain, en particulier, se réduit. Les importations américaines ont chuté en septembre au rythme inédit de 5,6 %. Le même mois, l'excédent commercial nippon a fondu de 94 %. Pris dans la souricière, le gouvernement japonais pourrait en théorie remettre en cause son modèle, et transférer les clés de la croissance du consommateur américain au consommateur japonais. Comment?? Une stratégie avait été avancée dès 1986 par la commission Maekawa, un comité ad hoc créé après les protestations du gouvernement américain concernant l'énorme excédent commercial nippon.Un modèle périméLe rapport Maekawa proposait à l'époque de réduire le temps de travail, baisser les impôts sur le revenu et les taxes immobilières, ouvrir le pays à la concurrence étrangère? Mais le patronat, prisonnier du modèle qui, après tout, avait fait sa réussite, avait tué dans l'?uf ces réformes. « Il y avait trop d'intérêts particuliers en jeu », rappelle Richard Katz. « Le rapport a été publié à une période où notre déficit budgétaire était encore modeste, explique avec nostalgie un haut fonctionnaire de la Banque du Japon. Et puis aujourd'hui les salaires baissent, surtout chez les jeunes. Donc, ça n'est pas utilisable tel quel. »Mais la philosophie du rapport reste plus que jamais valable. À une petite échelle, elle a inspiré Taro Aso. Désespéré par l'épuisement de la demande internationale, le Premier ministre a présenté, il y a quelques jours, un plan de relance budgétaire qui consiste principalement à verser une somme d'argent directement aux ménages pour les enjoindre de consommer. Le chef du gouvernement presse le patronat d'augmenter les salaires pour relancer la consommation. Mais ne remet pas en cause la structure économique du Japon.La semaine dernière, en présentant le livre blanc de l'European Business Council, l'organe de lobbying de l'industrie européenne au Japon, son président, Richard Collasse, a eu des mots très durs pour sa seconde patrie? : « Si on regarde l'Histoire, nous devons mettre en doute la capacité du Japon à s'affirmer comme un leader de la réforme. Il est resté attaché à son modèle de développement économique de l'après-guerre, fondé sur un gouvernement central planificateur et une croissance tirée par les exportations, longtemps après que les carences de ce modèle sont devenues évidentes. Le Japon restera sur le bord de la route en termes d'idées, incapable de bénéficier ou d'instaurer la réforme, ou de se développer dans l'économie mondiale. À moins qu'il rompe avec le passé. » Faute de rupture, la deuxième économie mondiale sombre aujourd'hui dans la récession. n++BSD++SupprimerBalise NePas supprimer n Régis Arnaud à Tokyo++BSF++
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