Mental de crise

Le plan de relance annoncé hier par Nicolas Sarkozy vise à éviter le pire. Après la crise bancaire de septembre et la crise boursière d'octobre, novembre a-t-il été le mois de la grande récession que tout le monde redoute ? La brutalité du retournement des ventes de logements et d'automobiles, la multiplication des fermetures partielles ou totales de sites industriels, la progression du nombre de faillites (+ 14 % en octobre) à un rythme inconnu depuis 1997? Tout cela contribue à faire naître une inquiétude diffuse chez tous les acteurs : l'économie réelle serait-elle en train de craquer ? À la mi-novembre, certains ont cru déceler des signes de rupture. Les industriels scrutent les stocks de leurs clients, les commerçants guettent nerveusement le trafic en magasin, le nombre de transactions, le panier moyen?Pourtant, un tour d'horizon auprès des professionnels oblige à un constat plus nuancé. Si rupture il y a, elle est plus dans les esprits que dans les ventes constatées, à l'exception bien sûr de l'automobile et de l'immobilier. Et quand elle a eu lieu, c'est souvent bien avant la tempête automnale. « Ce qui domine, analyse Hervé Brossard, président de l'association des agences-conseils en communication (AACC), c'est l'impression de crise à laquelle personne n'échappe. Mais curieusement, c'est davantage l'inquiétude que la certitude de la crise qui prévaut. »du jamais-vu en franceIl faut dire que l'effondrement des ventes de voitures et de logements, qui font office de baromètre national, ont frappé les esprits. On le sait, le marché automobile a totalement décroché en novembre, avec une chute de 14 % des ventes d'autos neuves. Du jamais-vu en France ! Les stocks d'invendus dépassent les 870.000 véhicules, ce qui contraint les constructeurs à mettre entre parenthèses leur production, provoquant de dramatiques réactions en chaîne chez les sous-traitants (70 % de la valeur ajoutée d'une voiture). Côté immobilier, les professionnels s'attendaient à un atterrissage en douceur, ils assistent aujourd'hui à une débâcle, qui s'est produite en deux temps.Les ventes de logements neufs ont commencé à reculer en mars. Puis, à partir d'octobre, le marché du logement ancien, plus vaste et plus résistant, a fini par céder à son tour. Au total, on s'attend d'ici à la fin de l'année à une baisse de 25 % des ventes dans l'ancien et de 60 % dans le neuf ! Beaucoup plus inquiétant pour la profession, les mises en chantier s'effondrent : 370.000 fin 2008, contre 427.000 en 2007. Et l'objectif pour 2009 ? 330.000 mises en chantier ? devrait être péniblement atteint, ce qui pourrait entraîner la suppression de 30.000 emplois selon la FNB. « Ce qui nous frappe, souligne Henri Buzy-Cazaux, délégué général de Fnaim, c'est la soudaineté du retournement du marché, plus brutal que l'éclatement de la bulle. » Il ajoute : « Nous ne sommes pas dans une crise immobilière classique, mais une crise multiforme qui tétanise tout le monde. » Pas d'espoir non plus du côté des travaux publics pour prendre le relais. Là aussi, l'activité, réalisée pour moitié auprès des collectivités locales, cale après des années de croissance : le redémarrage attendu pour septembre, après les élections municipales de mars, n'a pas eu lieu. Le nombre d'heures travaillées par les intérimaires, variable d'ajustement, a brutalement chuté de 10 % en septembre. Et les carnets de commandes se sont réduits à quatre mois de chiffre d'affaires, contre six mois d'ordinaire. « C'est 40.000 emplois qui sont directement menacés », s'alarme Patrick Bernasconi, président de la Fédération des travaux publics.Autre indicateur alarmant : le sérieux coup de frein, à la mi-octobre, de l'activité des transporteurs routiers, qui ne se l'expliquent pas vraiment. « Tout juste peut-on avancer des phénomènes de déstockage massif », se risque Fabrice Accary, à la FNTR. Déjà fragilisés par la hausse du gazole au printemps, fortement endettés, et livrés à la concurrence des pays de l'Est, les transporteurs disent redouter pour 2009 une multiplication des dépôts de bilan, déjà en hausse de 90 % en 2008.dégradation du marchéPour autant, la consommation n'est pas brutalement entrée dans l'hiver. En fait, les Français avaient commencé à se serrer la ceinture bien avant l'automne. Les professionnels l'ont vu dans presque tous les secteurs dès le mois de janvier 2008. Les produits de grande consommation, notamment, ont subi très tôt le contrecoup de la flambée des prix des produits de première nécessité, explique Isabelle Kaiffer, chez TNS Worldpanel. On est passé d'une croissance de 1 % en volume jusqu'à la fin 2007 à un recul de 2 % dès les premiers mois de l'année. Même les dépenses alimentaires ont baissé en volume.À part un sursaut rapide en avril, la consommation ne s'est jamais vraiment rétablie. « Il n'y a pas eu de rupture de tendance à la rentrée, simplement une confirmation de la dégradation du march頻, constate Jacques Dupré, de l'IRI. Les uns après les autres, les segments de la consommation ont été frappés par la rigueur. La mode en mars, le gros électroménager en juin, et à l'automne les ordinateurs personnels ou les meubles et aménagements de cuisine ont tour à tour connu un fort coup de frein. L'ameublement, qui bénéficiait d'un engouement massif des Français pour l'aménagement de leur intérieur, a vu la fréquentation de ses magasins chuter brutalement en octobre. « Les Français ne se reportent pas sur des produits moins chers, note Christophe Gazelle, de l'IPEA, la fédération des professionnels du meuble. Ils reportent leurs achats à des temps meilleurs. » Dans l'habillement, l'Institut français de la mode relève que, après une bonne année 2007 portée par la hausse des pièces vendues et celle des prix grâce à un style renouvelé, 2008 sera marquée par le recul des volumes comme des prix : les promotions se sont multipliées, sans parvenir à soutenir le marché.De fait, un mouvement quasi général de baisse des prix est apparu. Inquiets de voir un effondrement de leurs ventes, les commerçants ont volontiers baissé leurs prix pour attirer le chaland : en particulier dans l'électronique grand public, où les enseignes ont vu leurs ventes faiblir dès le début de l'année, comme l'explique Olivier Malandra, chez GfK. « Les trois moteurs de la croissance du marché, à savoir les écrans plats de télévision, les baladeurs MP3-MP4, et les GPS portables, sont en train de caler, assure-t-il. Les prix baissent si vite que 2008 finira sur un recul du marché de l'électronique grand public en valeur bien que les volumes soient toujours en hausse. »sauver les ventes de NoëlCette déflation accélérée des prix des produits aurait-elle eu un effet anxiogène ? Il est frappant de constater que novembre n'aura pas vu l'effondrement tant redouté. La crise de la consommation, premier moteur de l'économie en France, avait commencé bien avant. À l'exception notable de l'automobile et du logement, elle semble pour l'instant s'être ni estompée ni vraiment aggravée. Tout le monde est sur le pied de guerre pour sauver les ventes de Noël. Car chacun sait que, c'est dans cette dernière ligne droite que les commerçants réussissent ou pas leur année. En clair, tout reste ouvert. n
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