sauveur du monde

Il devait prendre le café ce matin avec Bill Clinton, de passage à Paris, pour parler d'humanitaire. Au dernier moment, le rendez-vous a été décalé. Il revient de Chine où il a été reçu par le président, Hu Jintao. Quelques jours plus tard, il était à Doha pour inaugurer le Forum sur la démocratie et le développement à l'invitation de l'émir du Qatar. Juste le temps de recevoir à Paris Ban Ki-moon, le secrétaire général de l'ONU, et de prendre connaissance du message de Barack Obama dans lequel le président américain manifeste le souhait de travailler avec lui à la défense des droits de l'homme. Et le voilà qui prépare une tournée en Afrique pour l'automne où il devrait rencontrer plusieurs chefs d'État. Tous ces puissants savent-ils que Jacques Chirac n'est plus président de la République ? L'intéressé insiste : ce n'est pas l'ancien chef de l'État, fût-il devenu le plus populaire des politiques français, qui est reçu avec ces égards mais le président de la Fondation Chirac dont la devise est tout un programme : « Agir au service de la paix ». Car, à 76 ans, Jacques Chirac a décidé de sauver le monde. Il y a pire comme activité pour meubler une retraite. Il veut favoriser l'accès aux médicaments, mettre l'eau potable à la disposition de tous, lutter contre la désertification et la déforestation, réhabiliter les langues menacées? Tels sont en tout cas les objectifs de sa fondation qui fêtera le 9 juin sa première année d'existence. Le comité d'honneur ne réunit que du beau monde : Kofi Annan, ancien secrétaire général de l'ONU, Federico Mayor, ancien directeur général de l'Unesco, Fernando Cardoso, qui a dirigé le Brésil, Muhammad Yunus, Prix Nobel de la paix. Le conseil d'administration fait également sérieux : Michel Camdessus, ancien patron du FMI, René Ricol, médiateur du crédit, Bernard Vatier, ancien bâtonnier de Paris, l'écolo photographe Yann Arthus-Bertrand. L'ancien président a aussi attiré dans l'aventure plusieurs de ses anciens collaborateurs. On retrouve à ses côtés Marie-Hélène Bérard, qui fut sa conseillère sociale, Catherine Colonna, ancienne ministre des Affaires européennes, Valérie Terranova, qui le suit depuis la mairie de Paris, Frank Debié, un normalien qui a dirigé le département des études de l'UMP. Chirac n'a pas eu de mal à convaincre des mécènes. Outre l'ami François Pinault qui a répondu immédiatement, on trouve au capital le groupe de services financiers Fimalac de Marc Ladreit de Lacharrière, la Fondation Bettencourt Schueller, GDF-Suez, Sanofi-Aventis, Veolia, dirigée par son ami Henri Proglio, Orange, Lazard. Grâce à eux, la fondation peut investir 2 millions d'euros par an. Même si, en cette année de crise, les donateurs se font tirer l'oreille. Le fonctionnement de la Fondation peut laisser un peu perplexes les adeptes de la simplicité. Des « partenaires-projets », comme la Fondation Pierre Fabre, la Banque africaine de développement ou le Tropical Forest Trust, cohabitent avec des « partenaires institutionnels », l'Organisation internationale de la francophonie ou la Fondation Culture pour la paix. Rue d'Anjou, à quelques encablures de l'Élysée, dans l'appartement qui abrite la Fondation, une demi-douzaine de permanents est à l'?uvre. Les objectifs sont ambitieux, mais les réalisations pour l'instant modestes : un partenariat avec la Banque africaine de développement pour l'accès à l'eau au Mali, un autre avec la Fondation Pierre Fabre pour l'extension du Laboratoire de la qualité des médicaments au Bénin, un autre encore pour la création d'un centre de formation au Congo pour la gestion durable des forêts en collaboration avec la Fondation Albert de Monaco et Virgin. En novembre, Chirac remettra aussi au nom de sa fondation le « prix de la prévention des conflits » à une personnalité qui aura ?uvré pour la paix. Dire que sa fondation occupe Chirac à temps plein serait très exagéré. En un an, il n'a fait que de furtives apparitions rue d'Anjou. Lorsqu'il n'est pas en voyage ou ne se repose pas, comme à Pâques, à Taroudant, au Maroc, ou à la Chapelle Saint-Anne, la propriété tropézienne de son ami François Pinault, son antre se trouve dans les bureaux mis à sa disposition, rue de Lille, à deux numéros de l'ancien siège de « son » RPR. Il s'est entouré de souvenirs rapatriés de l'Élysée : la dent de narval qui intriguait ses visiteurs dans son bureau présidentiel, un tam-tam africain, des bronzes chinois? Il y arrive tous les matins vers 9?h?30 pour la journée après avoir quitté le quai Voltaire tout proche où il réside dans un appartement prêté par Narek Hariri, la veuve de l'ancien Premier ministre libanais assassiné. Il y retrouve le préfet Bertrand Landrieu, son directeur de cabinet à l'Élysée, Hugues Renson, également ancien de la présidence, qui suit pour lui les affaires intérieures. Un diplomate est venu récemment les rejoindre pour préparer les déplacements. Tous les matins, les trois secrétaires dépouillent l'abondant courrier. Une partie de cette correspondance est encore adressée à l'Élysée qui fait suivre rue de Lille. Beaucoup de témoignages de sympathie mais aussi des demandes d'intervention pour obtenir un appartement ou un petit boulot? Ses admirateurs n'hésitent pas non plus à utiliser le site Jacqueschirac.fr qui va faire l'objet d'un lifting pour répondre à la demande croissante.Depuis quelques semaines, une partie des journées parisiennes de Jacques Chirac est consacrée à la rédaction du premier des deux tomes de ses mémoires, un exercice obligé mais qui visiblement l'enchante modérément. Une jeune historienne a été recrutée pour réunir la documentation, et son éditrice Nicole Lattès a programmé sa parution pour l'automne. Mais l'essentiel de son emploi du temps reste consacré à suivre la politique française, sa seule vraie passion depuis sa première élection en 1967. Hugues Renson, son conseiller politique, lui prépare des notes sur les dossiers « chauds ». Il téléphone beaucoup, régulièrement à la chancelière allemande, Angela Merkel, à son prédécesseur, Gerhard Schröder, ou à Abdou Diouf, l'ancien chef d'État sénégalais. Il reçoit aussi des proches, comme les anciens ministres ou députés Henri Cuq, Christian Jacob, François Baroin, Alain Lambert, Hervé Mariton. Jean-François Copé est venu la semaine dernière lui apporter son nouveau livre. Gérard Larcher, le président du Sénat, lui a aussi fait une visite. À sa demande, des personnalités comme Louis Schweitzer, le président de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations, ou des politiques retirés des affaires viennent refaire le monde avec lui. C'est le cas de l'ancien patron du PC Robert Hue, ou de Jean-Pierre Chevènement. François Bayrou est venu lui rendre visite voici peu. Ségolène Royal n'a pas fait le déplacement mais lui a écrit récemment. Il n'empêche. Pour l'heure, Chirac n'est toujours pas décidé à enfreindre la règle qu'il s'est fixée : ne pas parler de son successeur. En public du moins. nL'ancien président reçoit beaucoup de témoignages de sympathie mais aussi des demandes d'intervention pour obtenir un appartement ou un petit boulot?
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