Communication de crise en Corée

Depuis dix ans la chance lui sourit. Koo Yeon-chan est patron d'une entreprise de lubrifiants pour automobiles à Séoul. En une décennie, il a connu deux violentes crises financières. Celle des années 1997-1998 qui n'a frappé que l'Asie et celle d'aujourd'hui, qui déstabilise la terre entière. « Il y a dix ans, un ami banquier a vu venir la crise et m'a conseillé d'acheter plusieurs mois d'avance des matières premières pour continuer à faire tourner mon entreprise durant l'année 1997 », explique Koo Yeon-chan. Aujourd'hui, « je vais fabriquer des produits à plus grande valeur ajoutée pour maintenir ma marge rognée par la baisse du won », affirme-t-il. Comme lui, les Coréens affichent une grande confiance dans leur capacité de rebond.réduction de la detteLa spéculation acharnée qui a bouleversé leurs marchés financiers à l'automne?? « Pure hystérie », rétorque Heun Chong Kim, chercheur au Korean Institute of Economic Policy. « Beaucoup d'investisseurs craignent que la Corée reproduise la crise de 1997 », s'agace Bark Tae-ho, professeur à la Seoul National University. À l'époque, le pays, à court de devises, avait dû faire appel au Fonds monétaire international. Aujourd'hui, la banque centrale dispose d'environ 235 milliards de dollars de réserves de change, vingt fois celles de 1997. Le ratio d'endettement des grands groupes, les fameux chaebols, a reflué de 425 % à 96 %. « La dette des institutions financières ne représente plus que 24,6 % du PIB et celle du pays 47 % », clame Byungdoo Sohn, au ministère des Finances. Quant à la désertion des capitaux, « elle s'est limitée aux investissements financiers », confiait récemment à « La Tribune » le vice-ministre du Commerce, Kwon Tae-kyun. Pourtant, la confiance n'est pas au rendez-vous. La turbulente Corée du Nord, et ses ambitions nucléaires, n'explique pas tout. Séoul l'a bien compris?: il faut dissiper des esprits le souvenir de cette économie émergente et fragile qu'a laissée la crise de 1997.Le président coréen, Lee Myung-bak, s'y emploie. Non sans difficultés. Avant d'arriver au pouvoir en février, cet homme d'affaires avait promis de hisser la croissance à 7 %. Les dernières prévisions font état d'une hausse du PIB de 4,3 %. Malgré le plan d'action contre la crise (100 milliards de dollars de garantie pour les dettes externes bancaires), la relance budgétaire (11 milliards de dollars) et la signature d'un accord d'échanges de devises avec le Trésor américain, les critiques fusent dans les médias. Le ministre de la Stratégie et des Finances, Kang Man-soo, fervent libéral, aurait trop tardé à réagir à l'effondrement du won qui renchérit le prix des importations. Pis, « les chiffres du commerce extérieur de novembre ont fait apparaître un effondrement des exportations », souligne Françoise Nicolas, économiste à l'Ifri, pour qui les prévisions de croissance pour 2009 (3,2 %) « risquent de devoir être revues à la baisse ». « De grands groupes tels que Hanwa dans l'énergie ou Doosan dans la construction manifestent des signes de fragilit頻, constate Philippe Li, président de la chambre de commerce française à Séoul. « Les projets immobiliers sont gelés ou très ralentis », ajoute-t-il. Pour Philippe Li, « il faut se préparer à des restructurations ». Facteur aggravant, « la chute de la Bourse a un effet de richesse négative qui pèse sur la demande intérieure », souligne Antoine Chéry, chef de la Mission financière française à Séoul. Mais lorsque la confiance reviendra sur les marchés, il en est persuadé?: « La Corée sera parmi les premiers pays à en bénéficier. »attirer les investisseursPour cela, le gouvernement compte en grande partie sur les investissements étrangers. L'offensive de charme a débuté en 2003 avec la création de six zones économiques spéciales (ZES) offrant des exonérations fiscales, des aides financières et simplifiant les formalités administratives. L'une de ces ZES, Incheon, près de l'aéroport international de Séoul, offre, pour l'heure, un spectacle troublant?: des gratte-ciel sont déjà érigés en bordure de mer, mais ils sont vides. Au Kotra, l'organisme coréen du commerce, le discours se veut rassurant?: « C'est un investissement à long terme. » Les 2 milliards de dollars investis représentent moins de 5 % de l'enveloppe prévue pour terminer ce chantier. « Ces ZES sont nos nouveaux moteurs de croissance, elles sont le berceau de notre économie de la connaissance », s'enflamme Park Chung-won, l'un des responsables des ZES.Pour convaincre les investisseurs, Séoul travaille son image?: « Le gouvernement a commencé à organiser des ?road-shows? dans les grandes places financières du monde », note Byungdoo Sohn. Une stratégie payante. « Pour la première fois depuis trois ans, les investissements directs étrangers chez nous sont en hausse », se félicite le vice-ministre des Finances, Noh Dae-lae. Pour accélérer le mouvement, « le gouvernement prévoit de réduire encore la fiscalité sur les bénéfices des entreprises, de 25 % actuellement, à 20 % en 2010 », indique son collègue, Kwon Tae-kyun, vice-ministre de l'Économie de la connaissance. Séoul mise aussi sur la ratification prochaine de l'accord de libre-échange avec les États-Unis, et espère la signature rapide d'un accord de même nature avec l'Union européenne. D'autres sont en gestation avec le Japon et bientôt avec la Chine. Le crépuscule n'est pas d'actualité au pays du Matin-Calme.
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