L'opposition au président Lula s'organise autour de l'écologie

BrésilDepuis quelques jours, Marina Silva, une femme d'apparence frêle à la voix douce, faisait trembler le petit monde politique brésilien. C'est que la sénatrice Marina Silva menaçait d'abandonner le Parti des travailleurs (au pouvoir depuis 2002) pour rejoindre le Parti vert. Hier, c'était fait : elle annonçait sa sortie du PT et, dans la foulée, son intention de défendre les couleurs du parti écologiste (22 députés fédéraux, 56 maires?) pour l'élection présidentielle d'octobre 2010. Pourtant, à première vue, elle avait tout pour s'entendre avec Lula.Le parcours de Marina Silva, 51 ans, rappelle en effet celui du président. Elle est née de parents pauvres, cultivateurs d'arbres à caoutchouc, dans une région défavorisée, loin du Sud industrialisé. Non pas dans le Nordeste comme Lula, mais dans l'Amazonie. De même que le syndicaliste Lula a pris la défense de la classe ouvrière, Marina Silva incarne la lutte des peuples de la forêt, dont les moyens de subsistance sont menacés par toutes sortes d'intérêts économiques. Entre Marina Silva et Lula, il y avait une amitié qui semblait éternelle? À part que, in fine, entre la croissance pure et dure et l'environnement, Lula a choisi la croissance? Nommée ministre de l'Environnement en 2003, Marina Silva doit avaler des couleuvres, en grande partie à cause de la protégée de Lula, Dilma Rousseff, devenue numéro deux du gouvernement. « Chargée de piloter le Plan d'accélération de la croissance, Dilma Rousseff défend les intérêts de puissants secteurs économiques et industriels », fait valoir l'ethnologue Mauricio Torres. « Elle tente d'affaiblir les dispositifs d'études d'impact sur l'environnement qui retardent le début de grands chantiers dans la région amazonienne : des usines sidérurgiques, des exploitations minières, des barrages, des routes? » La dimension éthiqueFace à ce bulldozer, Marina Silva démissionne en mai 2008. « L'éthique constitue l'un de nos chevaux de bataille », revendique Marcos Antonio Mroz, secrétaire aux relations internationales du Parti vert. Et, aujourd'hui, Dilma Rousseff est la dauphine de Lula (qui ne peut briguer un troisième mandat). Marina Silva n'avait donc plus d'autre choix que celui d'opter pour la troisième voie, entre l'actuelle coalition gouvernementale et une coalition de centre droit (Parti social-démocrate et démocrates). D'autant que, si Lula a bien réussi à faire sortir de la pauvreté des millions de Brésiliens, il a déçu une partie de ceux qui avaient voté pour la gauche, en laissant prospérer la corruption au sein des institutions politiques. « Lula doit le maintien de son large réseau d'alliances à sa bienveillance vis-à-vis des oligarchies dans le Nordeste », déplore Marcos Antonio Mroz. Nombre de ceux qui se sentent aujourd'hui frustrés face à Lula et au PT vont probablement miser sur Marina Silva, « en particulier la classe urbaine moyenne », relève un observateur. Une frange de l'électorat par ailleurs plus sensible aux questions d'environnement, autre lacune du bilan présidentiel.L'un des reproches adressés à Lula par les écologistes est en effet d'avoir négligé la forêt amazonienne. Ou pis, d'avoir pactisé avec les grands propriétaires terriens qui vont jusqu'à tuer des autochtones ? Indiens, petits paysans ? pour s'emparer des terres? « Je me sens mourir », déclarait de son côté Marina Silva lors de la récente promulgation de la « mesure provisoire n° 458 », par laquelle le gouvernement tente de légaliser des millions d'hectares en Amazonie aux titres de propriété contestés. La plupart des occupants sont des « fazendeiros » qui ont déboisé pour s'adonner notamment à l'élevage. « La rentabilité d'une telle activité, dans cette région, est quasi nulle et sert de prétexte à d'autres commerces, telle la vente de bois tropicaux aux Européens », explique Mauricio Torres. Selon l'ONU, la région amazonienne a perdu 17 % de sa couverture végétale entre 2000 et 2005.
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