Bazooka et tir à l'arc

Chacun persévère dans son être. La crise financière donne une nouvelle illustration de cette belle formule spinozienne, provoquant des réactions sensiblement différentes de part et d'autre de l'Atlantique. Aux États-Unis, c'est la mobilisation, avec l'adoption du plan Paulson pour secourir le système financier en déroute. Un plan qui arrive tard, mais qui témoigne, par ses 700 milliards de dollars et son caractère interventionniste, de la révolution à l'oeuvre aux États-Unis : le temps des " bazookas " est arrivé. L'initiative du secrétaire d'État au Trésor n'est qu'une première frappe, il y en aura d'autres. Sur nos rives, le sommet de Paris a eu le mérite d'afficher l'unité européenne, et c'est à mettre au crédit de Nicolas Sarkozy. Tout comme le fait de ne réunir que les quatre dirigeants des plus grands pays. Même par temps calme, l'Europe à 27 peine à s'accorder sur les normes des jouets pour enfant... On imagine trop bien ce qu'un sommet en plénière sur la crise financière aurait donné. Cette unité de façade est pourtant le seul bénéfice du sommet de Paris. Car les Quatre se sont mis d'accord sur la nécessité de traiter la crise bancaire au niveau national. En clair, ils sont unis sur l'intérêt de ne pas l'être : pas de stratégie commune en matière de garantie sur les dépôts, pas davantage de fonds commun pour secourir les banques en difficulté. Les quatre chefs d'État et de gouvernement réunis ce week-end ont même fait sauter le peu de règles communes - le droit de la concurrence et celui qui régente les aides d'État - pour pouvoir mieux travailler chacun dans leur coin. La réponse à la crise des Européens eux-mêmes, c'est " moins d'Europe ". On pourrait bien sûr brocarder nos dirigeants, qui s'entraînent au tir à l'arc quand l'Amérique sort son bazooka. Ce ne sont pourtant pas les hommes qui sont en cause, mais les institutions. Nos pays sont assez intégrés pour ne pas pouvoir agir seul, mais pas assez pour agir ensemble. Cette asymétrie sera encore plus manifeste demain, lorsqu'il faudra se préoccuper de l'économie réelle déprimée par la déflation des actifs. Comme toujours, le meilleur allié d'une crise est l'état d'impréparation intellectuelle et institutionnelle dans lequel nous sommes pour y faire face.
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