Blanchiment : la consultation juridique de l'avocat épargnée

Très inquiets, les avocats ne veulent pas devenir les délateurs de leurs clients dans la lutte contre le blanchiment de l'argent sale. Ils y voient une atteinte à leur secret professionnel. À force de lobbying, le message a été en partie entendu. À la Convention nationale des avocats jeudi dernier à Lille, la ministre de l'Économie, Christine Lagarde, n'a pas résisté à l'envie de faire une annonce en duplex de Paris. Une information confirmée le lendemain par la garde des Sceaux, Rachida Dati. Le projet d'ordonnance, qui transposera la 3 e directive européenne antiblanchiment du 26 octobre 2005, écartera de son champ d'application la consultation juridique de l'avocat. Dans ce cas de figure, le juriste ne sera pas tenu de faire une déclaration de soupçon à Tracfin (cellule de renseignement rattachée à Bercy).La question a été en fait tranchée en haut lieu. Dans une lettre du 15 octobre dernier adressée au bâtonnier de Paris Christian Charrière-Bournazel, le président Sarkozy annonce sa décision d'écarter la consultation juridique de l'avocat. Il s'appuie notamment sur la décision du Conseil d'État du 10 avril 2008. La Haute Juridiction administrative avait considéré que la consultation juridique de l'avocat ne pouvait pas être soumise à la 2e directive européenne antiblanchiment du 4 décembre 2001 au regard de la Convention européenne des droits de l'homme et de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes.NOUVELLES OBLIGATIONS" Dans ces conditions, le projet d'ordonnance relatif à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement des entreprises terroristes exclura l'activité de consultation juridique de l'ensemble des obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux ", écrit le chef de l'État.Autrement dit, la consultation juridique sera exclue de l'obligation de vigilance de l'avocat. La question reste en revanche d'actualité lorsque ce professionnel exécute ensuite l'opération pour son client. À ce moment-là, il peut avoir des soupçons de blanchiment d'argent sale. Dans cette hypothèse, il passera par l'intermédiaire de son bâtonnier. Celui-ci regardera si la situation soulevée par son confrère entre ou non dans le champ d'application de la 3e directive européenne pour la transmettre ou non à Tracfin. Le bâtonnier ne sera pas non plus tenu de dénoncer à Tracfin les faits dont il a connaissance. L'avocat pris en défaut fera l'objet d'une procédure disciplinaire. Le procureur de la République aura ainsi connaissance des faits. Il pourra alors décider de saisir ou non Tracfin.La rédaction du projet d'ordonnance risque d'être d'une grande subtilité juridique. Les avocats présents à la Convention nationale ont salué la décision prise par le chef de l'État. " On s'achemine vers la meilleure transposition possible ", estime l'un des principaux représentants de la profession. De son côté, opposé à toute violation du secret professionnel, le bâtonnier de Paris, Christian Charrière-Bournazel, tout en saluant l'avancée sur la consultation juridique, maintient sa ligne de conduite de ne pas appliquer la 3 e directive européenne. " Il n'est pas pensable que l'avocat fasse la déclaration de soupçon pour la moindre petite fraude fiscale. Nous ne l'accepterons jamais ", a-t-il déclaré vendredi à Lille.Une position dure saluée par des applaudissements dans la salle. Le gouvernement peut-il encore assouplir davantage la transposition dela 3e directive ? La marge de manoeuvre paraît très réduite...
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