Au Texas, Abel Haggard vit dans une ferme croulante proche de Dallas. Ce vieil homme, usé par le temps, attend désespérément le retour de sa fille, qui a disparu des années auparavant. Il vit tourné vers un passé mythique, marqué par la figure lumineuse de sa belle-s?ur qu'il aimait en secret? À quelques centaines de kilomètres de là, près d'Austin, le jeune Seth Waller vit un calvaire. Sa mère a développé une forme précoce de la maladie d'Alzheimer?: elle perd progressivement la mémoire et doit être internée. Face à ce drame, son père s'est enfermé dans sa tour d'ivoire? Mais l'adolescent refuse l'issue fatale qui attend sa mère et décide d'enquêter sur les racines de cette étrange maladie génétique qui frappe sa famille.Ces deux histoires déroulées en parallèle forment la trame de « Histoire de l'oubli », un magnifique roman sur la douleur, la quête d'identité et la difficulté d'accéder à la connaissance scientifique. Premier roman de Stefan Merrill Block, un Américain de vingt-six ans au talent prometteur, cette ?uvre est l'écho de la quête personnelle de l'auteur qui a vu les ravages de la maladie d'Alzheimer sur sa propre grand-mère. Le romancier s'est beaucoup documenté sur la variante précoce de cette maladie mystérieuse découverte au début du XXe siècle par le neuropsychiatre Aloïs Alzheimer et qui a longtemps été confondue avec la démence sénile. Pourtant, les aspects scientifiques n'alourdissent jamais la trame romanesque. Bien au contraire?: cette quête d'informations sur une maladie rare montre le formidable défi auquel est confronté le monde de la recherche médicale pour trouver un traitement à ce processus dégénératif.une étrange légendeSeth est un adolescent surdoué et mal dans sa peau, qui met à profit les vacances scolaires pour rencontrer des malades et tenter de reconstituer l'histoire de sa famille à travers ce dérèglement génétique. Chaque rencontre est le récit d'une souffrance intense, pour les familles comme pour les malades « qui se perdent dans les conversations comme les enfants dans les bois ». Dans le maquis de ces vies brisées, le jeune garçon va découvrir l'existence d'une étrange légende transmise de génération en génération qui raconte l'histoire d'un mystérieux peuple sans mémoire. Comme pour conjurer l'oubli? De son côté Abel, le vieil ermite, s'est complètement déconnecté du monde contemporain. La banlieue de Dallas s'étend inexorablement, grignotant peu à peu ses terres en friche. Devant l'insistance des promoteurs immobiliers, le vieillard ne se résout pas à vendre sa maison vétuste. Ses flâneries éveillées le ramène à sa lointaine jeunesse avec son lot de souffrance et de bonheur?: la lente dégénérescence cérébrale de sa mère, puis celle de son frère, touché lui aussi par la maladie, son amour impossible pour Mae, sa belle-s?ur.Au final, cette ?uvre chorale procure un immense plaisir de lecture tant l'auteur sait se libérer d'un sujet aussi grave pour tisser un roman dense et profondément humain. « Histoire de l'oubli », de Stefan Merrill Block. Traduit de l'américain par Valérie Malfoy. Albin Michel, 368 pages, 20 euros.

latribune.fr

20 Jan 2009, 1:32

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