Pforzheim, sonnée, paralysée par la peur

À Pforzheim, le chômage n'est pas une nouveauté. Mais, cette fois, la ville lovée dans les derniers contreforts de la Forêt-Noire est vraiment sonnée. Certes, voici un an, avec un taux de chômage de 7,1 %, Pforzheim payait encore la restructuration imparfaite de son industrie traditionnelle, la joaillerie, et faisait figure de « lanterne rouge » dans le prospère Land de Bade-Wurtemberg. Mais ce qui n'était qu'un problème relatif à l'échelle de la région est devenu depuis quelques mois un véritable fléau. Le taux de chômage dépasse désormais les 10 %. En un an, les demandeurs d'emploi ont augmenté de 43 %, alors que les postes proposés ont reculé d'autant.La « cité dorée » avait, malgré ses problèmes particuliers, adopté le modèle de succès du Land : la région fourmille de PME industrielles : dans la joaillerie encore, mais aussi dans la mécanique de précision, les équipements automobiles destinés aux usines Daimler et Porsche des environs et surtout les machines-outils. Toutes vivent directement ou indirectement de l'export et jusqu'à l'automne en vivaient très bien. « En avril 2008, les perspectives étaient encore radieuses. Six mois plus tard, certaines sociétés fermaient totalement leur production », raconte Gerd Lache, éditorialiste au quotidien local « Pforzheimer Zeitung ». Il a donc fallu rapidement débaucher. Pourtant, pour l'instant, les mesures de temps partiel permettent de limiter les dégâts. Mais pas l'inquiétude. Jörg, salarié d'une PME qui exporte des machines-outils, est ainsi payé 80 % de son salaire pour rester chez lui. Il tue le temps et l'angoisse à la table d'un bar. Car il est certain que « cela ne va pas durer éternellement : à l'usine, il n'y a rien à faire ». « Le travail partiel est trop cher, les commandes ne repartent pas : le chômage va encore augmenter », confirme Thomas Walter, vice-président de la CCI de la Forêt-Noire du nord. C'est qu'à Pforzheim, les alternatives sont rares : coincée entre les deux grandes villes de Karlsruhe et Stutt-gart, la ville n'attire guère les consommateurs et les magasins, même les plus grands, ferment les uns après les autres. « La peur du chômage est désormais immense et ceux qui ont un emploi sont près à tout pour le conserver », explique Gerd Lache, pour qui l'éclatement des voix aux élections municipales du 7 juin est un signe de cette inquiétude.Dans certaines entreprises, les syndicats ont proposé des réductions temporaires de salaires ou de primes pour éviter les licenciements. Mais ce qui semble dominer à Pforzheim, c'est la résignation et l'attente. « Comme le problème vient de la demande mondiale, on se dit que l'on ne peut rien y faire, alors on espère une reprise pour l'an prochain », résume l'éditorialiste. Jörg, finissant sa bière, y croit. Mais il se demande si son emploi « tiendra jusqu'en 2010 ».Romaric Godin, à Pforzheim
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