« D'ici vingt ans, il ne restera plus de pétrole qu'en Arabie Saoudite »

Dans son ouvrage « Un baril de pétrole contre 100 mensonges », qui vient de sortir aux éditions Respublica, Thomas Porcher, consultant et enseignant à l'université Paris I-Panthéon-Sorbonne, propose une vision iconoclaste du marché du pétrole et de ses soubresauts. Organisée par une poignée d'acteurs aux dépens de l'équité, la pénurie de l'or noir devrait, selon son scénario, consacrer la toute-puissance de l'Arabie Saoudite dans un futur pas si lointain.Les réserves de pétrole de la planète seront-elles bientôt taries ?Du pétrole, il y en a encore des milliards de barils sous terre ; mais on organise sa rareté, en épuisant certains gisements alors que d'autres se tarissent effectivement. Le cartel de l'Opep a certes été affaibli après le contre-choc pétrolier, mais la situation a bien changé. Les pays producteurs de pétrole ont aujourd'hui une stratégie bien rodée qui consiste à épuiser les gisements du reste du monde, afin de se retrouver un jour en situation de quasi-monopole sur le pétrole. Comme leur niveau de réserve reste opaque, que la consommation de pétrole augmente rapidement avec la population, je crois que nous avons non pas quarante ans de pétrole devant nous, mais une vingtaine d'années. À cette échéance, il n'en restera plus qu'en Arabie Saoudite !Comment l'Opep organise-t-elle le marché ?Nous sommes dans une situation de duopole coopératif entre l'Opep et les autres pays producteurs. L'Opep s'arrange pour que le prix du pétrole reste suffisamment haut pour que des pays comme le Kazakhstan et l'Azerbaïdjan continuent de produire, et épuisent leurs gisements jusqu'à la dernière goutte. Mais pour épuiser toutes les ressources hors Arabie Saoudite, il ne faut pas que les prix baissent trop, parce que certains gisements ne seraient plus rentables. La production des gisements offshore demande notamment des cours du baril supérieur à 50 dollars parfois, les sables bitumineux du Canada plutôt 70 dollars. Pour les pays producteurs de pétrole, soutenir un prix minimum du baril relève donc aussi d'une stratégie de long terme.Comment les compagnies pétrolières occidentales s'insèrent-elles dans ce schéma ?La distribution de la rente pétrolière est biaisée. L'exploitation des ressources en pétrole par des compagnies occidentales, qui ont une grande expérience, se fait parfois en dépit de l'équité face aux faibles ressources humaines des pays propriétaires des gisements. Les compagnies internationales s'entendent entre elles lors des appel d'offres. Et souvent, les contrats ne permettent pas aux pays de profiter des variations de cours du pétrole, parce que les prix sont négociés sur le moyen terme. Le manque de formation et de connaissance des marchés financiers pénalise notamment fortement les pays d'Afrique. Riyad devrait devenir le centre du monde d'ici à 2050. À cette date, il ne restera de pétrole qu'en Arabie Saoudite : ils seront les seuls à pouvoir affréter des avions par exemple. Mais au final, la montée des tensions dans les pays en développement freinés par le manque de pétrole risque de se traduire par un conflit majeur. Propos recueillis par A.R.Thomas Porcher, auteur de « Un baril contre 100 mensonges »DR
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