Big Brother est parmi nous  !

Le mois dernier, les patrons de la compagnie ferroviaire Deutsche Bahn et de l'opérateur Deutsche Telekom ont reconnu avoir procédé à des opérations de surveillance de grande ampleur. Les données bancaires de plus de 200.000 salariés ont été passées au crible à leur insu. Leurs employeurs cherchaient les éventuelles complices de malversations impliquant le recours à des transferts financiers. Régulièrement, la vie privée des individus est inspectée. Pour les protéger, tous les pays européens disposent d'une instance de régulation. En France, c'est le rôle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). Depuis 2006, le nombre d'affaires évoquées devant la formation contentieuse de cette institution a presque doublé ! Comme l'explique son président, Alex Türk, « la plupart des entreprises ne connaissent pas les obligations légales. Elles mettent en place des systèmes de surveillance sans nous le signaler et sans en informer les représentants du personnel. Je vais souvent dans les régions pour faire de la pédagogie. »manque de transparenceEn cas de non-respect de la vie privée, les sanctions peuvent aller du simple avertissement à la dénonciation au parquet en passant par des amendes. Il y a un an, la CGT a pointé du doigt l'annonce par Air France de caméras destinées à surveiller les opérations d'entretien et de maintenance des avions en escale. « Ces contrôles ne sont légitimes que s'ils sont mis en ?uvre de façon proportionnée, loyale et sont accompagnés d'une communication claire. Les salariés les perçoivent différemment selon la façon dont on leur présente », estime Gaëlle Gissot, juriste en droit de l'informatique et des nouvelles technologies. Mais le manque de transparence est parfois flagrant, surtout en ce qui concerne la cybersurveillance ! En février, Valérie Amsellem, chargée d'affaires au sein du pôle médical d'Agfa, a été licenciée du jour au lendemain au motif qu'elle passait trop de temps sur Facebook. À aucun moment elle n'a su que l'historique de sa navigation était contrôlé. « Les gens venaient me voir douze fois dans la journée pour vérifier ce que je faisais. Je constatais souvent des ralentissements sur mon ordinateur et me demandais pourquoi », raconte la jeune femme.Si le fait de gérer quelques affaires personnelles sur le Web n'est pas en soit répréhensible, il faut reconnaître que certains salariés passent un temps considérable connectés sur des sites qui n'ont rien à voir avec leur activité professionnelle. Qu'ils soient adeptes de Meetic ou des messageries instantanées? les cyber-addicted sont nombreux ! Récemment, un enseignant d'un établissement catholique a été licencié après que ses supérieurs ont constaté qu'il surfait régulièrement sur des sites pornographiques. Les internautes en promenade sur le réseau laissent des traces électroniques à chaque seconde. En informatique, tout se sait ! Même quand ils sont effacés, les pages consultées laissent des traces car on peut faire parler les disques durs ! « Pour éviter les déconvenues, nous faisons en sorte qu'un certain nombre de sites violents ou illicites ne soient pas consultables », explique Philippe Achalme, directeur des ressources humaines (DRH) chez Aviva.Cécile Verbier, cadre dans une banque, se doutait que sa messagerie professionnelle était espionnée. Dans un contexte de licenciements à tout-va, elle a donc demandé à un ami complice, à la fois connu et puissant, de lui envoyer de faux mails. Elle espérait ainsi dissuader les personnes qui seraient amenées à lire ces échanges de se séparer d'elle.carottes ou bâtonUne entreprise a le droit de consulter les courriels de ses cadres, à condition de le mentionner clairement dans une charte. Sauf mention spécifique indiquant son caractère privé, tous les documents sur un ordinateur de bureau sont présumés professionnels. C'est ainsi que, le mois dernier, le conseil des prud'hommes d'Angers a justifié le licenciement d'une salariée, qui avait envoyé trop d'e-mails personnels pendant ses heures de travail. De la même façon, une entreprise peut sanctionner un usage abusif du téléphone, au vu des relevés de facturation. En revanche, la mise sur écoute d'un salarié à son insu est illégale. D'ailleurs, ce type d'enregistrement est rarement retenu comme preuve par la justice et l'arroseur risque de devenir arrosé. Il prend en effet le risque d'être attaqué pour non-respect du Code du travail.Il existe 1.001 façons de surveiller les salariés. Le système des agendas partagés par exemple permet d'évaluer le nombre de rendez-vous fixés. Il est aussi possible de traquer leurs moindres déplacements grâce à la géolocalisation. Sans parler des logiciels espions, utilisés même pour le télétravail. Pour Anne-Marie Fray, professeur de ressources humaines à l'Escem, « la meilleure surveillance, c'est la prévention ». Elle met en garde contre le risque d'infantilisation des salariés, qui peut se révéler contre-productif : « Le badge, par exemple, est souvent mal interprété. Il permet certes au salarié de se protéger si on met la quantité de son travail en doute, mais il ne se prête pas à toutes les fonctions. Certains ont besoin de cela, d'autres ont des postes qui vont de pair avec plus de libertés. » Si les uns fonctionnent avec des carottes, les autres réagissent plutôt au bâton ! n
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