Google mécontente les éditeurs français

La bataille sur les livres numériques s'annonce rude entre les éditeurs français et le géant de l'Internet. Alors qu'un projet d'accord a vu le jour aux États-Unis, les éditeurs français s'insurgent contre l'iniquité d'un compromis qu'ils n'ont pas négocié, mais qui les concerne directement.L'histoire commence en 2004 aux États-Unis, lorsque le géant de l'Internet décide de numériser les fonds de grandes bibliothèques, américaines puis européennes. Il se constitue ainsi, sans l'accord des ayants droit (auteurs et éditeurs), un portefeuille numérique de 7 millions d'?uvres, où les livres tombés dans le domaine public côtoient ceux protégés par le droit d'auteur (dont l'auteur est décédé depuis moins de 70 ans).Une entreprise inédite par son ampleur ? Gallica, la bibliothèque numérique de la BNF, propose environ 200.000 documents « texte » ? mais loin d'être désintéressé : Google espère à terme en tirer profit via la vente en ligne des livres « épuisés » sous droits (qui ne sont plus commercialisés en librairie). Une catégorie qui représente à ce jour la bagatelle de 5 millions de livres numérisés, une manne financière inexploitée et un nouveau relais de fréquentation pour le moteur de recherche.Après avoir lancé en 2005 un recours collectif pour contrefaçon à l'encontre de Google, les ayants droit américains ont conclu finalement un accord commercial en octobre 2008, compromis dicté principalement par le coût colossal de la procédure pour les plaignants (45 millions de dollars !). 60 dollars par ouvrageGoogle s'en tire avec le versement de 125 millions de dollars ; les ayants droit de leur côté obtiennent la possibilité de rester ou non dans les modalités prévues par l'accord. S'ils restent, ils toucheront un dédommagement de 60 dollars par livre numérisé, une part des recettes issues de la vente de ses titres (63 %), et la possibilité de retirer de la base les livres de leur choix. En contrepartie, ils renoncent à toute poursuite contre le géant aux États-Unis. En cas de refus, les ayants droit pourront relancer des poursuites contre Google, mais tirent un trait sur l'indemnisation. Et surtout ils ne récupèrent pas les fichiers numériques de leurs ?uvres.Un compromis qualifié de « pis-aller » par le Syndicat national de l'édition (SNE). D'autant que, « pour un éditeur, faire un procès à Google reste du domaine du théorique », souligne Arnaud Noury, PDG d'Hachette Livre. Pour les éditeurs français, l'enjeu est de taille, car nombre de leurs titres, déposés dans les fonds des bibliothèques numérisées par Google, tombent sous le coup du projet d'accord. Plusieurs points provoquent l'insatisfaction. La définition d'?uvre « épuisée » s'appuie sur les données du marché américain, et du coup « la quasi-totalité des ?uvres européennes sont considérées comme épuisées », s'exclame le SNE. Par ailleurs, la rentabilité de l'opération pour les éditeurs reste très incertaine. Ces derniers devront financer la gestion de leurs fichiers dans la base de Google, un investissement qui dépasserait les revenus estimés. « Google renverse la charge économique de la gestion de son projet », s'exaspère-t-on du côté des éditeurs français. Dans l'ensemble, les éditeurs français pencheraient toutefois pour souscrire à l'accord, afin de retirer leurs ?uvres de la base de Google, explique le SNE, même si rien ne sera officiel avant septembre, date butoir à laquelle les ayants droit devront se décider. Les éditeurs comptent également sur les avancées obtenues dans l'Hexagone pour influer outre-Atlantique. En procès contre le moteur de recherche en France, Hervé de La Martinière, PDG de la maison d'édition éponyme, prévient : même s'il « espère trouver un accord », il « ne cédera pas d'un pouce ».Le projet d'accord a soulevé l'inquiétude du département antitrust du ministère de la Justice américain, qui a ouvert une enquête. Il doit déterminer si Google obtiendrait un monopole de fait sur le marché online des livres sous droits.Mais l'accord concerne uniquement les livres numérisés par Google avant le 5 janvier 2009. Or le travail titanesque de numérisation se poursuit imperturbablement.
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