Interview de Colette Lewiner « Le réveil sera douloureux pour les marchés européens de l'énergie »

Vous publiez aujourd'hui votre « Observatoire européen des marchés de l'énergie » dans un contexte de baisse du prix du pétrole et de crise économique. Quel sera l'impact de cette conjonction sur les marchés du gaz et de l'électricité??Colette Lewiner?: La volatilité des prix du pétrole est effectivement l'événement le plus marquant des douze derniers mois. La crise économique devrait avoir pour conséquence en Europe de réduire la demande et, de ce fait, de diminuer les tensions sur la sécurité d'approvisionnement énergétique, ainsi que les émissions de CO2. La baisse du prix du pétrole conjuguée à celle de la demande devrait se traduire par une décroissance des prix de l'électricité et du gaz. Cette tendance pourrait être renforcée par la volonté politique dans certains pays. De nombreux gouvernements, préoccupés par le pouvoir d'achat de leurs citoyens, pourront être tentés de prendre des mesures comme le plafonnement des prix de l'électricité tel que l'a annoncé le ministre de l'Énergie belge en octobre 2008 ou imposer des mesures de protection des consommateurs les plus modestes telle que discutée au Royaume-Uni. Parallèlement, certains gouvernements pourraient imposer de nouvelles taxes aux électriciens, par exemple sur les « windfall profits » (profits inespérés) dont certains opérateurs auraient bénéficié en répercutant le prix des certificats de CO2 sur les prix de gros de l'électricité alors que la grande majorité de ces certificats leur ont été donnés gratuitement. Pour la seule année 2007, les auteurs de l'étude estiment que les deux principaux électriciens allemands, E. ON et RWE, auraient pu accroître leurs bénéfices de 5 milliards d'euros. De nombreux pays européens, dont le Royaume-Uni et la Belgique, s'en sont émus.Quelles conséquences aura cette crise sur les énormes investissements nécessaires aux infrastructures énergétiques en Europe??CL?: Nous estimons à 1.000 milliards d'euros les investissements que les pays européens doivent consentir d'ici vingt-cinq ans pour garantir la sécurité d'approvisionnement. Il faut remplacer les centrales en fin de vie, les lignes électriques et les gazoducs mais également améliorer la solidarité européenne, en cas de crise d'approvisionnement par exemple. La crise du crédit va rendre plus difficile le financement de ces investissements. En outre, la croissance des énergies renouvelables pourrait être compromise. Pour limiter leurs dépenses, certains gouvernements seront tentés de réduire leurs subventions aux énergies renouvelables. Or, elles ont besoin d'être subventionnées pour être financièrement compétitives et ce, d'autant plus que le coût des centrales électriques au gaz aura baissé. Le gouvernement espagnol a déjà décidé de réduire ses mesures d'incitation en faveur du solaire.Et après la crise??CL?: Le réveil sera probablement douloureux pour les marchés européens de l'énergie lorsque la croissance repartira. En freinant ou arrêtant les investissements, la crise financière aura engendré un manque de capacité de production et d'infrastructures de transport. De plus, elle aura vraisemblablement retardé la mise en service d'éoliennes ou de centrales solaires et peut-être de centrales nucléaires. L'absence de cette production d'électricité sans CO2 et le recours accru aux centrales à base de combustibles fossiles augmenteront les émissions de gaz à effet de serre. Pour éviter une situation critique, les utilities et les gouvernements devraient maintenir leurs plans d'investissement tout en privilégiant des moyens de production « sans émission de CO2 ». Colette Lewiner, directeur international du secteur Energie chez CapgeminiInterview réalisée parlaurence boisseau et marie-caroline lopez
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