Les trois raisons de la « malédiction française »

Au grand jeu des comparaisons internationales, s'il est un domaine dans lequel la France brille peu, c'est sur sa capacité à insérer les jeunes générations dans le monde du travail. Certes, elle n'est pas seule à afficher des taux de chômage chez les moins de 25 ans flirtant avec les 18 %. Maigre consolation, les autres pays du bassin méditerranéen, tels que l'Espagne, l'Italie ou la Grèce, rivalisent pour être sur le podium.La crise n'est, bien sûr, pas étrangère à l'envolée récente du chômage chez les jeunes Français, mais elle n'explique pas tout. Selon Pôle emploi, en un an, le nombre de demandeurs d'emploi de moins de 25 ans a progressé de 32 %. Un rythme deux fois plus rapide que dans les autres catégories (17,1 % chez les 25-49 ans et 14,1 % chez les plus de 50 ans). Autre signe d'une spécificité française, même en période d'embellie sur le marché du travail, les jeunes n'en profitent pas autant que les autres. Ainsi, au début de 2008, le taux de chômage de l'ensemble de la population est tombé à 7,2 %, son plus bas niveau depuis 1983, mais celui des moins de 25 ans était toujours de 17,5 %. Explications de la malédiction hexagonale.? Un système éducatif qui exclutPremière pointée du doigt dans les ratés de l'insertion des jeunes, l'école. « Le système ne s'est pas adapté à la scolarisation de masse. Il est toujours organisé pour sélectionner l'élite, ce qui engendre beaucoup de découragement et d'exclusion », souligne Olivier Galland, sociologue et auteur de « Les jeunes Français ont-ils raison d'avoir peur ? » (Armand Colin). Or le lien entre le niveau de diplôme et la capacité à trouver un emploi est établi. Selon l'enquête génération 2004 réalisée par le Cereq (Centre d'études et de recherches sur les qualifications), 40 % des 120.000 jeunes sortis du système scolaire sans diplôme sont toujours sans travail trois ans après avoir quitté les bancs de l'école. « Leurs difficultés pressenties dès l'école se poursuivent dans la vie active. Pour certains d'entre eux, décrypter un code couleur est, par exemple, complexe », précise René Sève, directeur général du Conseil d'analyse stratégique. Pour ceux qui ont poursuivi leurs études, la situation est plus nuancée. le taux de chômage à trois ans est de 12 % après un BTS ou un DUT, de 10 % après un mastère, mais de 38 % après un bac général, trop peu spécialisé.? Une entrée dans la vie active mal préparéeAutre facteur de différenciation entre la France et les pays affichant de bonnes performances, la brutalité du passage entre école et vie active. « Dans les pays anglo-saxons, beaucoup de jeunes cumulent emploi et études. Quand ils arrivent sur le marché du travail, ils ont déjà acquis une expérience et beaucoup de professionnalisme », note Anne Sonnet, responsable du projet sur l'emploi des jeunes à l'OCDE qui prépare, pour le 20 mai, un rapport sur la situation française. Preuve que la question est cruciale, le lien créé avec un employeur dans le cadre de l'apprentissage ou de stages de longue durée est souvent déterminant pour trouver un premier emploi.? Un marché du travail trop cloisonnéAu cours des dernières années, l'intérim et les contrats précaires se sont fortement développés. Or ils sont majoritairement occupés par des débutants. Ainsi, le travail temporaire et les CDD représentent respectivement 5,1 % et 20 % de l'emploi des jeunes quand ils ne pèsent que 1,7 % et 6,2 % chez les 30 à 49 ans. Et le passage d'un type de contrat à l'autre se fait difficilement. En période de ralentissement économique, l'effet de cette dualité du marché du travail est dévastateur : « Très nombreux sur les emplois précaires, les jeunes sont les premiers à subir la crise », souligne Henri Eckert, chargé d'études au Cereq. Et leur taux de chômage s'envole.
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