Le taux du livret A redevient un sujet très politique

Las ! La période durant laquelle la fixation du taux de rémunération du livret A sera véritablement sortie du champ politique n'aura duré que trois ans et demi. C'est peu en comparaison de la longévité d'un produit d'épargne créé en 1818 par Louis XVIII ! Hier le Premier ministre, François Fillon, a ainsi annoncé lors de ses v?ux à la presse que le taux du livret A passera de 4 % à 2,5 % le 1er février. Or, selon la formule mathématique de calcul de ce taux, la rémunération du produit d'épargne préféré de plus de 46 millions de Français devrait être ramenée à 2 %. Un niveau qui permet « très largement de préserver le pouvoir d'achat », selon le gouverneur de la Banque de France. Compte tenu d'une inflation qui s'établit à 1 %, les épargnants conserveraient en effet, avec un tel taux, 1 point de gain de pouvoir d'achat, contre 0,5 point quand l'inflation était de 3,5 % pour un taux de rémunération de 4 % en août 2008.Cette entorse à la règle de calcul automatique est en réalité la seconde en douze mois. Depuis juillet 2004, une première formule avait en effet été mise en place à la demande du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin pour dépolitiser la fixation du taux du livret A. Mais, en janvier dernier, ce mode de calcul avait été modifié sur les préconisations du rapport de Michel Camdessus, pour éviter que le taux du livret A ne passe directement de 3 % à 4 %. Une telle hausse aurait été coûteuse pour les organismes de HLM, qui se financent à partir des 130 milliards d'euros du livret A. Après avoir cassé une première fois le thermomètre il y a un an, les pouvoirs publics en relativisent donc aujourd'hui la précision. Depuis la révélation le 29 octobre par « La Tribune » d'une baisse inéluctable du taux du livret A, le gouvernement n'a visiblement pas réussi à dédramatiser l'événement auprès d'une opinion publique déjà à fleur de peau sur la question du pouvoir d'achat, et peu encline à faire la part entre la chute faciale du taux du livret A et le gain dudit pouvoir d'achat lié à la baisse plus que proportionnelle de l'inflation.Il peine aujourd'hui à convaincre qu'il ne s'agit aucunement d'une décision politique mais d'une « appréciation des circonstances économiques ». L'entourage de la ministre de l'Économie, Christine Lagarde, fait en particulier valoir des circonstances exceptionnelles. « Les taux ont baissé de 1,25 point en quatre mois et l'inflation a chuté de 3,6 % à 1 %, c'est du jamais-vu », explique-t-on à Bercy. François Fillon assurait hier de son côté n'accorder « aucun coup de pouce » au livret A mais suivre « scrupuleusement les recommandations du gouverneur de la Banque de France ». Ce dernier soulignait en effet hier que la variation abru pte de 4 % à 2 % du taux du livret A « traduit une volatilité extrêmement forte de l'inflation et des marchés monétaires. Des variations aussi abruptes des taux de rémunération de l'épargne sont susceptibles de créer des perturbations dans les circuits de collecte de l'épargne et de créer des inquiétudes chez les épargnants », concluait-il. Afin d'éviter de trop grandes variations, Christian Noyer préconise que « lors de chaque réajustement, la variation du taux soit limitée, par exemple de 1,5 point », ce qui correspond à la baisse de 4 % à 2,5 % le 1er février.pas de « coup de pouce »Il reste que ces recommandations opportunes pour l'Élysée sont intervenues après seulement que François Fillon a laissé entendre mercredi que le taux du livret A serait ramené à 2 % et qu'il n'y aurait pas de « coup de pouce » gouvernemental. Quelques heures plus tard, l'Élysée contredisait le Premier ministre. « En réalité, le sujet a donné lieu à une véritable pagaille », confie une source proche du dossier.Pis, non seulement il n'est pas sûr que le nouveau taux satisfasse les épargnants mais les recommandations du gouverneur de la Banque de France risquent aussi de renforcer la dimension politique du livret A?! Christian Noyer suggère en effet que le réexamen de son niveau de rémunération « soit effectué à intervalles plus rapprochés, par exemple tous les trois mois », au lieu de deux fois par an, si la volatilité de l'inflation et des taux monétaires se poursuit. « Avec un tel rythme, on va multiplier par deux les occasions de polémiquer sur le livret A », s'inquiète un observateur averti. n
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.