Sheila Krumholz : " Le prochain président réduira difficilement l'influence des lobbies "

Pourquoi l'influence des lobbies d'affaires est-elle une question si importante dans cette élection ?Tout simplement parce que les deux candidats restant s'en sont saisis dès le début de leur campagne, pendant les primaires de leur parti respectif. C'est en fait un sujet qui gagne de l'importance politique depuis les élections de mi-mandat de 2006, avec les enquêtes ayant mené à l'incarcération d'un lobbyiste. De nombreux membres du Congrès ont perdu leur siège lors de cette élection où les démocrates ont regagné la majorité dans les deux chambres. Les deux candidats à la présidentielle ont mesuré la frustration et le ras-le-bol des Américains sur ce thème et il est admirable que John McCain et Barack Obama promettent de réduire l'influence qu'ont les lobbies sur la façon de gouverner et de légiférer. Mais ils sont eux-mêmes entourés de lobbyistes, dans leur équipe de campagne, et je crains qu'il leur soit difficile, malgré les bonnes intentions qu'ils affichent, de réellement changer la culture de la capitale fédérale. Cela étant dit, il ne faut pas diaboliser le lobbying car c'est un droit constitutionnel proactif. Le vrai problème, c'est que les gens et les intérêts disposant des plus grands moyens financiers ont davantage accès aux politiciens que les autres. Quel exemple récent illustre-t-il l'influence des lobbies sur l'administration et le Congrès ?Le plan de sauvetage de l'industrie financière n'aurait jamais eu lieu sans les contributions énormes qu'elle apporte au Congrès, mais aussi aux candidats à la présidentielle. Notre organisation a regroupé les secteurs d'activité des contributeurs en plusieurs grandes catégories. Parmi celles-ci, la plus généreuse est désignée sous l'acronyme Fire (finance, insurance, real estate, soit "finance, assurance et immobilier"). Le secteur de la finance est très pragmatique puisqu'au Congrès il distribue autant aux républicains qu'aux démocrates. Il se positionne aussi clairement dans la perspective du scrutin présidentiel. C'est dans la finance que John McCain compte le plus grand nombre de bundlers [les " collecteurs de liasses " qui se chargent de lever de l'argent au bénéfice d'un candidat dans l'entreprise qui les emploie, Ndlr]. Au total, ces 69 bundlers ont levé 1,4 million de dollars pour McCain. Le secteur d'activité dont les salariés ont ensuite le plus contribué au financement de sa campagne est celui de l'immobilier. Obama refuse de dévoiler l'identité de ses bundlers mais, comme pour McCain, ses fonds proviennent au premier chef de la finance. À eux seuls, les employés de la banque Goldman Sachs ont apporté 740.000 dollars à son trésor de guerre, dont ils sont les premiers contributeurs. Chez McCain, ce sont les employés de Merrill Lynch qui se sont montrés les plus généreux, avec 350.000 dollars versés.Quelles industries et secteurs d'activité profiteront ou seront-ils pénalisés par l'élection de McCain ou Obama ?Dans les deux cas, trois secteurs se préparent à faire l'objet d'une supervision renforcée. Il s'agit de la finance, qui malgré son apport financier aux campagnes est visée du fait de la crise des crédits subprime, de l'assurance dommages, en raison de l'attitude des compagnies après le passage des ouragans qui ont dévasté la Louisiane, et de l'assurance santé, compte tenu des problèmes rencontrés par les Américains pour obtenir une couverture ou des remboursements. Une administration McCain-Palin serait plus favorable au secteur de la défense et aux producteurs de pétrole et de gaz. Sarah Palin répète régulièrement que dans son État elle a augmenté les impôts des producteurs d'énergies fossiles mais elle est favorable au forage de pétrole en mer et dans la réserve naturelle de l'Alaska [ANWR]. Une administration Obama-Biden serait favorable à la haute technologie et aux avocats pénalistes, Joe Biden ayant dirigé la commission des Affaires judiciaires du Sénat pendant plusieurs années. Le secteur de l'éducation et Hollywood figurent parmi les soutiens traditionnels du parti démocrate. Ils entretiendraient de bonnes relations avec une administration Obama-Biden.Comment le prochain président pourra-t-il réduire le poids de ces lobbies ?L'exemple ne peut venir que d'en haut, la Maison-Blanche et l'administration devant faire preuve de discipline. Mais grâce à l'émergence de nouvelles technologies comme Internet, les Américains disposent de meilleurs moyens pour surveiller et débattre des pratiques des entreprises et de leurs réseaux d'influence. Par exemple, en 1990, notre organisation a commencé à vendre son rapport annuel imprimé de 1.500 pages sur les contributions financières perçues par les politiciens et les élus. Avec Internet, les gens ont eu gratuitement accès à des millions de pages sur notre site dont les données sont régulièrement mises à jour. Désormais, avec l'interactivité, une nouvelle ère politique s'ouvre pour les citoyens américains.Une loi pour encadrer les dons aux partisPour éviter que sociétés et lobbies n'occupent un rôle prépondérant dans le processus électoral, le Congrès a voté en 2002 la loi McCain-Feingold, interdisant tout versement de la part d'entreprises, de syndicats et d'associations privées aux candidats, lesquels peuvent se tourner vers les particuliers. Les entreprises restent néanmoins actives, faisant appel à des " bundlers ", (collecteurs de liasses). Selon la commission électorale fédérale, Freddie Mac et AIG, deux sociétés secourues par le gouvernement américain, avaient versé chacune 250.000 dollars pour financer la dernière convention républicaine à Saint Paul (Minnesota).
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