À Istanbul, le scandale des barrages

Les maires d'Istanbul et d'Ankara peuvent se réjouir. Grâce aux fortes pluies des semaines passées, les lacs de barrage alimentant les deux principales villes du pays sont pleins. L'été à venir devrait se dérouler sans incident, contrairement aux précédents dont le souvenir donne encore des sueurs aux 4 millions d'Ankariotes. En août 2007, les coupures d'eau ont duré plus de dix jours dans certains quartiers de la capitale. De quoi briser l'image d'une ville moderne que tente de développer la municipalité AKP (parti islamiste au pouvoir).Le maire, Melih Gökcek, a usé de tous les arguments possibles pour faire face, tant bien que mal, à cette crise. Tout en rejetant la faute sur le réchauffement climatique, il a appelé les habitants d'Ankara à partir en vacances tandis que les imams priaient pour faire tomber la pluie. Et une fois l'eau rétablie, certaines canalisations vétustes ont explosé, forçant les habitants à plusieurs autres journées sans eau. Istanbul, la mégapole de 15 millions d'habitants, a été moins affectée. Elle vit elle aussi au rythme des coupures, qui font mauvais genre pour une ville désignée capitale européenne de la culture en 2010. Or, à deux semaines des élections municipales du 29 mars, les maires AKP de ces deux villes tentent de gagner des points sur ces dossiers et rappellent l'accélération, ces derniers mois, des travaux qui ont permis à Ankara d'être reliée au fleuve Kizilirmak et à Istanbul d'être alimentée par la rivière Melen.baisse de la qualitéInsuffisant, assène toutefois la chambre des urbanistes de Turquie, qui accuse l'AKP d'« années de négliwwgences », d'une « approche non planifiée » et d'une « stratégie au jour le jour » faisant la part belle à une « privatisation des ressources hydrauliques ». Cet organisme professionnel critique aussi une urbanisation chaotique sur des zones proches des bassins hydrauliques, portant préjudice à la qualité de l'eau. D'autres scandales ont récemment éclaté, comme la présence d'arsenic à Izmir et des accusations pour surcharge du prix de l'eau à Ankara.La Turquie rurale, frappée depuis deux ans par d'importantes sécheresses et par les conséquences de mauvaises méthodes d'irrigation, est aussi aux portes d'une grave crise. Le plus grand lac d'eau douce, Beysehir, a vu son niveau passer de 24 à 9 mètres en vingt-cinq ans tandis que la superficie du lac Salé (Tuz Gölü) a diminué de moitié. À Konya, dans le centre de l'Anatolie, 66.000 puits illégaux ont par ailleurs été identifiés l'an dernier. À la veille de l'ouverture du Forum mondial de l'eau, certaines organisations critiquent aussi le « fétichisme » des autorités turques pour des « barrages qui excluent les populations locales et menacent des sites historiques ». Le dossier le plus sensible est celui du barrage d'Ilisu, sur le Tigre, qui pourrait engloutir la ville d'Hasankeyf, qui abrite un riche patrimoine antique. Delphine Nerbollier, à istanbul
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