Le Japon s'enfonce dans la crise

L'année 2008 sera une nouvelle année noire pour le Japon. Alors que Tokyo prépare un troisième plan de relance de 170 à 250 milliards d'euros, le PIB au quatrième trimestre, attendu ce lundi, devrait connaître une contraction de 10 % à 14 % en rythme annualisé. Une chute terrible, qui a son origine hors du pays. La crise mondiale a porté un brutal coup d'arrêt au seul moteur de l'économie japonaise : les exportations, plombées en outre par la hausse du yen, notamment face au dollar. Du coup, les Toyota, Pioneer et consorts essuient une chute vertigineuse des commandes, qui les oblige à des arrêts de production sans précédent. En novembre et décembre, la production industrielle a chuté de 9 % deux fois de suite, la ramenant au niveau de 1987. Et ce n'est pas fini : selon les prévisions du ministère de l'Industrie (Meti), elle reviendrait au niveau de 1983 d'ici à la fin février ! « Cette chute se transmet aux secteurs non manufacturiers du transport, du négoce, de la publicité? Une baisse des ventes de 1.000 milliards de yens de produits manufacturés, c'est une chute de 390 milliards du chiffre d'affaires du secteur non manufacturier », estime Hiromichi Shirakawa, chez Credit Suisse. Le Japon avait évité la crise financière : il subit celle de l'économie réelle de plein fouet. La saison des résultats, inaugurée il y a quelques jours, a la monotonie des carnets de condoléances. Nissan, Toyota, Hitachi, Panasonic annoncent tous des pertes colossales pour l'exercice qui s'achèvera fin mars. Ces chiffres, qui masquent des provisions pour financer le coût de la crise, installent un climat dont les entreprises profitent pour déclencher des restructurations reportées depuis longtemps. « Personne ne me fera croire que la crise force Panasonic à fermer 27 usines du jour au lendemain », estime ainsi un analyste. manque de visibilitéEn revanche, les entreprises ne taillent pas dans leurs budgets recherche et développement. Quant aux autres composantes du PIB, l'investissement est lui-même largement dépendant des exportations, et la consommation est au point mort. Les ménages sont terrorisés par leur manque de visibilité sur l'avenir et restent chez eux. Les grands magasins accusent une baisse de leur chiffre d'affaires. La pudeur a changé de camp : ce sont ceux qui enregistrent de bonnes ventes qui ne communiquent pas? Car la crise a, c'est nouveau au Japon, quelque chose d'obscène. La « décennie perdue », cette ère d'immobilisme qui avait suivi l'éclatement de la bulle en 1990, s'expliquait en partie par le maintien à tout prix de l'emploi. Aujourd'hui, même les grandes entreprises annoncent, chose inédite, des licenciements secs. L'autorisation de l'intérim pour les emplois de faible qualification en 2003 a précarisé des centaines de milliers d'ouvriers, premières victimes de la crise. Quant à la classe politique, elle est aux abonnés absents. Le Premier ministre, Taro Aso, est décrédibilisé jusque dans sa majorité. Il avance à reculons vers septembre, date avant laquelle doivent avoir lieu des élections législatives qui s'annoncent cuisantes pour le PLD (Parti libéral démocrate), au pouvoir.
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