Casse-tête italien sur Intesa

Yann-Antony Noghes à Bruxelles, Frank Paul Weber à Milan et G. L. S. Depuis bientôt trois mois, Crédit Agricolegricole et l'Autorité italienne de la Concurrence (Antitrust) se livrent à une guerre larvée. Pour la banque française, l'enjeu est de ne pas passer une dépréciation de 1,5 milliard d'euros dans ses résultats et pour la première banque italienne, Intesa Sanpaolo, il s'agit d'éviter une amende d'au moins 500 millions d'euros.En août 2006, Crédit Agricolegricole, principal actionnaire de Banca Intesa depuis plus de quinze ans, accepte qu'Intesa fusionne avec Sanpaolo à condition de récupérer les banques Cariparma, FriulAdria et des agences de Banca Intesa. Auditionnée le 16 novembre par l'Antitrust, la banque française est d'accord sur le fait que « seule une réduction progressive de sa participation au capital de la nouvelle banque, la non-participation aux nominations des membres des organes de gestion et d'administration et aux pactes d'actionnaires peuvent assurer à l'Autorité les caractéristiques d'indépendance et de rôle de tiers ». Mais elle ne prend aucun engagement sur le seuil à atteindre, ni sur les délais pour y parvenir. Néanmoins, dès le 11 octobre 2006 et pendant plusieurs mois, elle explique qu'elle « ramènera sa participation au-dessous de 5 % et sortira du pacte d'actionnaires de Banca Intesa ». Le 20 décembre 2006, l'Antitrust autorise la fusion entre Intesa et Sanpaolo à condition qu'Intesa « s'engage à ce que Crédit Agricolegricole réduise sa participation » en dessous de 5 % fin 2007, puis 2 % fin 2009. De plus, Intesa « s'engage » à ce que la banque française ne soit plus représentée dans ses instances dirigeantes, ni « participe à d'éventuels pactes d'actionnaires ». Le même jour, la Banque verte écrit confidentiellement à l'Antitrust « ne pas être en mesure d'honorer les engagements pris par Intesa auprès de l'Autorité de la concurrence », dans la mesure où aucune contrepartie (la cession d'une nouvelle série d'agences) n'a été mise en ?uvre par Intesa. La Banque verte n'a alors reçu aucune réponse de l'Antitrust.Dans sa notification du 23 janvier 2007 à la direction générale de la Concurrence de la Commission européenne de son rachat de Cariparma, Crédit Agricolegricole souligne son « autonomie [vis-à-vis d'Intesa, Ndlr] par [sa] volonté de détenir une participation purement financière dans l'entité issue de la fusion entre Intesa et Sanpaolo en ramenant sa participation en dessous de 5 % et en s'abstenant de participer à un nouveau pacte d'actionnaires ». Le 27 février suivant, Bruxelles autorise la prise de contrôle de Cariparma par la banque française et « ne voit pas de raison d'intervenir » aujourd'hui dans ce dossier. Pourtant, la donne du dossier a changé avec la signature, le 24 avril 2009, d'un pacte d'actionnaires entre Crédit Agricolegricole et l'assureur Generali, visant leurs participations dans Intesa. Ce pacte, prévoyant la nomination de leurs représentants dans les instances dirigeantes d'Intesa Sanpaolo, permet à Crédit Agricolegricole de changer la comptabilisation de ses 5,8 % dans Intesa et lui évite d'enregistrer une dépréciation dans ses résultats. L'Antitrust italien ouvre le 14 mai dernier une procédure d'infraction contre Intesa pour non-respect des engagements de décembre 2006. Aujourd'hui, pour Jean-Frédéric de Leusse, directeur général délégué de Crédit Agricolegricole SA, la Banque verte n'a pas à se sentir visée par les arguments de l'Antitrust : « Nous n'avons pas pris d'engagement fin 2006 vis-à-vis de l'Antitrust sur le fait de vendre notre participation dans Intesa. Intesa a pris ces engagements sans nous demander notre avis. » Si la Banque verte vendait aujourd'hui une partie de ses titres pour ramener sa participation à 2 %, elle enregistrerait une moins-value proche de 1 milliard d'euros. En attendant une décision de l'Antitrust, Jean-Frédéric de Leusse indique que « dès lors que nous arrivons à sauvegarder nos intérêts, nous sommes ouverts pour regarder toute solution intelligente ».
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